Journée metal au Main Square Festival (03.07.2014)

Une vierge supplantée par les seconds couteaux
 

C’est sous un magnifique ciel azuré que débute cette dixième édition du Main Square festival. Conscient de la popularité du métal chez les festivaliers, les programmateurs avaient une fois de plus fait le choix d’organiser un jour spécialement dédié aux musiques lourdes. Et l’affiche avait de quoi faire rêver, avec Ghost, Mastodon, Alice in Chains, pour leur premier passage dans l'hexagone depuis cinq longues années, et enfin la légende Iron Maiden. Il est 17h15, et c’est déjà l’heure de la messe sulfureuse orchestrée par les suédois masqués.
 

Ghost

 

Assurément, nos satanistes préférés savent soigner leurs entrées sur scène. Alors que trône une belle bannière orange au nom du groupe, on entend une litanie planante venant des enceintes. En tendant l’oreille, c’est le sourire aux lèvres qu’on reconnaît « Masked Ball » de Jocelyn Pook, rendue célèbre pour son apparition dans une scène culte (c’est le cas de le dire) du film Eyes Wide Shut par le grand Stanley Kubrick. Les Nameless Ghouls arrivent en ligne et se mettent en place, la tension monte de plusieurs crans alors que tout le monde attend Papa Emeritus II. Le voici sur scène, toujours vêtu de ses habits de pape occulte et de son masque de mort-vivant. Puis un chœur joué par un sample se fait entendre : « Year Zero » est lancé.
 

Ghost, live report, Main Square, 2014,


Le son est étonnamment  fort pour un groupe qui ne joue pas une musique très agressive. Il est d’ailleurs fort probable que ce soit une volonté du groupe pour justement avoir plus de puissance. Les basses sont très (trop) fortes, et les guitaristes privilégient les parties graves du morceau pour plus de lourdeur, choix plutôt intelligent, et qui aurait pleinement payé avec un mixage plus équilibré. En tout état de cause, l’aura de Ghost n’est pas sans effets sur la foule, bien au contraire, l’ambiance est déjà fiévreuse !
 

 

Live report, Ghost, Mainsquare 2014,


Les suédois vont avec surprise axer leur set sur leur premier album, Opus Eponymous, ce qui permet de redécouvrir les tubes que sont « Elizabeth », « Con Clavi Con Dio » ou encore « Ritual ». Scéniquement, Papa circule de droite à gauche pour bénir la foule ou l’inciter à chanter, crier ou faire des cornes à gogo. On peut tout de même regretter que les chœurs soient assurés par des bandes et pas par des musiciens de chair et de sang. Peut être un jour aurons-nous droit à un chœur de nameless ghouls pour réellement donner vie à ce qui fait une part du sel de la musique de Ghost !
 

Ghost, live report, 2014, Main Square,


La dernière sortie du groupe n’est pas mise à la trappe, puisque Ghost nous interprète avec maestria la reprise « If You Have Ghost ». Démarrant sur un murmure de Papa, elle se termine sur un déluge de guitares et de synthétiseurs vraiment accrocheur et qui est vraiment taillé pour les concerts. Cette impression est confirmée sur « Monstrance Clock », qui se confirme maintenant comme l’incontournable conclusion à un concert de Ghost, hymnique à souhait. On sait que la formation préfère jouer le soir, car cela correspond à la vision qu’ils ont du groupe, mais on constate que leur musique marche aussi très bien de jour ! Dommage pour le son brouillon.

Setlist :

Masked Ball [Jocelyn Pook]

Year Zero
Con Clavi Con Dio
Elizabeth
Prime Mover
Stand by Him
If You Have Ghosts
(Roky Erickson cover)
Ritual
Monstrance Clock

 


Mastodon

 

Avec un excellent nouvel album sous le bras, on avait beaucoup à attendre de ce concert de Mastodon, même si on pouvait légitimement émettre quelques réserves sur leur capacité à chanter juste, d’autant plus que ‘Once More Round The Sun comporte les parties chantées les plus élaborées jamais composées par Mastodon. Pourtant, lorsque le groupe entre sur scène avec « Black Tongue », la voix ne dérange pas, bien au contraire, Troy Sanders maîtrise parfaitement son organe, avec cette sonorité particulière qui séduit autant qu’elle peut faire froncer les sourcils.
 

Mastodon, live report, Main Square, 2014,


Le son est vraiment très bon pour un festival, ce qui permet d’apprécier toutes les détails et subtilités de la musique de Mastodon à leur juste valeur. Nous avons affaire à des musiciens très accomplis, donc instrumentalement, c’est la boucherie, rien à redire. Que ça soit avec Brann Dailor, impérial derrière son kit, ou Brent Hinds avec ses solos aux sonorités country, le public est gâté. Comme à leur habitude, le groupe communique très peu avec le public, se contentant de lui demander de taper des mains de temps à autre. Qu’importe, Mastodon n’a pas besoin de parler pour mettre l’ambiance : sa musique suffit !
 

