Festival Arctangent 2015 à  Bristol (20.08.2015)

Bien loin des standards d'énormes festivals comme le Hellfest, l'Arctangent se situe aux alentours de Bristol en Angleterre, et axe sa programmation sur tous les frères bâtards sur rock : post rock, math rock, noise rock, etc... Mais le metal n'est jamais loin comme on pouvait le voir aux têtes d'affiche du dernier jour du festival : Cult of Luna, sortis de leur hibernation, et Deafheaven, le groupe de black metal atmosphérique qui a beaucoup fait parler de lui ces dernières années. Une affiche éclectique qui s'annonçait pleine de promesses.


Pg.lost
 

Après moult péripéties pour arriver sur le site, qui, disons le, n'est pas d'un accès pratique, nous voici enfin devant la fameuse scène Arctangent, la plus grande du festival. Le groupe Pg.lost, autre groupe de l’actuel claviériste de Cult of Luna, Kristian Karlsson, s'apprête à commencer son set. Le combo suédois joue un post rock plutôt musclé par rapport aux standards du genre, et ce n'est visiblement pas un défaut pour le public, qui apprécie leurs mélodies galopantes tout en hochant de la tête. A la voix, Kristian révèle un chant aigu, potentiellement modifié par une pédale d'effet. Il se charge également de la basse, qui est dotée d'un son vraiment musclé, lui permettant de soutenir avec brio les rythmiques de l'excellent batteur du groupe. Si la section rythmique rend clairement le groupe intéressant à écouter, il faut bien reconnaitre que les compositions de pg.lost ne sont pas d'une flagrante originalité. Nous avons ici affaire à du post rock somme toute classique, mais bien arrangé tout en étant doté d'un très bon son. Fait amusant, ce n'est pas le frontman Kristian qui communique avec le public pendant les pauses entres les chansons, mais un des guitaristes, le bassiste n'étant visiblement pas à l'aise à l'idée de parler sur scène. On passe donc un bon moment avec pg.lost. Les riffs à deux guitares sont autant d’invation aux headbang, et les passages plus aériens, idéaux pour profiter des dernières chaleurs de l’été, entre deux averses « bristoliennes ». Une parfaite mise en condition avant le concert de Cult of Luna le soir.
 

Deerhoof
 


Le métier de journaliste musical est un défi de tous les jours. Et décrire la musique de Deerhoof en est un bel exemple… Imaginez… La manifestation physique du nyan cat en un groupe de rock. Voilà, c’est ça Deerhoof.  Le groupe passe du mathrock le plus complexe au j-pop le plus sirupeux en moins de temps qu’il faut pour dire « hoof ». [L’équipe rédactionnelle s’excuse pour cette blague de qualité plus que douteuse] Le fait est que le quatuor est constitué de musiciens chevronnés, qui ne laissent rien au hasard. Tout est parfaitement exécuté, en plus d’avoir un excellent son !
 

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Quand la chanteuse n’est pas au micro, elle ponctue son jeu de scène de danses psychédéliques qui sont on ne peut plus appropriées compte tenu de la musique jouée. Et le public en fait autant. En fait, rien dans ce groupe n’a de sens, et c’est justement sa qualité principale. On sent une multitudes d’influences, mais elles sont si bien mélangées que le résultat reste sensiblement original.

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Et comme si nos esprits n’étaient pas assez confus, les Deerhoof terminent leur concert en interchangeant leurs instruments : on retrouve donc la chanteuse à la batterie et le chanteur à la basse, pendant que le bassiste se met au micro. Définitivement une bonne surprise et un groupe qui sort du lot !

The Algorithm
 


Rémi Gallego est partout, à tel point qu’il a même réussi à s’incruster à l’affiche pourtant très orientée post-rock du Arctangent. Nous l’aurons vu très souvent cet été, mais après quelques minutes, force est de constater que ses concerts restent toujours aussi jouissifs sans que la lassitude pointe le bout de son nez, malgré une setlist plutôt statique.
 

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Le son est plutôt bon sous la petite scène, et particulièrement généreux en basse, ce qui est plutôt appréciable compte tenu de la musique de The Algorithm, qui est axée sur la grosse caisse et des riffs de guitare baritone. Comme toujours, Rémi insère quelques clins d’œil à la culture geek comme le bruitage de message privé Facebook.
 

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En tout cas le public est plus que réceptif à la musique jouée : ça saute dans tous les sens dans la joie et la bonne humeur pendant que Jean Ferry (Uneven Structure) martèle sa batterie. On peut aussi apprécier que le set de The Algorithm soit devenu plus humain avec l’utilisation d’une vraie guitare et d’un synthétiseur plutôt qu’uniquement un ordinateur dans il y a quelque temps. Le seul regret aura été la durée du concert. Eh oui, quarante petites minutes passent vite avec Rémi et Jean, signe en tout cas que la performance était bonne. Vivement la suite !

 

Vessels

 

Avant de profiter du concert de Cult of Luna, les anglais de Vessels occupaient la même scène. Du post rock, ils sont passés du côté electro de la force, avec des beats qui rappellent Jon Hopkins. Un peu comme si le morceau électronique halluciné « On the Run » de Pink Floyd était joué en boucle, avec des sons modernes. Assurément une musique agréable pour se détendre avant les têtes d’affiche du soir.
 

