Deep Purple – Infinite

L'année prochaine, Shades Of Deep Purple aura 50 ans. Une carrière longue de cinq décennies que Ian Paice aura vu grandir, évoluer, se développer musicalement par tous les musiciens d'horizons différents qui ont rejoint la formation emblématique et l'ont aidé à forger sa légende. Avec Infinite, vingtième album au compteur pour le groupe, Deep Purple apporte une nouvelle pierre à un parcours sans faute depuis l'arrivée de Steve Morse sur Purpendicular (1996), mais aussi une certaine amertume concernant l'incertitude quant au futur du groupe.

 

La fin ?

 

Selon qu'on le lise en anglais ou en italien, le titre de l'album peut autant signifier son apport d'héritage que sa toute fin. Et si Ian Gillan a démenti quelques rumeurs, précisant que le groupe n'avait pris aucune décision concrète et qu'il n'arrêterait peut être pas sa course si tôt, la tournée nommée "The Long Goodbye" en dit long. Après tout, il serait difficile d'en vouloir à des musiciens qui ont autant donné - car là, on s'arrête sur Deep Purple ; si l'on compte les dizaines de groupes (Whitesnake, Flying Colors, Black Sabbath, Dixie Dregs, Colosseum, Kansas...) que les membres de ce MK VIII ont accompagné, ainsi que leurs carrières solo dantesques, on bat de nombreux records - de vouloir parfaire leur coda, surtout quand ils sont septuagénaires ou à l'aube de cet âge.

Dernière offrande, Infinite ? Nul ne le sait, pas même eux, et alors que nous nous préparons sûrement à une nouvelle ère où, à l'instar de tous les géants de leur époque, Deep Purple ne sera plus, il est l'heure de faire le bilan. Autant le challenge et l'espoir qui repose sur cette vingtième galette est fort, autant les exigences sont prononcées au vu de ce à quoi il succède. Après un Now What!? surprenant en tous points, il y a du niveau à tenir.

 

Un album que les fans ont envie d'entendre...

Les abords de "Time For Bedlam" ne sont pas inconnus puisque c'est le premier morceau présenté par le groupe. Une nappe inquiétante, une introduction parlée au vocoder, le titre surprend, et se jette une fois encore vers des contrées que le groupe n'avait pas encore exploré. On y reconnaît le jeu impassible de Paice, les solos très mélodiques de Steve Morse, et les claviers frénétiques de Don Airey, qui s'exprime réellement depuis le dernier album. Ajoutons la basse solide de Roger Glover et des lignes de chant correctes sans trop pousser Ian Gillan dans ses retranchements.

Infinite, Deep Purple, Review, New album 2017

On l'avait déjà constaté, le groupe a eu l'intelligence d'adapter ses mélodies aux limites de son chanteur (et on aimerait qu'il en soit autant sur des réarrangements live, tant certains morceaux font aujourd'hui peine à entendre), chose que l'on constatera sur "All I Got Is You", où Gillan fournit une ligne de chant solide sur laquelle il est tout à fait à l'aise. On sera d'ailleurs ravi sur ces deux titres de noter des avancées progressives, des passages musicaux envolés et recherchés, le Pourpre a encore des choses à dire et le fait avec sa grande virtuosité. Les deux singles retrouvés et avec eux le plaisir qu'ils avaient déjà engrangés, il est temps de se diriger vers l'inconnu, le reste d'un album dont on attend beaucoup.

 

... Mais pas celui dont ils ont besoin.

Et au-delà, peu de choses sont proposées. On posera le constat dès "Hip Boots", placé entre les deux singles. Titre très standard, de ceux que l'on appelle "easy purple", mais à qui il manque clairement quelque chose. Un jam blues comme ils en ont souvent fait, qui pourrait passer sans souci en intro d'un "Hush" en live, mais peine à trouver sa place en studio. Evidemment, ça s'écoute sans contrainte, les musiciens étant toujours capables de sublimer certains moments, mais la sauce est plus fade. On se rend d'ailleurs compte, chose qui sera récurrente tout au long de l'album, que Ian Gillan aplanit le tout de par des lignes moins impliquées. Lorsque la musicalité atteint une envie de suivre le groupe, le chant ajoute un soupçon d'ennui qui fait qu'on ne s'y attache jamais complèterment.

