Entretien avec Ton Zinc

"Si nos influences, nos expériences, nous servaient pour vivre ensemble et construire main dans la main, sans se regarder de travers ni se jeter la pierre, peut être que les pistolets resteraient rangés et le climat deviendrait peut être plus vivable..."

Après la sortie de leur second opus Des Têtes Et Des Poings le 5 mai dernier (et dont vous pouvez retrouver la grosse chronique ici même), il nous apparaissait essentiel de vous faire connaître un peu plus le groupe Ton Zinc. Cette bande de potes manceaux ne vous est peut-être pas familière si vous écoutez exclusivement du reggae. Pour cause, la musique de Ton Zinc mèle avec subtilité du rap, de la folk, de la chanson française... et du reggae, bien évidemment.

Rencontre avec un groupe étonnant, qui nous a plu et que l'on avait de mettre en avant :

La Grosse Radio : Bonjour Ton Zinc, merci de bien vouloir accorder un peu de temps pour nos lecteurs du webzine. Pour commencer, pouvez-vous nous présenter les membres du groupe ? Par rapport à votre premier album Philosophie De Comptoir (sorti en 2014), je crois savoir que de nouveaux musiciens sont arrivés, y a t-il une raison particulière à cela ?

Ton Zinc : Nous sommes aujourd'hui sept dans Ton Zinc : Maryse à l'accordéon, Loïc au Saxophone, Jennifer au Violon, Élie aux percussions, Rémy à la contrebasse et Nico et Micka à la guitare et au chant.

Sur le premier album,  le violon et l'accordéon étaient assurés par deux autres personnes, d’ailleurs, on fait un gros coucou à Charlotte et Samy qui sont restés de très bons amis ! Avec leurs rythmes respectifs, ils n'ont pas pu suivre celui du groupe alors ils ont préféré nous quitter. C’est à la suite de leurs départs que Jennifer et Maryse sont arrivées.

Nous n’avions pas de bassistes sur le premier album et on voulait vraiment évoluer sur ce plan là, du coup avec notre style résolument acoustique, on a décidé de chercher un contrebassiste, que l’on a trouvé en la personne de Rémy.

Maryse est intermittente, Rémy devrait le devenir bientôt, les autres membres n’en vivent pas aujourd’hui mais ont, pour sûr, la même volonté de vivre et faire grandir le projet à fond, pour profiter de cette même passion pour la musique. Au delà de l’aspect de groupe, on peut également voir Ton Zinc comme un collectif, puisque des amis musiciens viennent régulièrement jouer avec nous sur scène si l'un des membres n'est pas dispo.

Le groupe Ton Zinc

LGR : Comment vous êtes vous rencontrés ?

Ton Zinc : On s'est rencontrés pour la plupart aux années lycée, puis comme Le Mans n’est pas une très grande ville, les rencontres se sont faites au hasard des soirées, des concerts, des amis en commun … Petit à petit les liens se sont crées et on est aujourd’hui tous devenus de vrais amis.

LGR : D'où vient le nom du groupe "Ton Zinc" ?

Ton Zinc : C’est Nico le membre fondateur du groupe. Et à la base, il était en duo guitare / voix avec son cousin. Ton Zinc vient donc de l’argot signifiant « Ton Cousin » ! Le groupe a ensuite grandit en conservant le même nom, cela remonte à 2010, déjà !

LGR : Le mélange de divers styles musicaux vient-il des différentes affinités des musiciens ? Certains préfèrent-ils la folk, d'autres le reggae, d'autres le rap, ... est-ce une mise en commun de tout ce que vous appréciez dans la musique ?

Ton Zinc : C’est exactement ça, nous avons en effet plusieurs goûts musicaux. On écoute tous pas mal de musique mais Élie par exemple est plus sensible au Rock / Métal. Lolo écoute beaucoup de fanfare, Micka pas mal de reggae, Nico de la chanson française, de l'électro, du hip hop... Remy écoute du Jazz, Maryse et Jennifer de la chanson celtique ou traditionnelle. On s’inspire de tous ces goûts et influences musicales pour construire ensemble notre propre identité.

LGR : Qui compose la musique ? Qui écrit les paroles ?

Ton Zinc : Nico et Micka composent les textes et réfléchissent tous les deux à une première structure. Les chansons sont ensuite proposées au reste du groupe et nous conservons celles qui font l’unanimité. Les arrangements musicaux deviennent alors le fruit d’un réel travail de groupe. Nous mélangeons alors les idées et les inspirations de chacun, déterminons une structure définitive et testons les morceaux sur scène pour voir si des ajustements sont à faire selon notre ressenti. C’est d’ailleurs pourquoi nos chansons évoluent souvent, rien est figé et les chansons présentes sur l’album peuvent avoir un tout autre visage sur scène !

