Tormentor au Hellfest 2019

Dimanche 23 juin 2019 - Temple - 01h05

Tormentor

L'art de la folie

Après vingt ans de silence, Tormentor est réapparu sur les scènes européennes depuis plus d’un an avec une douzaine de concerts, notamment en octobre dernier à Rennes à l’occasion des vingt ans de Garmonbozia. C’est donc ce soir le premier passage très attendu au Hellfest qui a rassemblé pour le dernier concert du festival un public venu nombreux assister à un spectacle black-thrash époustouflant de bestialité.

La basse et les deux guitares s’associent dans l’introduction de l'album Anno Domini et, portés par les cris du public, entament la machine de guerre "Tormentor I" aux riffs black-thrash entêtants. C’est alors qu'Attila Csihar fait son entrée théâtrale. "Tor-men-tor" assène-t-il, drapé d’une toge noire et rouge et apposant les mains sur les spectateurs comme pour les absoudre. C’est spectaculaire, sidérant. On ne peut que céder à l’atmosphère de folie qui descend sur la Temple.

Il y a les artistes qui interpellent sans cesse le public parce que le besoin prépondérant de communiquer avec eux nécessite une réassurance permanente. Il y a ceux pour qui le dialogue s’établit au-delà des images et des postures, où tout est dit dans la partition subliminale. Et puis il y a les frontmen, les forces de la nature, ceux-là qui écrasent l’instant de leur présence impérieuse n’attendant aucun signal pour venir se livrer sous le feu des projecteurs. C’est extrêmement confortable pour le spectateur, spécialement après quatre jours de festival pendant lesquels vous êtes passés par toutes les émotions, et que, exténué, votre corps refuse de vous porter davantage. Mais vous voulez quand même être là. C’est alors que le terme de spectateur prend tout son sens, et à ce titre, ce dernier concert du Hellfest 2019 restera le plus marquant.

L’atmosphère glauque de "Elisabeth Bathory" est inimaginable. On voudrait trouver burlesque ou ridicule les râles et gémissements en arrière-plan, où le plaisir et la douleur se mêlent  dans un tableau dérangeant. Mais on ne peut garder cette posture bien longtemps et rester sur le bord : c’est trop bien fait. Comme un effet spécial, le vernis craquelle et le masque tombe. Des larmes de sang perlent sur le front d'Attila alors qu’il mime la scène impensable, et la voix est folle, folle par le son, folle par l’expression. La légende de la comtesse de la nuit parvient à travers les siècles à susciter l’angoisse irraisonnée de la jeunesse assassinée dans un bain de sang. Mais est-ce une légende ?

Le batteur se lève un instant, vêtu de rouge. Au-dessus de ses fûts rouges également, il se distingue de l’apparence livide des autres musiciens, leur présence fantomatique ajoutant encore à l’atmosphère glaçante de la Temple. Les croix renversées semblent être en mouvement, animées des forces du mal. Les claviers sont absents mais les deux guitares sont très complémentaires avec des soli extrêmement denses et prenants.

Attila s’est emparé d’un deuxième micro, portant l’ensemble à sa bouche, l’effet est saisissant. Il parait avoir réellement deux voix et quelles voix ! Le public succombe à la tentation et entre alors dans l’empire des cauchemars quand commence "Beyond" avec son atmosphère lourde de danger. Immense et impassible, Farkas György à la basse, se dresse en gardien du temple pendant que la dose libératrice de black metal  se répand dans nos veines. C’est si facile de se laisser attirer dans le paradis des apparences, mais au fur et à mesure que progresse "Heaven", il cède à la menace nauséabonde et révèle le dessein funeste qui s’abat avec bestialité sur la pureté profanée.

Le titre "Anno Domini" clôt l’album du même nom qui aura été joué presque en entier ce soir. Puis quatre titres du premier album The Seventh Day of the Doom sont joués, plus exactement une cassette. Anno Domini a été réédité en 2008 en version CD. La qualité du concert de ce soir tant au niveau du son, que de la restitution de l'atmosphère très particulière à Tormentor, et surtout la grandiloquence et la folie du spectacle que nous a offerts Attila, resteront longtemps gravées dans les mémoires.

Hellfest 2019, c'est fini. Cette année encore, le festival a su nous passionner, nous émouvoir, nous surprendre, Rendez-vous en juin 2020 avec, à n'en pas douter, une affiche toujours plus pointue et attrayante. Et longue vie au black metal !

Setlist :
Introduction
Tormentor I
In Gate of Hell
Apocalypse
Elisabeth Bathory
Damned Grave
Transylvania
Tormentor II
Trance
Beyond
Heaven
Anno Domini
Branded With Satan
Mephisto
Live in Damnation
Seventh Day of Doom

Photos : © Julie Warnier / Draksmoon 2019 
Toute reproduction interdite sans l’accord de la photographe.

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