C'est sans compter sur des titres carrément dispensables, "Get Me Outta Here" et "On Top Of The World" en tête. Lourds, ennuyeux, les titres s'écoutent mais manquent de saveur, de volume. Pire, lorsqu'ils représentent un intérêt de par un riff intéressant ou une mélodie plus prenante (on pense à "One Night In Vegas", "Johnny's Band" ou encore "Birds Of Prey"), il y a toujours un sentiment d'inachevé, comme si le titre s'arrêtait où il devrait commencer, un couplet ou un solo disparu. L'impression que l'album a été bâclé dans sa composition prend son ampleur. Infinite est à Now What!? ce qu'Abandon fut à Purpendicular, un successeur honnête, mais contestable, envahi par l'ombre de son glorieux prédécesseur.

 

Et pourtant, la surprise.

Alors on pense à Bob Ezrin, dont on connaît la paternité et le rôle crucial dans ce qui a fait que Now What!? est plus qu'un incontournable. En sortant le groupe de sa torpeur, il avait réalisé un fantastique tour de force, et on était en droit d'attendre qu'il renouvelle l'exploit. Si en matière de production, il n'y a rien à dire, on sent que l'homme s'est moins impliqué dans le processus créatif, a moins proposé de ces choses qui ont fait le sel du groupe pour cette collaboration inattendue, et a laissé les musiciens se reposer sur leurs acquis, eux qui ont du coup choisi de proposer quelque chose de plus simple, plus concis et peut-être même plus "rock" dans son exécution, mais beaucoup moins intéressant dans son essence. C'est là qu'intervient "The Surprising".

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Un clavier mystique entourée de nappes fantomatiques, non sans nous rappeler "Vincent Price", qui concluait en beauté l'effort précédent, et c'est parti pour six minutes bien trop courtes de ce qui constituera le morceau le plus abouti de l'album. On y retrouve surtout le duo Airey/Morse qui renoue avec des mélodies travaillées et se répondant de manière exemplaire. Construit comme un grand morceau prog que Yes ne renierait pas, il y implique des sonorités metal, notamment dans ses rythmiques, et un grand passage instrumental progressif qui nous fera beaucoup penser aux travaux de Neal Morse. La similitude avec "Cosmic Symphony" de Flying Colors (présente sur Second Nature) dans la construction est flagrante, le groupe cherche encore à créer et on voit que malgré les années, ils en ont toujours beaucoup sous le capot. C'est bien simple, si Infinite ne devrait exister que pour un morceau, ce serait celui-ci.

 

Une carrière toujours inventive

C'est donc là la force de Deep Purple. Savoir toujours être où on ne les attend pas. Infinite fait en cela penser à Rapture Of The Deep : un opus plus quelconque, où le groupe s'assoit sur ce qu'il sait faire, mais qui contient un joyau incontournable, au point qu'on lui pardonne son remplissage, même quand ce dernier est assez indigeste.

Infinite est il donc, à ce titre, un bon album ? Le débat est vaste, nombreux sont ceux qui seront parfaitement ravis des morceaux simples (et en effet, ça joue et ça tourne, il n'y a aucun doute), d'autres plus exigeants ou plus lassés par les répétitions seront surpris par les prises de risque mais resteront sur leur faim. Un "dernier" album malheureusement trop peu ambitieux, mais qui n'a rien de honteux pour autant, et contient son lot de belles choses, pour une carrière sur laquelle se jeter tant les moments de grâce y sont constamment disséminés.

Sortie le 7 avril chez earMUSIC / Verycords

Crédit photo : DR

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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