Richard Henshall et Charlie Griffiths, guitaristes de Haken

A l’occasion de leur tout premier concert à Paris, La Grosse Radio a pu s’entretenir avec Charlie Griffiths et Richard Henshall, têtes pensantes d’Haken. Nous avons pu récolter leurs impressions quant à la sortie de The Mountain et l’accueil réservé à l’album, mais également évoquer leur participation à la Progressive Nation (organisée par Mike Portnoy). Ils nous ont également fait part de leur vision du metal progressif et de leurs influences ainsi que des raisons qui ont poussé Tom MacLean à quitter le groupe.

Bonjour à tous les deux, merci d’avoir accepté de nous accorder cette interview pour La Grosse Radio ! L’année dernière est paru votre troisième album appelé The Mountain, qui a reçu de très bonnes critiques. Quelles ont été vos réactions ?

Charlie Griffiths : Hé bien, nous avons été extrêmement flattés des différentes réactions suscitées. Nous avons juste réalisé l’album que nous souhaitions, en écrivant des chansons que nous aimerions jouer. C’est vraiment un album personnel et nous ne nous attendions pas à un tel retour… c’est incroyable !

Richard Henshall : Oui, nous nous sentons privilégiés de pouvoir tourner et jouer notre musique pour des gens qui l’apprécient. Alors, comme Charlie le mentionnait, les éloges que l’on reçoit sont un bonus. Tout part de notre volonté d’écrire une musique que nous aimerions jouer.

Pouvez-vous nous expliquer la conception de The Mountain ?

Charlie : Nous sommes partis d’une toile vierge, sans discuter d’un thème particulier ou autre. Au contraire des albums précédents, ici chacun a apporté des paroles. Si quelqu’un avait un bon feeling avec la mélodie d’une chanson, il pouvait en écrire le texte. Tout le monde a suivit le mouvement : apporter des paroles au groupe, enregistrer des démos de nous en train de chanter – très mal (sourire) – puis les donner à Ross (NDLR : Jennings, au chant) pour qu’il les chante correctement. Et finalement on s’est aperçu que nous avions des paroliers insoupçonnés dans le groupe. Nous avons également réalisé qu’un thème général ressortait, que tout le monde avait écrit des paroles sur le fait de surmonter les obstacles de la vie. C’est un voyage très personnel : on lutte tous pour quelque chose. Du coup, nous avons réfléchis à ce qui pourrait résumer cette idée : après plusieurs suggestions, tout le monde s’est accordé sur The Mountain

Il y a une histoire derrière...

Richard : Hé bien, il n’y a pas de concept narratif comme les deux précédents albums, il s’agit plus ici d’idées individuelles s’insérant dans un thème général auquel les gens peuvent s’identifier. Mais le fait d’avoir mis en place une approche différente nous a offert une large palette d’émotion qui donne à cet album une énergie différente des deux premiers.

Richard Henshall

Haken est un groupe jeune, formé en 2007. Toutefois, en sept ans, vous avez déjà réalisé trois albums. Est-ce que c’est facile pour vous de composer ?

Charlie : Je crois que c’est même moins que ça. En fait, le groupe s’est vraiment formé en 2010. Nous avons commencé à écrire Aquarius ensemble en 2009 donc on peut dire que ça ne fait que cinq ans. Richard est à l’origine de la quasi-totalité de la musique et nous présente d’abord ses arrangements MIDI. Moi je complète les chansons puis chacun apprend sa partie avant de passer dans notre salle de répétition. Puis les morceaux prennent chair et chacun rajoute des éléments ici et là.

Richard : C’est vrai, nous avons passé pas mal de temps dans la salle de répétition, à balancer des idées, à mettre en place le processus, hiérarchiser les structures…

Charlie : Nous avons vraiment l’impression que de nos jours, la plupart des membres des groupes ne se rencontrent pas. Ils écrivent chacun de leurs côtés sur leurs ordinateurs portables, s’échangent les idées par e-mail, mais nous pensons qu’il est vraiment important de se réunir. Nous avons eu cette approche sur les trois albums, et nous continuerons à procéder de cette façon.

A la surprise générale, Tom Maclean (basse) a décidé de quitter le groupe après la sortie de The Mountain. Pouvez-vous nous dire quelles étaient ses raisons ? Comment avez-vous choisi son remplaçant, Conner Green ?

