Sólstafir (+ Myrkur + àrstà­ðir) à  l’Alhambra (20.11.2017)

Comme tous les six mois, l’Europe a droit à nouvelle tournée pour Sólstafir et celle-ci n’a pas manqué de faire étape à Paris pour présenter les morceaux du nouvel album Berdreyminn. Si l’aura des Islandais est totalement anéantie depuis l’éviction sans motif du batteur Guðmundur Óli Pálmason, leur côte de popularité ne s’arrête pas de monter, surtout en France où les adeptes se font plus nombreux tous les ans. Pour cette fois, le groupe s’est payé une Alhambra bien remplie en amenant dans ses valises Myrkur et Árstíðir.
 

Árstíðir

 

Árstíðir a beau également venir d’Islande, ils ne partagent avec la tête d’affiche du jour que l’origine. Le style est éloigné de toute forme de rock ou de metal et c’est loin d’être gênant tant il se marie bien à l’ambiance générale de la soirée. Avec deux guitares acoustiques et un clavier, les trois membres nous livrent un indie-folk des plus savoureux, tendant parfois vers l’ambiant et parfois vers la pop. Les trois musiciens chantent remarquablement bien, nous offrant des harmonies vocales superbes. Le tout se fait tantôt en islandais, tantôt en anglais mais on remarque vite que ce sont les titres en Islandais qui fonctionnent le mieux.

Artsidir, Paris, Alhambra, 2017, Iceland


Vous l’aurez compris, l’ambiance est feutrée et le public parisien remonte dans notre estime en respectant un silence religieux entre les morceaux. Les trois membres semblent apprécier cette réaction et parviennent à créer une atmosphère intimiste. Il faut dire que le côté acoustique des compositions fonctionne particulièrement bien dans une salle à l’ancienne comme l’Alhambra.

Comme nous l’explique brièvement Ragnar Ólafsson, Árstíðir joue d’habitude avec plus de musiciens et doit user de pas mal de samples pour recréer les morceaux. C’est ce qui pêche un peu dans la prestation, les samples prenant souvent le pas sur les vrais instruments. Il manque un batteur voire un beatmaker pour assurer les rythmiques et le tout sonne artificiel par moment, de quoi tuer l’ambiance que le groupe s’évertue à créer.

Arstidir, Paris, Alhambra, 2017, Iceland


Au milieu du set surgit « Heyr himna smiður », cantique islandais du Moyen-Âge qui a valu aux Islandais un petit buzz sur Youtube, de quoi nous immerger encore plus dans une ambiance nordique atypique, loin des clichés guerriers et religieux habituels. Dans l’ensemble on aura en tout cas beaucoup apprécié ce choix inédit de première partie avec des voix magnifiques et une ambiance feutrée digne des meilleurs combos de la scène islandaise.

Myrkur


Place maintenant à Myrkur, formation bien chahutée depuis sa création mais dont la persévérance commence à payer au niveau du public. On sent que beaucoup de gens connaissent désormais le groupe d’Amalie Bruun et ne sont nullement surpris par cette introduction acapella déroutante. Ici encore, on a droit à une voix claire de très haute volée parfaitement maitrisée par la Danoise, de quoi continuer ce qui a été proposé par Árstíðir.

Myrkur, Amalie Bruun, Paris, Alhambra, 2017


Car malgré son étiquette black metal affichée, Myrkur semble bien loin de cette direction au moins pendant la première partie du concert. Le groupe prend son temps et laisse la part belle aux ambiances folks plus douces s’alignant sans doute davantage avec la tête d’affiche. Amalie attire incontestablement tous les regards et beaucoup semblent intrigués par son jeu de scène très mobile.

Le tout finit par basculer dans le black et c’est là que les problèmes commencent. Alors que le son était fort bien réglé pour le reste, la grosse caisse a décidé de faire des siennes et d’étouffer tous les autres instruments dès que ça blaste un petit peu. Dès lors, les riffs sont noyés et on doit attendre la fin du blast pour retrouver le son de l’ex-Mayhem Teloch à la guitare.

Myrkur, Teloch, 2017, Alhambra, Paris

Fort heureusement, ces blasts se font tout aussi rares que le scream d’Amalie, très bon par ailleurs lorsqu’il débarque par surprise tout en puissance. Tout est carré, bien en place et cela donne au final un concert sympa et original, à défaut d’être un enchantement total. La recette de Myrkur prend bien (même si on comprend que certaines minauderies au chant puissent agacer) et force est de constater que la formation a trouvé son identité et semble plus soudée que jamais.
 

Myrkur, Amalie Bruun, 2017, Paris, Alhambra


Pour finir ce set agréable, les musiciens quittent la scène laissant Amalie nous interpréter seule une courte chanson, au chant et au tambour. Même si la jeune femme a été plutôt avare en communication, elle gratifie le public parisien d’un remerciement sincère avant de quitter la scène tout en ayant probablement convaincu pas mal de monde.

