Entretien avec Le Peuple de l’Herbe

Quelques heures avant leur concert à La Cave à Musique de Mâcon le 25 février dernier (live report ici), nous en avons profité pour aller poser une série de questions au Peuple de l'Herbe.

Leur dernier album Stay Tuned... étant sorti un mois plus tôt (la grosse chronique ici), nous voulions en savoir un peu plus sur la démarche artistique du groupe concernant cet opus.

Psychostick, le batteur, Varou, le guitariste, et Oddateee, le MC qui les a nouvellement rejoints, ont accepté de se confier à La Grosse Radio pour cet entretien.

Bonjour Le Peuple de l'Herbe, merci de nous recevoir au nom de La Grosse Radio. Stay Tuned... est toujours aussi éclectique, de par ses multiples influences. Cependant, quelle ligne directrice avez-vous voulu donner à cet album ?

Psychostick : Il s'agit d'un concentré hip-hop. L'arrivée d'Oddateee, MC de New York, apporte une autre dimension, un peu plus "hardcore".

Varou : Tout à fait. La ligne directrice, c'était ça : un MC supplémentaire. Dans le groupe, nous aimons tous le hip-hop, cela apparaissait donc comme une évidence. On voulait faire un album qui sonne plus hip-hop que d'habitude.

Psychostick : Mais il y a toujours ce mélange d'electro avec des instruments acoustiques, particulièrement la guitare, ce qui aboutit à une approche différente du beatmaker, du sample, etc... Cela amène ainsi des mélodies et des mélanges de sons qui sont assez intéressants.

On remarque une ambiance pessimiste et froide sur Stay Tuned... Est-ce le cas ?

Psychostick : C'est en effet ce qui revient dans les chroniques et les interviews. Je ne sais pas si on l'a vécu de cette manière quand on a fait l'album. Mais c'est vrai qu'à propos des textes, on attaque quand même des thèmes qui sont "darks", qui sont le reflet de notre époque ; on ne va pas non plus se mettre à dire que tout va bien aujourd'hui, même si l'on ne se considère pas comme un groupe engagé politiquement. En tout cas, on n'essaye pas de tomber dans la démagogie.

Varou : Quand on compose, on est forcément influencés par la vie actuelle. Il y a un climat lourd et pesant en ce moment et ça se ressent dans notre travail.

Oddateee : C'est un album très politique, très conscient et très urbain.

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Il a toujours existé des titres plus ou moins conscients chez Le Peuple de l'Herbe. Sur Stay Tuned..., des morceaux tels que "Refugees" ou "V13" sont ancrés dans l'actualité. Est-ce que vous n'êtes pas devenus plus "militants" au fil des années ?

Varou : C'est moi qui ai amené l'idée de "V13". J'ai composé cette instru juste après les attentats de novembre 2015, alors que j'étais tout seul chez moi et déprimé. On avait envie de refaire un morceau avec Marc Nammour de La Canaille [déjà présent sur "Parler le Fracas" dans l'album A Matter Of Time en 2012, NDLR], qui n'est pas quelqu'un de très gai dans ses textes. Par conséquent, l'association fonctionnait plutôt bien. Après un événement comme celui-là, sans se définir comme un groupe engagé, on voulait tout de même en parler.

Et en ce qui concerne "Refugees" ?

Varou : Là aussi c'est la même chose ! Toute l'année, tu vois des gens mourir dans la mer. Ça nous touche forcément. Dans le groupe, on vient tous d'un peu partout : Oddateee est portoricain, Psychostick a des origines ukrainiennes, moi-même arméniennes, le terme de réfugié, par conséquent, est quelque chose qui nous tient à cœur, on se devait donc d'écrire un morceau à ce propos.

Psychostick : Comme le dit JC001 : "Refugees could be you, could be me". Cela peut arriver à n'importe qui ; pendant la Seconde Guerre Mondiale, c'étaient les Français qui partaient à cause de l'invasion allemande. On n'est pas à l'abri.

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L'aspect politique sur Stay Tuned... a t-il un lien avec l'élection présidentielle qui arrive ? J'ai remarqué que vous sortiez souvent des albums les années où se déroulent les élections...

Varou : Non, ça n'a aucun rapport, c'est une coïncidence. Après bien évidemment, on en parle entre nous, mais il n'y aucune chanson dans l'album qui aborde ce thème. Qu'ils se démerdent entre eux (rires) !

