Thirty Seconds To Mars – America

L’intelligence artificielle supplantera-t-elle l’être humain ? La question se pose de plus en plus dans certains domaines, et il semble qu’elle ait déjà commencé à envahir la musique. Comment en effet ne pas croire qu’America, le cinquième opus de Thirty Seconds To Mars, ait pu être composé par autre chose qu’une machine, tant il semble être une production automatisée répondant à un cahier des charges standard pour passage en boite, donnant un résultat plat, dénué de la moindre originalité et surtout sans âme ?

Personne ne peut reprocher à Thirty Seconds To Mars de se répéter. En quatre albums, le groupe a abordé quatre univers différents, en gardant plus ou moins une certaine identité sonore. Leur quatrième effort, Love Lust Faith And Dreams, s’était engouffré sans vergogne dans la pop de stade, avec plus ou moins de bonheur et d’adhésion de la part des fans.

Cinq ans après, la formation californienne revient avec America, précédé d’une com supposée subversive autour des noms figurant sur les différentes pochettes. Mais que se cache-t-il derrière toute cette agitation ?
 


L’album s’ouvre sur "Walk on Water," le premier morceau à avoir été dévoilé. Très electro, pas exempt de tics de production, on sent que les martiens ont axé l’album sur un son qui se veut actuel à n’importe qui. Là, deux options : soit vous êtes allergiques à tous les effets musicaux pompeux et vous êtes déjà partis en courant, soit vous ne détestez pas les morceaux mégalomaniaques et vous prenez plutôt votre pied. Les chœurs, les grandes envolées, l’electro sont bien maîtrisés et offrent un morceau puissant avec un vrai potentiel d’hymne, pour peu que l’on soit adepte du genre, même si la voix de Jared Leto sent déjà le vocodeur à plein nez.

On enchaîne avec "Dangerous Night", autre morceau déjà connu. Là, les choses commencent à se gâter : certes, il y a un certain entrain dans le morceau, qui ne sera pas désagréable à chanter à tue-tête sur la plage cet été, mais il est assez convenu dans la structure et les arrangements. C’est le titre parfait pour la radio, mais il manque cruellement d’originalité, des arrangements electro du refrain à la guitare sèche du pont musical, et il semble que monsieur Leto ait monté d’un cran son vocodeur, ce qui fait que son timbre de voix, pourtant particulier, ressort mal. De l’electro pop rock très très light, en somme.
 


Et ensuite…. Tous les problèmes que l’on sentait arriver à grandes enjambées sur "Dangerous Night" vont aller en s’intensifiant. L’auditeur a droit à 40 minutes d’electro bas de gamme, dégoulinant de vocodeur, uniquement joué sur des machines. Entendons-nous bien (au milieu de ce carnage auditif) : il serait de mauvais goût de reprocher à Thirty Seconds To Mars d’incorporer de la musique électronique dans leurs compos. Dès leur premier album éponyme, les claviers étaient bien présents. Sur This Is War, "Stranger in a Strange Land", le morceau le plus captivant de l’album, était joué sans guitares, et "Night of the Hunter", un grand morceau de bravoure, était on ne peut plus electro.

Mais sur America, c’est du plus mauvais effet : les membres du groupe ont pris le pire de toutes les productions actuelles, avec des effets EDM / techno qu’on entend partout et sont putassiers au possible. C’est extrêmement sensible sur "Rescue Me", qui pourrait avoir été composé par n’importe quel producteur bas de gamme et s’avère soporifique au possible malgré un rythme supposé entrainant. Cela l’est aussi sur "One Track Mind", en collaboration avec le rappeur Asap Rocky, lequel a pour seule qualité ici de venir partager avec le groupe la responsabilité de la médiocrité du titre – et ce n’est pas un mince dévouement.
 


