Mathias Nygård, leader du groupe Turisas

Après la chronique du nouvel album à paraître sous peu postée ce matin, voici l'interview que nous avons réalisé avec Mathias "Warlord" Nygård, leader et compositeur du groupe Turisas. C'est qu'il en a, des choses à dire...

Ju de Melon : Bonjour Warlord, le nouvel album sort fin février comment vis-tu avec cette attente actuellement ?

Mathias Nygård : Disons qu'elle est plutôt longue car nous avons fini le mastering début novembre, depuis tout ce qui est artwork et packaging a pris pas mal de temps. Cependant, nous avons de quoi nous occuper avec la promo et la tournée que nous nous apprêtons à faire en Amérique. Maintenant il ne reste plus qu'à voir comment les fans et les professionnels vont recevoir l'album, c'est toujours un peu la même incertitude à ce niveau même si je suis plutôt optimiste.

Mathias Nygard (Turisas)

Ju de Melon : Stand Up and Fight semble être une continuation thématique de The Varangian Way mais pas tout à fait une suite d'après ce que j'ai pu lire, peux-tu nous raconter brièvement l'histoire qu'il y est racontée ?

Mathias Nygård : Oui, il est lié avec le précédent album qui avait un fort concept historique, chaque chanson était d'ailleurs placée sur une carte que l'on pouvait découvrir au dos du CD. A l'époque de The Varangian Way, je me suis vite rendu compte qu'il aurait été trop complexe et trop long de raconter toute l'histoire en un seul opus, alors je me suis concentré sur ce "voyage" et je me suis dit que quelques suites ou autres précisions pourraient être apportées lors d'un futur album. Le but était donc de faire une suite lorsque je me suis mis à travailler sur les bases de ce nouveau disque, mais au fil des idées je me suis rendu compte que de faire un simple séquel ne serait pas la meilleure solution, du moins elle ne m'inspirait pas autant que prévu... Je voulais en fait travailler autrement. Il fallait tout de même garder un lien avec le contexte historique déjà établi, alors au final Stand Up and Fight garde cette couleur mais n'a pas la structure complexe et ordonnée d'un The Varangian Way.

Ju de Melon : Du coup certaines chansons sortent peut-être un peu du "Varangian concept" de temps à autre...

Mathias Nygård : Oui et non, disons que les paroles de chaque chanson se rapportent toujours à ces cultures européennes du nord ou de l'est et ont une vraie parenté avec ce qui a été développé au préalable, c'est l'approche qui a un peu changé ici. Tout simplement. L'album apparait ainsi plus "simple", avec plus de changements de rythme peut-être, on ne suit pas le cours précis d'une histoire mais on passe d'une histoire à une autre.

Ju de Melon : Cet album semble donc un poil moins accessible que ses prédécesseurs. As-tu changé ton approche de composition et ainsi intégré de nouvelles influences ?

Mathias Nygård : Avec le temps, des idées te viennent, elles s'avèrent parfois un peu différentes des précédentes ou du moins tu ne les perçois pas forcément de la même façon. C'est l'inspiration qui te guide et personnellement je la laisse venir le temps qu'il faut. Beaucoup de groupes sortent des albums tous les deux ans voire moins, ne prennent que peu de pause entre les tournées et le travail sur un nouveau disque, certains arrivent à travailler ainsi et sortir de très bons albums mais je pense personnellement qu'il faut parfois savoir prendre son temps pour renouveler son stock d'idées. Je suis plus sur un cycle d'une sortie tous les 3-4 ans, ce qui nous permet en tant que groupe ou compositeur de "progresser" en un sens, aussi bien en tant qu'artiste qu'en tant que personne. Je pense avoir évolué au niveau de l'écriture depuis le précédent opus, je me suis rendu compte que j'ai abordé Stand Up and Fight avec une approche plus "comédie musicale" dans la tête, j'ai eu envie de mettre sur pied une sorte de théâtre avec une grande diversité de mélodies et de choeurs ou chants qui se répondent sans cesse. Il y avait un peu de cela sur The Varangian Way déjà mais là on va encore plus loin. Il y a aussi sur ce nouveau brulôt quelques influences rock venues des années 80, un style appelé "stadium rock", rendu populaire par des groupes comme Queen ou Journey par exemple. C'est étrange parfois car je ne peux pas dire que j'ai été un très grand fan du genre, mais disons que c'est venu un peu par hasard, certaines choses ont du mal à s'expliquer...

Ju de Melon : Pour la première fois tu as utilisé de vrais instruments à cordes ainsi que des cuivres pour les arrangements orchestraux, en quoi cela a changé ta façon de travailler ?