Charlie : C’était une surprise en effet. On ne s’attendait pas du tout à ce que Tom nous quitte. Mais il avait d’autres intérêts ailleurs… C’est quelqu’un de très intelligent et créatif et il est impliqué dans de nombreux projets, pas seulement musicaux. Quand il a vu le succès de The Mountain, il a craint de ne pas avoir assez de temps pour lui, et qu’en raison de la tournée il devrait consacrer plus de temps au groupe qu’il ne le pouvait. Il n’avait donc pas vraiment envie de partir, mais a pensé que c’était pour le mieux. Nous avons donc lancé des auditions sur internet, et c’était super ! Nous avions deux morceaux : « Portals » qui est notre morceau instrumental le plus technique, et « Because it’s there » où la ligne de basse avait été supprimée afin que les candidats puisse y placer la leur. Cela nous permettait à la fois de voir leur niveau technique et leur créativité musicale. Le chant était un bonus, nous ne recherchions pas forcément quelqu’un qui sache chanter. Nous sommes cinq dans le groupe et l’un d’entre nous pouvait s’en charger. Nous avons reçus quarante cassettes d’auditions… ou plutôt de vidéos Youtube ! (rires)

Seulement quarante ?

Richard et Charlie : On trouve que c’est déjà beaucoup ! (rires)

Richard : On ne se prend pas pour un grand groupe, alors que quarante personnes s’intéressent à nous et apprennent notre musique pour jouer nos morceaux, c’est génial ! (rires). Nous avons réduit le nombre de candidats à six participants que l’on a fait venir à Londres pour une audition, et c’est là que l’on a rencontré Conner qui jouera avec nous ce soir et pour toute la tournée. C’est un super musicien !

Deviendra-t-il un membre permanent du groupe ?

Charlie : Nous aimerions beaucoup. Mais pour l’instant, nous restons prudents car c’est une décision importante à la fois pour lui et pour nous. Peut-être qu’à la fin de la tournée, Conner ne nous supportera plus…

Richard : … ou nous détestera ! (rires). Il s’entend très bien avec le groupe, est très à l’aise sur scène et son jeu correspond tout à fait à notre musique. Mais les raisons principales pour laquelle nous l’avons choisi étaient sa grosse barbe et ses énormes doigts ! (rires). C’était notre priorité ! (rires).

Charlie Griffiths

Sur ce nouvel album, on ne trouve aucune chanson épique de vingt minutes comme on a pu le voir sur vos précédents albums, à l’image de « Celestial Elexir » ou « Visions ». Pourquoi avoir fait ce choix ?

Charlie : Pour être honnête, nous n’avions pas décidé de faire de « Celestial Elexir » ou « Visions » des morceaux longs. Lors de l’écriture, leur durée s’est imposée d’elle même.

Richard : Cela dépend du thème que l’on souhaite développer. Chaque morceau est un voyage, qui peut donc être plus ou moins long.

Charlie : C’est une question de feeling. Parfois, trois minutes peuvent suffire pour exprimer une idée, d’autres fois il faut vingt minutes. Mais rien ne nous y force.

Sur The Mountain plus que vos autres albums, une grande part est accordée au chant, notamment sur « Cockroach King ». Cela me rappelle notamment Gentle Giant…

Charlie : Mon deuxième groupe préféré ! (rires)

Considérez-vous cela comme un héritage du rock progressif des années soixante-dix ?

Charlie et Richard : Clairement !

Richard : Nous sommes tous d’énormes fans de Gentle Giant ! Je suppose que « Cockroach King » était un hommage.

Charlie : Oui, tout le monde semble opérer un retour au prog, je vois beaucoup de groupes le faire. Pour nous, c’est arrivé lorsque nous avons joué « Visions » en live, et c’était vraiment différent de la version studio. Nous avons décidé de faire une partie a cappella. Et quand on a commencé à le faire, on s’est dit : « Oh, ça ressemble à Gentle Giant. Peut-être qu’on devrait développer ça ! » (rires). Quand on a fait « Cockroach King», on s’est dit qu’il devait absolument y avoir une section a cappella. Ça vient de là !

Richard : Nous avons toujours eu un côté délirant dans notre musique et nous pensions que cela pourrait être cool de tout concentrer dans une seule chanson ; celle-là nous semblait idéale. Nous avons même fait une reprise d’un de leur morceau, « Peel the pain », un hommage au groupe ultime !