En fait, le constat est le même pour la grande majorité des chansons. Non seulement l’electro est très mal utilisé, mais les instruments organiques ont quasiment disparu, à l’exception d’un peu de saupoudrage ici et là – ouah, un solo de guitare de dix secondes sur "One Track Mind", quelle dinguerie audacieuse ! Ce ne serait pas si gênant si les arrangements avaient su garder l’ambiance étrange que les musiciens avaient su créer par le passé, mais là encore, c’est raté, tant l’ensemble est d’un conformisme navrant. La voix de Jared Leto, non contente d’être autotunée au possible, est extrêmement maniérée : là où auparavant l’auditeur avait droit à des titres chantés avec les tripes, il doit désormais se contenter d’une interprétation de poseur dénuée d’émotion.

Tout n’est pourtant pas totalement négatif : ici et là, on note des éléments intéressants, le beau timbre de la chanteuse Halsey, invitée mais assez mal utilisée, sur le titre "Love Is Madness", un morceau de mélodie bien construite sur quelques morceaux, un son de machine intéressant approximativement 20 secondes, des chœurs qui sont parfois bien sentis, un début d’envolée sur "Great Wide Open" ou ailleurs, un "Live like a Dream" plutôt réussi. C’est peu pour supporter un album entier, mais on se dit qu’avec des producteurs plus audacieux, les martiens auraient pu conserver cette direction electro et produire un résultat autrement plus innovant.
 


Certains morceaux sont franchement horripilants, d’autres sont convenus mais pas désagréables. "Monolith" nous redonne même de l’espoir : une batterie sèche, guerrière, accompagnée d’un son électronique distordu, dérangeant, bientôt rejoint par des chœurs intrigants. On le sent, enfin on s’approche de quelque chose, la tension monte, le morceau nous attrape, on attend l’explosion… Et non, ce n’était qu’un intermède musical. Preuve supplémentaire qu’il y a définitivement dans cet album un potentiel sous-exploité. Et à y regarder de près, les titres les plus réussis sont souvent écrits et composés par les frères Leto seuls, quand ils se sont entourés d’une ribambelle de producteurs pour les autres.

La fin de l’album approche avec morosité, quand l’ambiance change radicalement. Une guitare sèche, une voix envoûtante, une mélodie sympathique, des arrangements supportables, un morceau qu’on écoute avec délectation de bout en bout : Jared Leto aurait-il enfin retrouvé comment écrire de bonnes chansons ? Raté, il s’agit ici de son grand frère Shannon, qui sort de derrière ses fûts pour nous montrer qu’il se débrouille plutôt très bien derrière un micro avec "Remedy". Objectivement, la chanson n’est pas non plus le chef-d’œuvre de l’année, mais elle tranche tellement au milieu de ce marasme musical qu’on l’accueille avec une reconnaissance infinie.

Il faut dire qu’au milieu de tous ces ordinateurs, Shannon Leto s’ennuyait peut-être. À part sur cet ovni, ni lui ni le guitariste Tomo Milicevic n’ont vraiment un rôle fondamental sur cet opus, et c’est la première fois que la notion de groupe parait autant absente dans leur discographie. À entendre America, les rumeurs persistantes sur le départ du guitariste, qui n’est plus sur la tournée depuis un mois, semblent en tous cas plus que plausibles.

« Tout doit changer avec le temps. Je dois changer ou mourir », lance en français une voix féminine au début de "Dawn Will Rise". Même si on continue d’espérer un énième changement et un retour d’inspiration, il se pourrait bien que le groupe fasse d’une pierre deux coups.

Tracklist
nouvel album, pop, electro, edm, 30 seconds to mars, jared leto, shannon leto, tomo milicevic1 Walk On Water 03:05
2 Dangerous Night0 3:19
3 Res cue Me 03:37
4 One Track Mind feat A$AP Rocky 04:20
5 Monolith 01:38
6 Love Is MadnessHalsey 03:54
7 Great Wide Open 04:49
8 Hail To The Victor 03:21
9 Dawn Will Rise 03:56
10 Remedy 03:17
11 Live Like A Dream 04:06
12 Rider 02:57

Sorti le 6 avril chez Interscope

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NOTE DE L'AUTEUR : 4 / 10



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