Muse – Will of the People

Chaque album de Muse est un événement et malheureusement depuis quelques opus, l'excitation cède la place à la déception. Les britanniques ont su s'élever au rang de groupe de stade pour le meilleur et pour le pire. Lors de la promotion de leur nouvel album Will of the People, Matt Bellamy avait annoncé qu'ils voulaient faire de chaque chanson la meilleure version d'un style particulier. Alors véritable best-of ou coup d'épée dans l'eau ?

Muse, rock, Will of the People, Matt Bellamy, Chris Wolstenholme, Dominic Howard

Presque trente ans après leurs débuts, s'il y a une chose qu'on ne peut pas reprocher au groupe, c'est de tourner en rond. L'étonnante stabilité du line-up aurait pu conduire la formation britannique à pondre neufs albums identiques et capitaliser sur leurs premiers hits. Mais au plus grand plaisir ou déplaisir des fans, la bande à Matt a décidé de se moderniser : passant d'un rock énergique et animal à un style globalement plus passe-partout teinté de synthétiseurs. Nombreux sont les aficionados qui aimeraient un Origin of Symmetry II. Malheureusement, Muse a tourné la page de cette époque et Will of the People s'inscrit plus dans la démarche que le groupe a depuis dix ans. Démarche peut-être discutable et profondément éloignée des débuts. L’album est disponible en NFT, il ne dure que 37 minutes, on sent bien que Muse est un groupe qui veut s’inscrire dans le 21ème siècle quitte à en oublier l’essentiel : la musique.

L’album en lui-même n’est pas mauvais et les compos pourraient être de qualité. Mais le gros défaut du groupe depuis quelques années, c’est ce manque de subtilité et des choix douteux au niveau de la production. Exit la basse sublime de Chris qui faisait partie intégrante de la mélodie. Le pauvre est, pour la plupart du temps, relégué à la même fonction qu’une basse de techno. Exit également la guitare puissante et ravageuse : les synthés ont pris le pouvoir. Alors certes la six cordes fait toujours partie de l’ADN du groupe et ce n’est pas un morceau comme "Kill or Be Killed" qui va dire le contraire mais sur la majorité des morceaux comme "Won’t Stand Down" ou "We are Fucking Fucked", elle fait un petit tour pour délivrer un solo, un riff et puis repart pour laisser place aux arpégiateurs et la voix vocodée de Matt.

Le meilleur exemple niveau manque de subtilité est le très kitschissime "You Make Me Feel Like It’s Halloween". Déjà que l’avant dernier album Simulation Theory était passablement de bon goût, mais ce morceau rassemble tous les choix douteux possibles : orgue d’église, le chant, les petits « halloween » scandés au vocodeur en arrière plan, la voix à la Vincent Price à la fin … C’est un morceau qu’il faut prendre au 25ème degré pour pouvoir l’écouter.

Autre exemple d’arrangement douteux : "Liberation" une ballade au piano puissante, proche d’ "Apocalypse Please" qui aurait mérité un peu de sobriété notamment dans les effets qui semblent être pompés sur Queen. On imagine déjà Matt, en plein concert, terminer le morceau par les premières notes de "Bohemian Rhapsody". Autre "plagiat" assez flagrant : "Will of the People" avec son côté Marilyn Manson. C’est encore une fois dommage car le morceau proche d’ "Uprising" n’est pas mauvais, possède un certain groove et un riff agréable. Mais là encore l’habillage ne marche pas.

Le poids des années se ressent quand même dans la formation car, même si le groupe veut innover et devenir plus moderne, il y a encore quelques tics de composition. "Euphoria" fait énormément penser à "Knights of Cydonia", mais n’atteint pas le même niveau et "Compliance" semble tout droit sortie de Simulation Theory. Encore une fois, imaginons ce morceau avec l’habillage de Showbiz et il est certain que ce serait un succès.

Matt et sa bande sont donc capables d’écrire de bons morceaux sur le papier. Néanmoins, là où le bât blesse, c’est qu’on a l’impression de se faire arnaquer sur plusieurs points. Nous avons déjà évoqué la longueur de l’album, à peine plus long qu’un EP mais qui fera sûrement plus de streams puisqu’on a bien compris que c’était l’objectif principal de Muse. Mais on a aussi l’impression de gâchis sur certains morceaux : les refrains notamment qui sont taillés pour la radio et qui consistent souvent à répéter le titre, mais également sur la structure globale d’un titre comme "Ghosts". On a l’impression de voir Matt en pleine impro avec des paroles assez vides de sens et surtout avec une fin tellement bâclée qu’on s’attend à ce que le chanteur claque le couvercle de son piano et s’en aille. Là encore, nous sommes loin des ballades comme "Absolution" ou "Endlessly".

Néanmoins, s’il fallait retenir une chose vraiment positive, ce serait "Kill or Be Killed". Bien qu’un tantinet gâchée par un tom électro qui pointe son nez deux fois dans le morceau et des synthés qui terminent le morceau, Muse nous montre qu’ils peuvent encore être incisifs avec notamment un riff qui tire vers le prog metal extreme. Comme quoi avec un riff, une basse, une batterie naturelle, on peut faire un gros hit et ça fait du bien.

Le reste de l’album oscille entre des morceaux assez convenus comme "Won’t Stand Down" qui rappelle Imagine Dragons ou encore "Verona" sorte de ballade 80s échappée d’une BO de Stranger Things. Enfin "We are Fucking Fucked" clôt l’album en résumant un peu notre pensée lors de l’écoute de cet album et résume à elle seule cet opus : un riff et un couplet sympas gâchés par des chœurs et des synthés douteux et avec un refrain tellement simple.

Cela fait plus de dix ans que les fans de la première heure doivent faire leur deuil du Muse d’origine et ce n’est pas cet album qui va dire le contraire. Le monde a évolué, le groupe a évolué et renie une partie de son ADN pour surfer sur le succès. Cela leur a réussi puisque leur date à la salle Pleyel a affiché complet en quelques minutes (40 000 connexions pour 2 000 places) et qu’ils reviennent pour une tournée des stades qui s’annonce grandiose. On peut seulement déplorer que Muse se soit un peu perdu et que le groupe privilégie actuellement la forme plutôt que le fond. Puisque c’est l’emballage qui pose problème, on a hâte de voir leur prestation dans le petit écrin raffiné de la salle Pleyel. Espérons que le groupe déshabille complètement ses chansons et les rendent un peu plus subtiles.

Tracklist

1. Will of The People
2. Compliance
3. Liberation
4. Won’t Stand Down
5. Ghosts (How Can I Move On)
6. You Make Me Feel Like It’s Halloween
7. Kill or be Killed
8. Verona
9. Euphoria
10. We Are Fucking Fucked

Muse, rock, Will of the People, Matt Bellamy, Chris Wolstenholme, Dominic Howard
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NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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