Live report, Mastodon, Main Square, 2014,


Nous avons droit à quelques raretés, y compris le bizarroïde « Bladecatcher », qui devient en fait un instrumental en concert, ce qui est plutôt une bonne idée si on se rappelle de la version originale sur Blood Mountain. C’est un choix osé de jouer un instrumental en festival, mais il se révèle payant,avec des riffs mélodiques et puissants. Mastodon profite de l’occasion pour introduire son nouvel album au public, qui visiblement ne le connaît pas encore. On peut donc apprécier une excellente interprétation de « High Road », la quasi-ballade « Chimes at Midnight » et la très accrocheuse « The Motherload », qui voit Brann Dailor s’en sortir avec les honneurs au chant, tout en martyrisant sa batterie. Le groupe a décidément encore progressé, ce qui n’augure que du bon pour la suite !
 

Mastodon, live report, Main Square, 2014,


C’est sur « Aqua Dementia » et son intro presque bluegrass que le groupe nous quitte. Cette chanson nous rappelle que le référentiel Leviathan a déjà dix ans, mais qu’il n’a pas pris une ride, et qu’il fonctionne toujours parfaitement sur scène. Certes, certains auront été déçus de ne pas entendre le ravageur « Blood and Thunder », mais le groupe a tellement bien fait le travail qu’on a du mal à leur en vouloir.

Setlist :

Black Tongue
Divinations
Bladecatcher
Crystal Skull
Megalodon
The Motherload
Blasteroid
Chimes at Midnight
High Road
Aqua Dementia

 

Alice in Chains

Alice in Chains fait partie des rares groupes qui ont réussi à se relever d’un coup du sort a priori fatal. En ce qui concerne la formation de Seattle, ce fut la mort de Layne Staley, chanteur à la voix magnifique et torturé décédé des suites d’une overdose le cinq avril 2002, soit le même jour que Kurt Cobain huit ans auparavant. Depuis le groupe a su rebondir grâce aux talents d’écriture de Jerry Cantrell et la sincérité de William Duval, reprenant avec honneur le flambeau laissé par Layne.
 

Main Square, 2014, Alice in Chains, live report,

C’est sur la lourde et tourmentée « Them Bones » que Alice in Chains arrive sur scène. Même si il est certes étrange de ne pas entendre la voix de Layne sur ce classique tiré de Dirt, on constate que William s’en sort très bien au chant, arrivant à insuffler de la nouveauté dans le titre. Le reste du combo de Seattle est impérial, et particulièrement Jerry Cantrell avec sa guitare ornée d’un pentagramme, qui assiste toujours William Duvall comme il se doit pour les parties vocales harmonisées qui sont la signature d’Alice in Chains, avec ce son lourd qu’ils ont toujours. Le concert continue de monter en intensité avec le tubesque « Dam That River », qui montre à quel point le groupe n’a rien perdu de sa verve.
 

Main Square, 2014, Alice in Chains, live report,


Le son est toujours très bon et puissant, donnant la lourdeur nécessaire à Alice in Chains pour convaincre les plus sceptiques. La setlist est justement axée sur les deux premiers albums du groupe, comme pour rappeler aux fans que les musiciens n’ont pas oublié d’où ils venaient. « We Die Young » et « Man The Box » se révèlent d’ailleurs toujours être des titres taillés pour les concerts, avec des riffs énergiques soutenus par une section rythmique qui l’est tout autant. On pourra juste regretter que la talk-box de Jerry ait été couverte par la voix de Wiliam sur cette dernière. Les nouveaux titres marchent d’ailleurs aussi bien que les anciens, avec une tonalité maintenant proche du métal, mais toujours avec la même signature vocale.  Ces chansons soulignent enfin que le talent d’écriture du groupe n’est pas perdu, bien au contraire, même si l’intensité n’est peut être pas aussi forte que sur les premiers albums.
 

Alice in Chains, live report, 2014, Main Square,


On aura également vu le groupe changer de cap, et aller vers plus de mélodie, William Duvall brandissant une magnifique guitare acoustique, et l’introduction groovy de Sean Kinney à la batterie nous lançant « No Excuses », interprétée avec toujours autant de maîtrise.  Après « Would ? » qui aura mis tout le monde d’accord, Alice in Chains dit au revoir au Main Square avec la mélancolique « Rooster ». Ces 55 minutes seront passées bien vite, mais auront permis de se rendre compte à quel point la formation est encore bien vivante et va de l’avant. Ce fut un concert digne l'aura du groupe, et on en vient à espérer qu’un album live voie le jour pour rendre compte de cette deuxième mouture d’Alice in Chains. Probablement le meilleur concert de cette belle journée.