Psychostick : Oui, et on évite quand même de mélanger musique et politique au sens strict du terme.

Stay Tuned... peut-il être interprété comme votre album le plus rock ?

Varou : Je ne sais pas...  Je ne suis là que depuis deux albums. Tout dépend de ce qu'on met dans "rock". S'il y a une guitare et que ça sonne rock, pourquoi pas. Et encore. Après, tu vas forcément trouver des influences rock, comme des références plus funk ou rhythm & blues, par exemple. Chacun va se faire sa propre idée en fonction de son écoute. On va nous dire que ce que l'on fait aujourd'hui est dans la lignée de Rage Against The Machine, alors que je trouve qu'on ressemble plus à Public Enemy ou Urban Dance Squad.

Psychostick : Mais c'est peut-être en effet l'album le plus rock (rires).

Varou : Il faut voir cela comme des clins d'œil, voire des samples joués avec des instruments, mais sans tomber dans le plagiat. Tu penses avoir créé une phrase musicale, mais en réalité c'est quelque chose qui existe depuis 10 ans ou plus, puisque, d'une certaine manière, tout a déjà été fait dans la musique. A nous simplement de faire notre propre mixture.

Entre l'année de création du groupe et aujourd'hui, le line-up a considérablement évolué. Cette démarche a t-elle été pensée et réfléchie ou alors s'agit-il de rencontres impromptues ?

Psychostick : En fait, on se connaît tous depuis plusieurs années déjà, même Varou qui n'est présent que depuis deux albums, ça fait 30 ans qu'on se côtoie ! A la base du Peuple de l'Herbe, on retrouve Pee et Stani, deux potes DJs qui faisaient du mix dans des clubs. Puis, deux ans plus tard, en 1999, je les rejoint avec le trompettiste N'Zeng. Au fur et à mesure chacun a amené ses propres influences. De la manière, Spagg, notre bassiste arrivé en 2005, avec qui j'avais d'ailleurs joué dans un autre groupe auparavant, était backliner pour Le Peuple de l'Herbe. Et du fait qu'il manipulait pas mal les machines, il a fini la tournée avec nous lorsque Stani est parti. Depuis, il a intégré le groupe en tant que bassiste. A chaque fois, il s'agit d'une perte, mais en même temps d'un apport. On essaye de rebondir en permanence.

Varou : Finalement, la seule démarche qu'on a eue pour cet album c'est de chercher un tromboniste sachant que Le Peuple de l'Herbe est connoté avec des cuivres. Par contre, pour Oddateee, ce n'est pas du tout le cas, puisque la connexion s'est faite avec High Tone, qui sont des potes à nous.

Vous anticipez sur mes questions...

Varou : Ok, pas de souci, on verra ça plus tard (rires).

Psychostick : Lorsque N'Zeng nous a quittés en 2013, on s'est demandé si on allait arrêter ou pas. Du coup, on a continué, mais on n'a pas nécessairement voulu recruter un trompettiste. Puis, Varou s'est présenté en tant que guitariste, on n'a même pas eu besoin d'aller le chercher.

Tout s'est fait au feeling...

Varou : En effet. On est vraiment des amis de longue date. J'avais justement joué de la guitare pour le deuxième album [P.H. Test/Two, NDLR]. Lyon est certes une grande ville mais assez restreinte dans le milieu musical, tout le monde se connaît.

Psychostick : Ce sont les affinités qui priment avant tout, l'aspect humain. La technique musicale a finalement très peu d'importance.  

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Avez-vous ressenti une évolution quant au public qui fréquente vos concerts ?

Varou : Je vais laisser Psychostick répondre vu que je n'ai fait qu'une tournée jusqu'à présent ! (rires)

Psychostick : Nous sommes en 2017, on entre donc dans les vingt ans de la création du nom Le Peuple de l'Herbe, donc oui, forcément, le public a changé, il a rajeuni. On va voir les enfants de ceux qui venaient au début, puis les parents reviennent. Ça reste mélangé d'un point de vue générationnel.

Varou : Quand je me rendais à un concert du Peuple de l'Herbe en tant que spectateur et copain, le public était majoritairement composé de gamins de 18/20 ans. Maintenant c'est plus divers, on retrouve toutes les tranches d'âge.