Charlie : Et c’était cool ! En fait, l’année dernière nous avons joué au festival prog de Veruno (NDLR : le festival 2 Days Prog) et nous étions programmés sur la même affiche que Three Friends : il y avait Garry Greene qui était le guitariste de Gentle Giant, ils ont joué des morceaux du groupe et c’était un très bel hommage… Mais nous étions également un peu nerveux car nous savions que nous ferions notre passage a cappella en présence d’un des maîtres du genre. En réalité, il a assisté à notre concert, nous a soutenu et nous a dit qu’il adorait… alors si lui dit que c’est bien, ça me va tout à fait ! (rires)

Certains groupes et musiciens de metal progressif ont également témoigné leur soutien à Haken, comme Jordan Rudess ou Mike Portnoy. Vous avez également participé à la Progressive Nation organisée par Mike Portnoy. Etes-vous fiers de recevoir un tel soutien ?

Charlie et Richard : Oui, très !

Charlie : C’est génial ! J’ai écouté Dream Theater pour la première fois en 1993 et j’ai assisté à l’enregistrement du Live at the Marquee. Ils tiennent une grande place dans mon panthéon musical. J’ai écouté de nombreux groupes de Thrash dans les années quatre-vingt dix mais j’ai vraiment découvert le prog et ses fondateurs par le biais de Dream Theater. Alors quand vingt ans plus tard je vois que Mike Portnoy a entendu parler de nous… sans compter qu’il aime notre musique et nous a invité à la croisière aux Bahamas !

Richard : Oui, la croisière était énorme ! C’était vraiment un plaisir d’être là, en tant que groupe ou même simplement en tant que fan pour voir les autres jouer. Il y avait beaucoup de nos groupes préférés, comme Pain of Salvation, Devin Townsend Project,…

Charlie : Ce qui était super, c’est qu’il n’y avait pas de barrières entre les fans et les groupes. Tout le monde pouvait aller et venir librement, se rencontrer à la cafeteria, dîner avec Devin Townsend

Ce soir, vous jouerez à Paris pour la première fois, bien que vous ayez déjà joué en France, au Festival Crescendo. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?

Richard : C’est difficile pour nous de trouver le temps, nous avons tous un métier à côté alors on essaie de s’organiser au mieux dans nos emplois du temps respectifs.

Charlie : La tournée permet de faire la promotion et de donner de la visibilité au groupe. Nous adorerions tourner dans toutes les villes, mais cela coûte cher et nous avons besoin de trouver des accords avec les promoteurs locaux, et puis compter aussi sur la chance. C’est le business. Nous ne pouvons tout simplement pas dépenser tout notre argent dans une tournée, il faut au moins que l’on rentre dans nos frais. Mais The Mountain marque une nouvelle étape. Que des gens comme Jordan (NDLR : Rudess) et Mike (NDLR : Portnoy) parlent de nous nous a valu de nombreuses ventes… on ne les remerciera jamais assez pour ça. Grâce à tout cela, nous sommes ici aujourd’hui pour la première fois. C’est l’une des villes les plus proches de Londres et nous avons mis une éternité pour arriver jusqu’ici !

Richard : Mais si nous continuons sur cette lancée, nous devrions revenir beaucoup plus souvent dans le futur !

Dans le metal progressif, on connait bien sûr les piliers des années quatre-vingt dix comme Dream Theater, Pain of Salvation ou Symphony X, mais la nouvelle génération semble plus intéressée par le Djent que par le prog. Y-a-t-il des jeunes groupes que vous appréciez en particulier ?

Richard : Il y a tellement de groupes…

Charlie : J’adore le Djent, je suis fan de Periphery, Safety Fire, Animals as Leaders, ou encore de ce groupe super cool du New Jersey appelé Thank You Scientist. Ils ont joué lors de la croisière et je suis un fan depuis leur premier album qui est sorti l’année dernière. Leur guitariste est super, il joue un peu à la Bumblefoot, dont il doit d’ailleurs être l’un des étudiants. J’adore leurs chansons, leurs arrangements avec les cors de chasse, et c’est probablement mon groupe préféré en ce moment.