Setlist :

Them Bones
Dam That River
Check My Brain
Again
Hollow
Man in the Box
No Excuses
Stone
We Die Young
It Ain't Like That
Would?
Rooster

Iron Maiden

 

Après une première retentissante au Hellfest, c’était au tour du Main Square de se faire déflorer par la vierge de fer. Suivant trois très bons concerts, tout laissait penser que la légendaire formation britannique allait survoler ce début de festival pour administrer sa claque au public. Pourtant, dès le début du spectacle, la vierge pèche par excès de confiance en soi et, par ce qui semble être de la pure paresse artistique, se dispense de jouer l’excellente introduction de « Moonchild », qui est ici piteusement jouée sur bande. En effet, on a beau se retourner le cerveau, quoi d’autre que de la fainéantise pour justifier ce choix : Iron Maiden a tout à fait les moyens de production  pour amener une guitare acoustique sur scène, et reproduire ses arrangements élaborés en condition live. Ils l’avaient d’ailleurs déjà fait pour la tournée Somewhere Back in Time, c’est donc sur une mauvaise impression qu’Iron Maiden débarque sur scène.

 

La qualité de l’interprétation arrive tout de même à nous faire oublier cette triste bévue malgré tout. N’oublions par que Bruce Bruce est considéré comme un des meilleurs meneurs de l’histoire du métal, voire même du rock plus généralement, et ce soir, il aura prouvé que ce titre n’est pas usurpé. Vocalement, le vocaliste assure comme un chef, et il tient toujours la foule dans la paume de sa main, échangeant avec lui quelques mots en français et courant de bout en bout de la scène comme un sprinter.  Impressionnant pour un homme de presque 56 ans ayant des parties vocales exigeantes à assurer !
 

Iron Maiden, live report, Main Square, 2014,


On accueille avec plaisir les quelques morceaux réintégrés dans la setlist depuis le début de cette nouvelle tournée Maiden England : « The Prisonner » fait toujours mouche et la progressive « Phantom of The Opera » confirme que le groupe tient toujours bien la route sur scène. Le son est d’ailleurs très bon, et permettant d’entendre distinctement chaque musicien, particulièrement l’attaque de basse caractéristique de Steve Harris, fait trop rare dans le métal pour ne pas être signalé. De leur côté, les classiques que sont « Two Minutes to Midnight », « the Trooper » et autres « Aces High » couplée au fameux extrait du discours de Churchill ont plus de mal à convaincre. Est-ce le fait de les avoir trop entendues en concert ou tout simplement qu’elles n’avaient pas grand-chose à faire dans une tournée estampillée Maiden England ? Sans doute un peu des deux, même si on leur reconnaîtra tout de même une force fédératrice remarquable : l’ambiance est très chaleureuse sur les pavés de la citadelle d’Arras. On pourrait faire le même reproche à « Fear of The Dark », mais devant une telle osmose entre le public et le groupe, difficile d’être grincheux, sans oublier que la composition a son lot de riffs bien sentis !

 

Au même titre, il est difficile de ne pas succomber au charme heavy prog’ de « Seventh Son of a Seventh Son » qui nous replonge dans l’histoire qui a inspiré Steve Harris à l’époque pour écrire cet album. Les claviers lancinants, l’énorme effigie d’Eddie qui nous regarde d’un air inquisiteur, rien à dire, l’immersion est là. Elle l’est un peu moins lorsque Bruce grimpe sur les décors couleur glace de la scène et s’amuse avec en les faisant trembler sous le poids de son corps. Le fait que l’artiste tourne en ridicule sa propre mise en scène est un bon exemple de prise de distance par rapport à ce qu’il fait, mais encore une fois, nous parlons ici d’Iron Maiden : une formation qui est devenue légendaire, non seulement pour la musique qu’elle joue, mais aussi pour le spectacle qu’elle offre en concert, avec son lot de flammes, décors élaborés  et avatars géants d’Eddie. On attendrait donc d’un groupe avec tant de moyens de faire un peu plus d’efforts pour proposer un écrin digne de sa réputation à son spectacle, surtout compte tenu de ce qu’il a fait par le passé.

 

Après un « The Evil That Men Do » toujours aussi épique et accrocheur, la vierge de fer termine le concert sur « Sanctuary » qui a plus un goût de « vite fait » que « bien fait », les anglais se seraient-ils soudains lassés des mangeurs de grenouille ? En regardant notre montre, on voit qu’il est 22h45. Si on enlève à cela la longue introduction en deux parties, cela fait en tout une grosse heure et demie de concert, alors que le programme du festival annonçait un spectacle de deux heures. Nous laissons nos lecteurs juges sur cette dernière observation. Nous aurons malgré tout eu droit à une performance qui tenait bien la route, avec des musiciens affutés et un excellent de meneur de foule. La musique, l’esprit et la convivialité d’Iron Maiden y étaient, sa légende peut être un peu moins.

Setlist :

Doctor Doctor [UFO]
Rising Mercury [Nick Ingman]

Moonchild
Can I Play with Madness
The Prisoner
2 Minutes to Midnight
Revelations
The Trooper
The Number of the Beast
Phantom of the Opera
Run to the Hills
Wasted Years
Seventh Son of a Seventh Son
Fear of the Dark
Iron Maiden

--------------------------------

Churchill's Speech

Aces High
The Evil That Men Do
Sanctuary

Reportage par Tfaaon

Photos : © 2014 Elise Schipman / http://www.schipmanelise.com/
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.
 

close

Ne perdez pas un instant

Soyez le premier à être au courant des actus de La Grosse Radio

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...