Mathias Nygård : Disons que ça n'a pas forcément été plus complexe que sur The Varangian Way au niveau de la "composition orchestrale", sauf que cette fois-ci effectivement nous avons pu utiliser de vrais instruments orchestraux. Mais tout n'a pas été fait en une fois avec un gros orchestre jouant les pièces comme pour un opéra, cela s'est plus passé en studio et enregistré "pièce par pièce" comme un gigantesque puzzle. Du coup, cela sonne plus authentique, plus majestueux, mais au niveau inspiration et composition je savais où je voulais aller donc nous n'avons pas eu trop d'hésitation même si cela a demandé beaucoup de travail. Nous voulions surtout ici éviter de sonner comme certains groupes de metal symphonique qui ajoutent des samples pseudo-orchestraux une fois les compositions de base réalisées... Ici tout a été pensé en amont, j'ai composé en ayant l'idée des parties symphoniques afin qu'elles s'intègrent d'elles-même au processus. Ainsi l'orchestration fait partie à part entière de chaque morceau. Au niveau du mixage, cela a fait évidemment beaucoup de pistes à gérer, mais l'équipe technique qui s'en est occupé a vraiment assuré un boulot remarquable, donc pas de souci à ce niveau.

Mathias Nygard (Turisas)

Ju de Melon : Parmi les 9 chansons composant l'album, quelle est pour toi celle dont tu es le plus fier et pour quelle raison ?

Mathias Nygård : C'est difficile car je considère chaque chanson comme différente selon l'inspiration ou l'approche, puis j'ai encore un peu tendance à voir cet album comme un tout. Je pense encore aux démos ou aux thèmes qui m'ont inspiré leur naissance, j'ai du mal à les juger "entre elles", peut-être est-il encore un peu tôt pour cela. Là aujourd'hui, sur le moment, je te dirais la chanson n°4 de l'album et son titre grec : "Venetoi! - Prasinoi!". Avec beaucoup d'inspiration et très différente du reste de l'opus ou de tout ce qu'on a pu faire jusque là. Un morceau en majeure partie instrumental mais où il se passe beaucoup de choses, c'est un peu à vous couper le souffle du début à la fin. Il se déroule à la manière d'une course de char (comme on en voit dans le film Ben-Hur par exemple) avec cette atmosphère quasi irrespirable mais excitante... Ici, tout ce qui est instruments à corde ou cuivres s'harmonisent parfaitement avec l'idée je trouve, épique et filmique à la fois. Mais bon, elle ne résume pas l'album en tant que tel, elle est un peu à part même si possède des éléments qui se retrouvent tout au long des autres titres. En attendant, niveau créatif, c'est peut-être bien celle que je préfère.

Ju de Melon : Quelques mots sur le groupe en lui-même, car depuis The Varangian Way vous avez une nouvelle accordéoniste (Netta Skog)... bonne intégration dans cette team de mâles ? (rires)

Mathias Nygård : En tout cas elle est très heureuse d'être dans Turisas (rires). Elle est avec nous depuis 4 ans désormais, depuis une tournée que nous avons fait courant 2007 et où elle était venue nous rejoindre suite à un concours avant d'être officiellement intégrée dans le groupe par la suite. Elle avait seulement 16 ans à l'époque et on peut dire qu'elle a pourtant remplacé notre accordéoniste au pied levé ! Depuis elle s'est parfaitement intégrée au groupe et elle a même pris plaisir à poser sur les dernières photos promotionnelles réalisées pour ce nouvel album, c'est une passionnée et elle adore jouer sur scène avec nous. Mais bon, il est vrai que sur cet album on ne peut pas dire que l'accordéon soit mis en avant...

Ju de Melon : Parlons un peu de la pochette, à dominante rouge et assez surprenante je dirais, en tout cas bien différente de la précédente. Comment l'as-tu choisie ?

Mathias Nygård : Tu sais, quand on voit certaines pochettes de groupes du genre, on a vite fait le tour et ça devient un peu redondant de voir toujours les mêmes couleurs, les mêmes clichés. Certaines sont très belles il est vrai mais bon... Pas très inspirant selon moi, c'est pourquoi ici nous avons voulu un peu faire différemment. L'idée de cette pochette est quelque chose que j'avais en tête depuis un certain temps déjà. Quelque part, j'ai pensé à ces grands films épiques hollywoodiens des années 60, je ne voulais pas un truc pixélisé et fait à l'ordinateur... Graphiquement, la pochette de Stand Up and Fight représente vraiment ce que j'aime, c'est exactement ce que je désirais obtenir comme résultat. J'ai aussi eu en tête ces vieux posters olympiques représentant des sportifs prêts à donner le meilleur d'eux-même, avec toute leur fierté et leurs muscles mis en avant ! Tout ceci pour bien représenter l'esprit guerrier épique qui parcourt l'album. Le mixage de ces deux influences rend bien je trouve.

Turisas - Stand Up and Fight

Ju de Melon : Parlons du côté fun de Turisas, les reprises façons folk ! Après "Those Were the Days" et "Rasputin", vous vous êtes attaqués au "Supernaut" de Black Sabbath dans une version très personnelle... Pourquoi ce choix ?

