Baston – Gesture

Que l'on ne s'y trompe pas : Baston n'est pas un groupuscule néo-révolutionnaire nihiliste à crètes, ou un gang de motards tatoués chevauchant des Harley barbe au vent sur le périph' : Baston n'est même pas un tribute band de Bérurier Noir – c'est dire. Il semble en fait que ces Rennais ne soient pas belliqueux le moins du monde. Ils se bornent même à distiller une pop-garage joyeuse, aux doux arômes surf comme on aime, ces derniers temps, les remettre au goût du jour.
Gesture est leur second EP, et s'il est moins cyrillique que le précédent (здеÑÑŒ ЕÑÑ‚ÑŒ Пуритане, c'est du russe), il n'en est pas moins goûtu.

L'ambiance est posée dès l'ouverture avec "Maybe I'm Dead", et l'on entre, d'emblée, dans le royaume aquatique de la réverb à foison (le son est massif, on en oublierait que Baston est un trio), dont les guitares et la voix sont chargées. Quelques notes orientalisantes pour le psychédélique, une mélodie très accrocheuse sur des accords simplistes et une rythmique efficacement hypnotique, le temps passe vite et on plonge alors, irrésistiblement, dans le bocal. La bonne humeur déborde des écouteurs, on chanterait la ligne de basse à tue-tête.

Ce sont les mêmes ingrédients qui seront utilisés pour l'ensemble des morceaux suivants : "Decay" démarre comme un morceau des Black Angels désinvolte, et nous plonge la tête sous l'eau (d'où le bocal), avec ses guitares glissantes, sa basse sous-marine et son chant faussement naïf ; "(It's Complicated With) Jacques Vaché" et son riff caribéen sonne comme la Californie tout en invoquant (paradoxalement ?) la fierté bien française du surréalisme (toujours ça que les Américains n'auront pas) ; et puis "Holotape" à la structure pleine de maîtrise. Sa grosse caisse martelée sur tous les temps contraste avec la sérénité de la mélodie, et nous contraint à l'apnée, nous laisse respirer quelques instants, et puis repart, joue véritablement avec notre souffle, facétieuse. La section rythmique prend à son compte la bonne évolution du morceau, décharge le chant et la guitare des leurs responsabilités ordinaires, leur permet de prendre de l'altitude, et de tisser lentement mais sûrement une ambiance fascinante.

"Sword" est idéalement située pour attirer l'attention qu'elle mérite, un coup de maître : son tempo est plus enlevé, son développement bien soigné, et le chant a le chic pour entrer dans la tête des gens et refuser d'en sortir. Il y a là des allures de tube underground (si, ça existe !), le groupe a d'ailleurs choisi d'en tirer un clip minimaliste et rétro – exactement le genre de clip où l'on est sûrs qu'il ne se passera rien mais qu'on est quand même contents de regarder. Des gens sous un parasol et trois types qui jouent de la musique. C'est cool.

Baston, Gesture, Beach Boys, Surf, Garage, Rennes

Quant à "Honda", il s'agit d'une relecture un peu moins folle de la "Honda" qui apparaissait déjà sur leur premier EP, qui était elle-même une reprise assez fidèle de la "Little Honda" des Beach Boys. Pas de trouvaille exceptionnelle ici, si ce n'est la petite explosion à 1'25, et une touche de bordélisme contemporain aux refrains. Mais on ne va pas cracher dans la soupe ; c'est une bonne chanchon.
Et puis, "Gefahr", qui s'étire sur 6 minutes et 43 secondes, et qui grâce à ce format prend le temps de se construire, petit à petit, sans se presser ; c'est très réussi, à aucun moment on ne se trouve dans « l'attente de la suite » comme parfois avec les longs morceaux. Et puis on n'est pas fous, on le sait, on a vu, que c'est la dernière piste. Alors on savoure simplement ce qu'il se passe, quand cela se passe. La guitare qui déboule d'un coup, en nappes. Les accalmies, les fulgurances, le chant tout doux. Et puis, quand le morceau doit se terminer, eh bien, il se termine. Voilà.
La conclusion est réussie.

La vache, (on l'avait dit), le temps est passé vite.

Du psychédélique, du riff entêtant, de la mélodie aérienne, du surf, de la réverb (non, beaucoup de réverb) : au fond, les Rennais de Baston n'inventent rien. Ils utilisent effectivement les armes que la décennie et sa tendance, pas nécessairement malheureuse, à regarder en arrière, leur ont mis entre les mains (parce qu'en temps de crise, on se resserre sur les fondamentaux, ce qui est sûr, l'Identité collective, universelle ! d'un mouvement, au risque parfois, et tant pis, de ne s'inscrire que comme acteur du dit mouvement, dont on parlait ci-avant), les mêmes armes que les autres ; seulement, eux les utilisent vachement bien.

Voilà.

Crédits photo : Baston

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NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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