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Deafheaven


Des milliers de facteurs entrent en ligne en ligne de compte pour la bonne tenue d’un festival. De la météo au bon fonctionnement de la sono en passant par la gestion des flux de festivaliers… Tout cela fait qu’organiser un festival où tout roule est un véritable casse tête. Et parfois, il y a des impondérables imprévus, qui, quoiqu’on fasse, ont un impact négatif sur le festival. Et malheureusement, c’est ce qui est arrivé à l’Arctangent. La raison : Cult of Luna, tête d’affiche du festival, a (raté ?) eu son vol pour Bristol annulé, faisant qu’au matin, les organisateurs avaient annoncé que le groupe ne jouerait pas. Pour finalement faire une nouvelle annonce quelques heures plus tard pour annoncer que les suédois seraient tout de même de la partie, mais qu’ils joueraient en même temps que Deafheaven, autre tête d’affiche du festival. Nous avions prévu de voir les deux groupes, mais les circonstances nous ont obligées à faire un choix. Les horaires permettaient de voir un quart d’heure du set de Deafheaven avant que le concert de Cult of Luna ne commence. Nous avons donc opté pour cela.
 

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C’est donc sur la scène Arctangent que jouait Deafheaven. La sono laisse entendre de l’orgue, les lumières violettes éclairent les instruments sur scène. Les voilà qui arrivent, la tension est à son comble : que vont-faire les membres de ce groupe qui est au cœur d’une des plus grosses controverses au sein du black metal depuis un bon moment ? Ils optent pour le choix, lucide, d’ouvrir avec leur nouveau morceau « Brought to The Water », qui révèle bien l’orientation du nouvel album de Deafheaven : plus direct et agressif.
 

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Franchement, la performance est impressionnante, avec un son précis et des musiciens qui ne laissent rien au hasard. Le seul point de surprise est au niveau de la voix de George Clarke : elle ne sonne pas vraiment comme sur album, en tout cas par rapport aux deux premiers. Ici, elle est beaucoup plus aigüe, rappelant presque Dani Filth sur certains passages… Voilà le nom est lâché, le moins qu’on puisse dire est que ce point séduira autant qu’il agacera. Le groupe enchaîne ensuite sur la chanson titre de son deuxième album « Sunbather », et la bonne impression se confirme. L’intensité ne baisse pas d’un cil, malgré l’orientation plus planante de ce morceau. Mais malheureusement c’est l’heure d’aller voir Cult of Luna. En tout cas, ces quelques minutes suffisent pour donner envie d’aller les voir en avril 2016 avec Myrkur.

 


Cult of Luna


Les suédois sont connus pour être malchanceux sur scène, ayant souvent des problèmes techniques ou logistiques. Eh bien ce soir aura confirmé cette réputation. Alors que le groupe est censé commencer, ils sont encore sur scène à installer leur matériel et à faire les balances. La montre tourne, ils ont déjà  quarante minutes de retard, qu’on aurait pu passer à continuer de regarder l’excellent set de Deafheaven. Bref. Les impondérables. Le sample de « The One » se fait entendre, c’est le début de la curée.

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D’emblée, difficile de ne pas être frappé par la puissance du combo. Il faut dire que le personnel actuel de Cult of Luna comprend trois guitaristes, dont le chanteur Johannes Persson, et deux batteurs. Autant dire que c’est lourd, très lourd, surtout quand est joué le riff principal de « I, The Weapon », caractéristique de Cult of Luna. On peut déjà le dire, toutes ces péripéties en valaient la peine.

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On constate que le groupe est incroyablement bon dans les registres agressifs et planants de sa musique, les deux aspects sont parfaitement maîtrisés, que ce soit au niveau de l’exécution ou du son. Johannes, de son côté, a toujours sa voix rauque et écorchée. On peut regretter le départ de Klas Rydberg, qui avait un growl un peu plus énergique, mais Johannes arrive bien à assurer en tant que frontman.
 

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De son côté, le claviériste Kristian Karlsson déploie une large palette de sons aux claviers, ce qui contribue aussi à l’originalité des compositions de Cult of Luna. Cela s’entend particulièrement sur le monumental « Ghost Trail », dont le final avec une accélération progressive du tempo est indescriptible.  C’est assez impressionnant de voir un groupe à un tel niveau sur une date hors tournée. Après quatre chansons, le public hurle d’angoisse, alors que le groupe quitte déjà la scène… Peut être un des concerts les plus courts de la carrière de Cult of Luna. Eh oui, l’Arctangent est tenu par un couvre feu strict à 23h… Finalement, les suédois reviennent achever ce qu’ils ont commencé avec leur titre phare « Dark City, Dead Man », qui est un condensé de tout ce que Cult of Luna sait faire de mieux, entre ombre et clarté. A l’extérieur de la tente, les éléments se déchaînent, comme s’ils se synchronisaient avec la musique… Un bien beau final.
 

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Voilà ce qu’on peut dire sur cette courte journée passée à l’Arctangent. C’est assurément un festival qui est bien éloigné des standards auxquels nous autres amateurs de metal pur et dur sommes habitués. La musique, comme le public et l’ambiance y sont radicalement différents, ce qui pourra séduire les aventureux comme ennuyer les aficionados de blast beats. L’Arctangent joue la carte de l’éclectisme, allant de l’electro au sludge metal, l’axe principal restant malgré tout le post rock. En tout cas le cadre bucolique des alentours de Bristol est vraiment sympathique. Pour peu que vous ayez bottes et imper quand la pluie pointe le bout de son nez, ce qui n’est pas rare dans les parages. Avant de passer dans la tente, on jette un regard amusé sur les festivaliers sous la scène Arctangent qui sont en plein Silent Disco. Le concept : des DJs passent de la musique qu’on peut écouter sur des casques connectés en wifi, permettant de changer de set à l’envie. L’ironie de la situation ? Le set rock passait en majorité du rock à ado type Sum 41, Good Charlotte et autres Fall ouf Boy, des groupes bien loin du registre du festival. Passons.

Photos : Das Silverfoto, BeCult, Owain Jones, Trashmonkey / © 2015
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe

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