Richard : Je suis également un énorme fan de Thank You Scientist. Animals as Leaders est un groupe incroyable. J’aime aussi cet autre groupe du label Inside Out, Leprous.

Charlie : Leur dernier album, Coal, est un des meilleurs albums de l’année dernière.

Richard : Il est meilleur que le nôtre ! (rires).

Charlie : Ils ont un très bon son et une excellente production. C’est d’ailleurs la même personne qui a mixé leur album et leur nôtre. C’est un très bon groupe.

Et si vous pouviez assurer la première partie d’un groupe, quel serait votre choix ?

Charlie : Ce serait Dream Theater. Ce serait probablement le seul moyen de jouer dans un stade ! Au train où vont les choses, je serais très surpris si un autre groupe réussissait à les égaler. Ils sont au sommet de leur popularité. Je pense qu’un autre groupe de prog jouant dans un stade n’arrivera pas de sitôt.

Richard : J’aimerais aussi ouvrir pour Dream Theater… ou Gentle Giant, s’ils se reforment… au moins juste le temps que l’on joue ! (rires)

Comme nous l’avons déjà mentionné, votre discographie compte trois albums. Aujourd’hui, que pensez-vous d’Aquarius et Visions ?

Richard : Ils représentent nos questionnements de l’époque. Je considère chaque album avec la même affection, chacun a sa place dans notre histoire. Nous aimons les jouer en live et c’est super de voir les fans y répondre.

Charlie : Pour ma part, The Mountain représente la première œuvre complète d’Haken. C’est l’adéquation parfaite entre la vision de Richard et les paroles de Ross, et le reste fonctionne parfaitement. On ne réfléchit pas trop au passé, mais The Mountain est très certainement notre production la plus aboutie.

Richard : Oui, ça se tient. Je pense que The Mountain comporte des thèmes variés qui parlent à beaucoup de gens, bien plus que dans nos précédents albums. C’est vraiment mon préféré !

Charlie : Pour moi aussi ! (rires)

The Mountain se clôt sur « Somebody », un morceau bien plus sombre que les autres. Est-ce que cela signifie que vous jouerez une musique plus sombre à l’avenir ? Savez-vous à quoi ressemblera votre prochain album ?

Charlie : Ce qui est intéressant, c’est que lorsque l’on regarde la structure du morceau, ce dernier suit l’image d’une montagne. Et en effet, sur la pochette, il y a un rappel du mythe de Sisyphe. C’est très sombre et cela correspond à ce que nous souhaitions écrire. Cette histoire est présente depuis la nuit des temps, tout le monde en parle. C’est donc ainsi que l’album est construit : le bas de la montagne est « The Path » qui représente le début du voyage. Ce dernier prend ensuite un aspect graduel et positif quand survient « Falling back to earth » qui représente le début de la descente. A partir de ce morceau, tous les autres comportent un aspect négatif, « Somebody » représentant le point le plus bas. Voilà pour l’ambiance ! Mais cela ne signifie pas que c’est ce que nous ferons dans le futur.

Richard : Nous ne nous forcerons pas, nous verrons bien notre ressenti à ce moment là et où la musique nous porte. Nous souhaitons vraiment explorer différents types de scénarios et musiques, sans se cantonner à un seul style… mais nous verrons bien !

Dernière question… Pensez-vous que votre prochain album sera également un album concept ?

Charlie : Nous ne pouvons pas vraiment l’affirmer, nous verrons bien, mais nous ne sommes pas contre !

Richard : C’est encore un peu tôt pour le dire.

Charlie : Oui, profitons pour le moment de la tournée de The Moutain et du public ! Nous avons quelques idées ici et là mais rien de concret. On verra bien ! (sourires).

Avant de nous quitter, avez-vous un dernier mot pour nos lecteurs de La Grosse Radio ?

Charlie : Merci d’avoir lu cette interview jusqu’au bout ! (rires). Merci de votre intérêt. Nous avons hâte de jouer à Paris pour la première fois. Espérons que ce sera le premier concert d’une longue série !

Merci à tout les deux pour votre temps, nous vous souhaitons un bon concert ce soir !

Entretien réalisé avant le concert à Paris du 08.04.2014.

Merci à Céline pour la retranscription de l'interview.

Photographies live : Marjorie Coulin 2014
www.marjoriecoulin.com
Toute reproduction interdite sans l'autorisation écrite du photographe
 
 

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