LGR : Certaines de vos chansons témoignent de tranches de vie dont on imagine que vous les ayez personnellement vécues. Est-ce le cas ?

Ton Zinc : Certains textes parlent de situations vécues mais nous construisons rarement nos textes autour de nous. En fait on voit plus les textes comme un outil empathique : en discutant avec des gens qui eux ont vécu des situations, on écrit, on imagine en s’inspirant de ces échanges. On essaie de comprendre des comportements, le contexte dans lequel nous vivons, à travers les chansons. Nous n’avons pas la prétention d’apporter des réponses, juste la volonté de transmettre nos ressentis, nos questionnements, dans l’espoir à notre tour de faire réfléchir les gens. C’est donc un échange constant, un partage permanent ...

LGR :  Vous avez fait la release party de "Des Têtes Et Des Poings" le 05 mai dernier ; la soirée s'est-elle bien passée ?

Ton Zinc : Nous attendions cette soirée avec impatience et elle s’est magnifiquement bien déroulée. Nous avions mis en place un système de réservation et les 250 places disponibles sont toutes parties ! C’est d’ailleurs pourquoi nous avons décidé de diffuser le concert en live sur les réseaux sociaux pour permettre à tout le monde de profiter de la soirée. Il y avait une super ambiance, c’était chaud bouillant ! On remercie d’ailleurs l'équipe de la MJC Ronceray du Mans pour nous avoir ouvert leurs portes ainsi que le staff technique (Léo, Samy, Charles et Jeremy) tout comme les copains qui se sont mobilisés et qui ont tenu le bar et les entrées. Et bien sur encore un énorme merci au public qui répond présent à chaque fois et sans qui on ne serait rien !

Ton Zinc sur scène
Photo : Marie Estelle

LGR : Personnellement, j'ai adoré le morceau "3 Hommes En Colère". Pouvez-vous nous raconter l'histoire de cette chanson, ce qui vous a donné envie de l'écrire ?

Ton Zinc : Ce morceau est à l'image même du fonctionnement actuel du groupe : de l'échange, des idées et du partage. A la base, c'est Nico qui est à l'origine du morceau. Il avait juste les paroles et les accords du refrain. Il a montré tout ça à Micka qui a écrit les couplets en parlant de trois hommes, chacun représentatif des différentes « classes sociales » que l'on peut rencontrer, avec l'idée de montrer que même si leur vies n'ont à priori rien à voir, elles peuvent tout de même être intimement liées :
- Un premier type donc, modeste, qui fait partie de la « France d'en bas », celle qui galère à la fin du mois et qui se prend souvent à rêver d'une vie plus simple, plus aisée. Dans son monde, les petits boulots s’enchaînent difficilement, l'alcool et la drogue font partie du quotidien, d'ailleurs, il en vend lui même pour arrondir les fins de mois ... Il en a marre et aimerait que cela change, mais comment ?
- Un second, qui lui n'est ni trop modeste, ni trop aisé. Il a son taff, sa femme, ses gosses et sa belle bagnole. Quand on le voit et qu’on devine sa réussite, on se dit que tout roule pour lui, seulement lui, il s'est enfermé dans un rythme dans lequel il se retrouve coincé, alors pour se changer les idées, il se drogue... en se fournissant auprès du premier...
- Enfin, le troisième type est à priori le plus à l'aise. A la tête d'une grosse boite, et d'un gros compte en banque, il prend des décisions et tout le monde le suit sans sourciller. Embaucher le premier ? Aucun CV, ou est l’intérêt ? Le second travaille pour lui, mais tout le monde au taff connaît son addiction, difficile donc d'envisager une promotion… Et le troisième, et bien, persuadé de son confort, de son pouvoir et enfermé dans son rythme effréné de patron, refuse de changer son fusil d'épaule et n'a pas le temps pour une quelconque remise en question, d'ailleurs à quoi ça lui servirait puisque pour lui  "tout va bien" ?

Résultat, une situation bloquée, les pauvres s'appauvrissent, les riches s'enrichissent et ceux qui sont au milieu s'ennuient et s'enivrent... d’où cette phrase, commune à chacun : S'il avait su comment se délivrer de toutes ces chaînes, s'il avait su, il se serait crée d'autres problèmes...

Voilà l'histoire de cette chanson, dont le processus de composition a ensuite été fidèle à celui décrit plus tôt. Le résultat est à l'image du groupe : rempli d'influences diverses pour un ensemble cohérent (du moins on l'espère !!!). C'est d'ailleurs un des messages de cette chanson : si nos influences, nos expériences, nous servaient pour vivre ensemble et construire main dans la main, sans se regarder de travers ni se jeter la pierre, peut être que les pistolets resteraient rangés et le climat deviendrait peut être plus vivable...