Sólstafir


L’affaire Guðmundur Óli Pálmason et le nouvel album déroutant de Sólstafir ont eu beau désarçonner quelques fans, la popularité des Islandais est toujours intacte et les acclamations sont de rigueur lorsque la sempiternelle introduction "Náttfari" retentit. Fait étonnant quelques minutes plus tôt, les roadies ont installé une antisèche paroles à Aðalbjörn Tryggvason pour quelques titres dont le plus connu « Fjara ». Les musiciens prennent place et envoient tout de suite "Silfur-Refur", très rock n’roll piste d’ouverture de Berdreyminn. L’habituel quatuor est accompagné de Ragnar d’Árstíðir au clavier, une présence qui se révèlera salutaire à plusieurs reprises sur ce concert.
 

Solstafir, Paris, Alhambra, 2017, Saepor


On s’en rend vite compte Sólstafir a décidé de la jouer calme ce soir en limitant au minimum les explosions de guitare saturées. Les ambiances désertiques sont donc de sorties avec deux des meilleurs titres d’Ótta, « Lágnætti » et « Ótta » sur laquelle le banjo de Sæþór Maríus Sæþórsson nous donne les premiers frissons de la soirée.

Sur la scène, plus de Jack Daniels comme autre fois mais des bouteilles d’eau, signe que Sólstafir s’est assagi comme sa musique au fil du temps. On voit régulièrement Svavar Austmann se diriger vers son ampli pour tirer sur sa cigarette électronique, signe que les temps ont effectivement bien changé. Les guitaristes jouent en permanence sur leur pédale d’effets, utilisant parfois un médiator électronique pour créer ce son lancinant si particulier. Dès la première note on ressent la patte Sólstafir, cette faculté qu’a le combo à ne sonner comme aucun autre avec des titres absolument superbes.

En parallèle, l’attitude d’Aðalbjörn Tryggvason est au contraire loin d’être réservée, le frontman s’avance régulièrement pour jouer à seulement quelques centimètres du premier rang. Que l’on accroche ou pas à sa voix unique, celle-ci sonne quasi exactement comme sur album et c’est un ensemble irréel qui atterrit sur le spectateur.
 

Solstafir, Adalbjorn Tryggvason, 2017, Paris, Alhambra


Lorsqu’il ne chante pas, Aðalbjörn s’amuse à titiller le public de plaisanteries sympathiques, en demandant par exemple au public du balcon d’effectuer une hola comme dans un stade de foot. Même si l’exemple pris ici est futile, la communion entre Sólstafir et son public est vraiment forte ce soir, en témoigne la fin du tube « Fjara ». La foule ne voulant pas voir se terminer le morceau continue de chanter le refrain et les cinq musiciens décident d’accompagner en jammant, visiblement émus de ce moment si particulier. On retrouvera le même phénomène sur « Hula » dans une moindre mesure.

Solstafir, Svavar Austmann, Bass, 2017, Alhambra, Paris


Malheureusement, quelques frustrations viennent ternir la prestation. Même si la tournée existe pour promouvoir le nouvel album, il est incompréhensible de ne jouer qu’un seul titre de Svartir Sandar, ce double album qui a marqué l’apogée de la créativité du groupe. On aurait aimé des merveilles comme « Ljós í stormi », « Þín orð », « Djákninn » ou même les plus anciens « Pale Rider » et « 78 Days in the Desert ». Rien de tout cela à se mettre sous la dent et même si le concert a duré 1h40, on ressort frustré de la construction de la setlist. En outre, le problème de grosse caisse de la batterie affectant déjà le son de Myrkur n’est toujours pas réglé et dès que le rythme s’énerve un peu comme sur « Köld », on n’entend plus grand-chose des guitares ni de la basse.

Solstafir, Adalbjorn Tryggvason, 2017, Alhambra, Paris


Sans être mauvais, les titres de Berdreyminn sont un cran en-dessous des autres. Ils semblent en tout cas donner des lignes de basse plus intéressantes à jouer pour Svavar, avec des passages slaps bien sentis. A l’approche de la fin du set, Addi se fait de plus en plus bavard en demandant quelle chanson le public souhaite entendre, en évoquant Iron Maiden ou en plaisantant sur le célibat de son bassiste. Mais l’heure du dernier titre arrive déjà et c’est « Goddess Of The Ages », morceau de plus d’un quart d’heure qui tient ce rôle. Si vous ne l’avez jamais écouté, on vous recommande de le faire au moins une fois dans votre vie tant il contient une émotion pure, parfaitement dosée. Emotion parfaitement incarnée par Addi lorsqu’il descend dans le public pour chanter en déambulant et prenant au hasard des spectateurs dans ses bras. Une séquence irréelle dont beaucoup se souviendront encore longtemps.

Solstafir, 2017, Alhambra, Saepor, Paris


Le concert est terminé et malgré un son laissant clairement à désirer, la prestation de Sólstafir aura été intense. On a beau savoir que le comportement des membres envers leur ancien frère d’arme est loin d’être clean, la musique reste et elle est toujours aussi superbe. Pour ceux n’ayant pas connaissance du contexte, la magie a dû être totale ce soir-là devant une interprétation si habitée.
 

Setlist:
Silfur-Refur
Ótta
Lágnætti
Ísafold
Köld
Hula
Fjara
Bláfjall
Goddess of the Ages

Photos : © 2017 Lionel / Born 666
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.

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