Psychostick : Quand on regarde les commentaires sur Facebook, on peut lire des choses du genre : "Ça me rappelle mes 18 ans" ou alors "Ah oui, c'est là que j'ai rencontré bidule ou machin". Beaucoup de gens s'étaient peut-être arrêtés aux deux, trois premiers albums, aujourd'hui ils reviennent, sûrement poussés par leurs enfants ; c'est marrant ce mélange.

Passons donc à la question sur Oddateee. Comment s'est passée la rencontre avec lui ? Est-ce par l'entremise d'High Tone, avec qui il a fait quelques morceaux et dont vous êtes très proches ?

Psychostick : On le connaissait sur disque via High Tone justement et aussi Dälek, mais on n'avait pas forcément pensé à travailler avec lui. Puis, on s'est retrouvé à jouer dans un festival où High Tone était également programmé.

Varou : En effet, on ne partageait pas le même plateau donc on a pu aller voir leur concert. C'est là qu'on a réellement pu découvrir Oddateee et on s'est dit : "Il est bien ce mec !!".

Psychostick : En fait, on cherchait quand même quelqu'un suite au départ de Sir Jean. On avait fait une tournée uniquement avec JC001 et on trouvait que ça manquait de punch ; d'autant plus qu'on avait habitué le public à ce qu'il y ait deux chanteurs. Et quand on a vu Oddateee, on lui a dit : "You, guy !" (rires)

Oddateee : La connexion s'est faite effectivement avec High Tone et le label Jarring Effects de Lyon. Auparavant, j'étais dans un groupe new-yorkais nommé Dälek qui jouait du hip-hop noise. Par la suite, je suis arrivé en France et j'y suis resté. C'est une love story (rires).

Varou : Oddateee a un appartement en France à Lyon depuis quelques temps. Il se sent bien ici, pour l'instant il n'a pas envie de retourner aux Etats-Unis. Il vit avec sa compagne, il a sa vie ici, quoi. C'est juste parfait pour nous. Et puis il est sympa !

Psychostick : On l'a invité à nous rejoindre puisqu'il existe un contraste entre lui et JC001, qu'on retrouvait déjà avec Sir Jean.

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Vous anticipez encore sur les questions que je veux vous poser...

Psychostick : Quand on se lance, on parle et on ne s'arrête plus (rires). Oddateee et JC001 sont deux Anglo-Saxons, un Américain et un Anglais.

Oddateee : Tout à fait, tu as un UK style avec JC001 et moi j'ajoute une touche plus new-yorkaise. Par conséquent, nous avons deux approches différentes du hip-hop et ça crée une mixture très intéressante. Tu pourras t'en rendre compte ce soir.

Alors justement, la question suivante que je voulais vous poser était : qu'est-ce qu'Oddateee apporte au sein du groupe, est-il un "remplaçant" de Sir Jean ?

Varou : On ne peut pas dire qu'il est un remplaçant de Sir Jean. C'est simplement l'histoire qui continue. Oddateee n'a rien à voir avec Sir Jean. Tous les deux ont des personnalités très diverses : Sir Jean est un Sénégalais, Oddateee est un New-Yorkais Porto Ricain. Finalement, il a autant de différences avec JC001 qu'avec Sir Jean.

Psychostick : Ce n'est pas un remplacement, même si on joue quelques vieux morceaux qui étaient en combinaison entre Sir Jean et JC001, tels que "Back Against The Wall" et "El Paso". Par contre, Oddateee amène une plus-value plus personnelle en changeant les textes.

Varou : De toute façon, Oddateee et Sir Jean n'ont pas les mêmes flows. Oddateee serait incapable de se calquer sur Sir Jean et vice versa.

Un dernier mot pour La Grosse Radio ?

Varou : Merci La Grosse Radio !

Psychostick : Merci !!

Oddateee : La Grosse Radio ! La Grosse Radio ! Stay Tuned ! Merci !

BIG UP Le Peuple de l'Herbe ! Merci à vous de nous avoir accordé cette interview ! Merci également au staff de La Cave à Musique et à Verycords !

Si vous voulez poursuivre plus en détail l'aventure de ce Stay Tuned..., Le Peuple de l'Herbe sera en concert au Trabendo le 5 avril prochain. A vos places !

Crédit photos : Live-i-Pix

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