Mathias Nygård : Tu sais, Black Sabbath est un peu à la base de tout, et quand nous étions jeunes nous écoutions pas mal ce groupe donc forcément ça te marque en tant qu'artiste. La base des influences vient de là, ou de groupes comme Deep Purple et Led Zeppelin. L'idée est cependant venue concrètement du magazine Metal Hammer qui a voulu mettre en place une compilation spéciale reprises de Black Sabbath pour les 40 ans de leur premier album. Ils nous ont contacté, et comme j'avais déjà une excellente affinité avec cette formation de légende, j'ai immédiatement accepté la proposition. Ensuite, nous avons discuté avec le groupe sur le choix de la chanson... Nous voulions un titre suffisamment énergique pour le reprendre à notre manière, cela nous a pris pas mal de temps car on ne peut pas dire que "Supernaut" soit une chanson proche du style Turisas ! Nous voulions de toute façon l'adapter à notre sauce car selon moi il n'y a rien de plus inutile qu'une reprise bêtement copiée sur l'originale... En tout cas, c'est notre point de vue. Chacune de nos reprises est assez personnelle au final, mais aussi assez différente de ce que nous faisons sur album, moins symphonique et beaucoup plus "direct folk" on va dire. Un peu comme s'il y avait un feeling live sur chacune d'entre elles...

Ju de Melon : Puisqu'on évoque l'avenir... Cet album semble avoir une conclusion claire sur le concept avec une dernière chanson à la tonalité dramatique. Sais-tu de quoi sera fait la suite aussi bien musicalement que thématiquement ?

Mathias Nygård : C'est compliqué à imaginer parce que quelque part les compteurs sont un peu remis à zéro désormais niveau création vu que ce nouvel album est totalement complété. On peut toujours fantasmer sur ce qui se passera ensuite mais moi-même je pense n'en avoir aucune idée, pour l'instant nous sommes tournés sur les concerts à venir et les quelques jours de promotion qu'il nous reste. Il est évident que le grand défi sera de ne pas trop se répéter avec le prochain, car sur ce disque nous avons exploré pas mal de choses en profondeur et il sera forcément difficile d'évoluer dans le style sans quelques redites... En quelque sorte ce sera un vrai challenge intéressant ! Il est évident que les éléments symphoniques ou épiques resteront toujours présents, tout dépendra de ce qui m'inspirera ces prochains mois ou ces prochaines années, des films que je verrai, de plein de choses en fait. J'espère que nous resterons un groupe créatif qui n'hésitera pas à explorer de nouveaux horizons sans avoir peur de trop oser, tout en continuant bien sûr de proposer le meilleur pour les fans...

Ju de Melon : Musicalement, qu'as-tu retenu de l'année 2010 ?

Mathias Nygård : Pour être honnête, pas grand chose. Disons que je ne suis pas trop de près ce qui se passe dans le monde de la musique, y compris dans le metal. Tu sais, j'aime les groupes que je connais déjà, et cela va du black metal au crustcore donc c'est assez large. Je ne cherche pas trop à découvrir de nouvelles choses, parfois je tombe sur de bonnes découvertes par hasard mais je ne vais pas délibéremment chercher les nouveautés. Après, parfois pour me relaxer, j'aime bien écouter du jazz ou des musiques de film par exemple, j'ai pas mal écouté de tout ça en 2010.

Ju de Melon : J'imagine que le studio a occupé une bonne partie de ton temps l'an passé...

Mathias Nygård : C'est exactement cela, nous avons pas mal passé de temps à enregistrer ou à réfléchir sur des chansons, de toute façon nous n'avions rien d'autre à faire sur le papier. Tu sais, c'est un peu stressant, car tu as tellement envie que le résultat final soit proche des inspirations que t'as eu... Du coup, on fait attention à chaque détail, on a un peu peur du mixage car il y a toujours énormément de pistes à mettre en place. L'été a été un peu casse-tête à ce niveau mais on y est finalement arrivé. On a aussi voyagé quelques semaines en Asie et en Australie pour la première fois de notre carrière, on a même joué en Chine ce qui restera d'ailleurs une expérience assez unique je pense. On a beaucoup aimé le Japon également, c'était très excitant de s'y retrouver d'autant plus que nous avons quelques bons fans là-bas...

Mathias Nygard (Turisas)

Ju de Melon : Merci beaucoup pour cette entrevue Warlord, as-tu un dernier message à faire passer aux fans français ?

Mathias Nygård : Nous vous donnons rendez-vous le 21 mars au Nouveau Casino de Paris, nous y jouerons en tête d'affiche. une seule date pour l'instant, c'est un peu dommage car il y a beaucoup d'endroits en France que je veux visiter mais il n'est jamais évident de booker autant de dates que nous le souhaitons... Après, nous serons également au Hellfest au moins de juin, donc nous reviendrons voir du pays (rires) ! La prochaine fois c'est promis nous essayerons de revenir sur plusieurs dates, après tout on on fera une dizaine en Allemagne en avril donc je pense qu'il devrait être possible qu'un jour nous en faisions autant dans votre pays...

Les choses sont au moins claires, ce Stand Up of Fight constitue une nouvelle étape dans la carrière de Turisas. Reste à savoir comment l'album sera reçu par les fans, il sera en vente dès lundi prochain 28 février via Century Media...

Chronique de l'album Stand Up and Fight
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