LGR : Votre musique est à la fois engagée, porteuse de messages forts, mais aussi festive. Quel est le plus important selon vous, ou est ce indissociable ?

Ton Zinc : Le message est très important pour nous, du coup, on se retrouve plus dans des textes engagés. On a par exemple plus de mal à composer des chansons "d'amour", mais bon, ça arrivera peut être un jour ! On aborde des sujets graves en osant l’humour, la dérision en frôlant même parfois l'insolence. L’une de nos volontés est également de partager un moment dynamique sur scène alors le côté festif fait partie intégrante de notre musique. En gros: élargissons notre conscience avec certaines réalités parfois difficiles à entendre mais surtout, n'oublions pas de faire la fête.

LGR : Un des sujets les plus récurrents sur cet album est la politique (avec aussi les difficultés dans certains pays et les travers de la société en général). Est-ce parce que nous étions en période électorale ou est-ce un sujet qui vous préoccupe particulièrement ?

Ton Zinc : La politique nous intéresse mais nous la suivons avec un regard critique. Nous ne sommes pas militants et ne sommes derrière aucune formation politique, nous avons d’ailleurs refusé un concert de soutien à un parti pendant la campagne présidentielle. Elle nous intéresse soit parce qu'elle nous fait malheureusement rire, soit parce qu'elle nous inquiète. Elle nous a par contre rarement satisfait. Pourtant c'est elle aujourd'hui qui dirige nos droits, nos devoirs et nos vies.

L'album est sorti 2 jours avant le deuxième tour des élections présidentielles. Ce n'était vraiment pas calculé mais on a fini par en jouer. Avec tout l’abattage médiatique qu’il y a eu, des chansons comme « Squatter l’Élysée » ou « Candidat » sont vite apparues et étaient complètement raccord, bien qu’elles aient été composées bien avant les deux tours.

Ce qui est drôle c'est que certains textes s'identifient parfaitement aux événements que l'on a connu durant cette campagne. Dans "Si seulement ta mère" on exprime notre envie de "Tirer les oreilles" des politiques qui pensent comprendre les gens alors qu'ils vivent dans un tout autre monde fait de multiples privilèges. Ils se permettent en plus de piquer dans les caisses et de voler des mecs qui eux n'ont pas une thune. Tirons leur les oreilles, faisons les redescendre par un geste non violent mais ô combien humiliant !

Certains morceaux comme « Saya » sont en effet plus ouverts sur certaines situations dans le monde. Cette chanson est directement inspirée de Malala Yousafzai. Une pakistanaise qui vivait dans un bled ou évidemment les droits des femmes ne sont pas les mêmes qu'en occident. Elle a décidé de militer et de faire avancer les choses dans sa ville. Les talibans ont tenté de l'assassiner. Elle a survécu et a obtenu le prix Nobel de la paix en 2014 à l’âge de 17 ans seulement.

Avoir un œil plus global sur la situation du monde permet parfois de relativiser notre propre condition. Mais même si la France est un pays riche et développé, il ne faut pas pour autant se taire. Beaucoup de progrès sont encore à faire et certains choix ou ambitions politiques actuelles pourraient même nous faire aller à reculons ...

LGR : Quels sont vos projets désormais maintenant que le 2ème album est sorti ?

Ton Zinc : Maintenant que l'album est sorti, nous souhaitons faire le plus de concerts possibles en espérant aller là où nous n’avons pas encore joué. Une tournée est en préparation pour l’été 2018, d’ailleurs, si des programmateurs lisent cet article, qu’ils n’hésitent pas à nous contacter, nous sommes ultra motivés !

Rencontrer les organisateurs, les bénévoles, le public et puis continuer de vendre nos CD tout en gardant une démarche la plus indépendante possible. Les deux albums ont été enregistrés grâce à l'argent des concerts et nous sommes fiers de financer ces projets sans aucunes subventions et nous ne voulons être redevables de personne. L'indépendance et la liberté de décision sont des mots d'ordre pour le groupe, même si nous ne fermons pas la porte à d’éventuelles collaborations futures.

Nous souhaitons continuer notre route, faire grandir notre projet, partager au maximum en s'entourant de nos amis et des gens qui nous feront avancer. Peut être que nous passerons un jour le cap de vivre de la musique, mais chaque chose en son temps, nous n'y sommes pas encore.

LGR : Un Gros merci à vous pour toutes ces réponses détaillées ! Un dernier mot pour La Grosse Radio ?

Ton Zinc : Merci à toi Benustus pour ces questions et comme nous avons coutume de dire : "Merci à ceux qui y étaient et à ceux qui y seront !" 

Ton Zinc et la foule
Photo : Ton Zinc

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