Paul McCartney – Egypt Station

Egypt Station n’est pas un chef-d’oeuvre. C’est un fantastique résumé des compétences de Paul McCartney pour manier, détourner et s’exprimer avec la pop music. D'ailleurs son visuel-collage l’assume d’avance : Egypt Station est un patchwork. Ce sera le patchwork complet de soixante ans de carrière à faire autorité dans nos doudous d’enfances biberonnées aux sixties, pour les plus âgés, ou dans nos découvertes de qu’il a pu créer de mieux dans les années 70 - pardon, mais Wings, c’est globalement cool - ou dans sa renaissance artistique plus récente comme avec Chaos And Creation In The Backyard en 2005.

On a tous grandi avec Paul McCartney, surtout si vous êtes venus lire cette chronique, alors on sait de quoi le bonhomme parle. On sait de quoi il est capable, comment il remplit encore des stades à 76 ans pour éclater un public qui va sans discontinuer de 5 à 95 ans, comment il semble ne jamais vouloir s’arrêter de raconter son hallucinante trajectoire et de partager sa musique passée. Pour la musique plus actuelle, c’est plus compliqué : partons du principe qu’on pourra toujours baver sur nos claviers et nos réseaux sociaux pour donner une note ou un jugement à la con sur ce dix-septième album solo du bassiste, les chansons d’Egypt Station occuperont sans doute un gentil 5% à 10% de la setlist de la tournée qui arrive.

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Peut-être conscient de ça, Paul utilise son affolante énergie de jeune homme éternel pour montrer ce qu’il sait faire, et ne rien chercher à prouver. Ce disque est complètement un voyage, comme il l’a lui-même admis sur son site officiel en affirmant que les chansons se succédent comme autant de “stations ferroviaires”. Mais ça ne tient pas à quelques détails géographiques comme sa pochette ou le gentiment exotique “Back In Brazil”. Le voyage est à l’intérieur de la galaxie McCartney. Passée l’introduction “I Don’t Know”, joli rappel de “Let’em In” de At The Speed Of Sound, la facette rocker reprend le dessus avec “Come On To Me”, certainement le morceau locomotive de l’album. Riff imparable et évident, voix posée avec fermeté malgré les années de scènes qui se sentent : on tire en avant vers les moments de réussite de NEW, sorti il y a cinq ans et méchamment moderne. Mais pour le côté “j’habite en 2018”, celui qu'on surnomme Macca se contente principalement du maladroit “Fuh You” qui donnera quelques grimaces de douleur à ceux qui ont trop subi la pub Nescafé et l’insupportable “Ho Hey” des Lumineers.

 

Malgré cette grossière sortie de route, le plus célèbre gaucher du monde puise dans sa palette naturelle. Fan de “Blackbird” ? “Happy With You” en reprendra les codes jusqu’à la légère pulsation. Envie d’un frisson à la Revolver ? Paul sait vous le faire apparaître par magie dans les guitares inversées du bondissant “Caesar Rock”, réussi tout en étant coloré des tics d’écriture à la Band Of The Run. Le solo de “Dominoes”, réjouissant et claironnant comme un excellent rejeton de Ram, n’y échappera pas non plus. Amateur de douceurs façon “My Valentine” ou du "Waterfall" de McCartney II ? “Hand In Hand” se pose délicatement sur la paume de la main, alors que “Do It Now”, poignante chanson sur la route que chacun prend dans sa vie, fait résonner les clavecins déjà bien exploités depuis Rubber Soul. Et qui n’a pas envie de coller ses doigts en forme de flingue en écoutant “Despite Repeated Warnings” aux cuivres très "Live & Let Die" ?

 

Résumer Egypt Station à un étalage de savoirs-faire est bien sûr injuste. Chaque morceau respire la spontanéité et l’énergie à plein nez. Les paroles qui filtrent à travers nos oreilles frenchies parlent avec la même beauté simple d’amour, d’émerveillement du quotidien “obladibladesque” et de pure joie du rock’n’roll. La production percutante, assurée à la quasi-totalité par Greg Kurstin, met le tout en valeur et pour cause : le pépère a bossé pour Liam Gallagher et Foo Fighters, un spectre de couleurs et de sonorités qui correspond à 100% au McCartney d’aujourd’hui, capable de jouer indifféremment avec d’ex-membres de Nirvana ou Rihanna et Kanye West.

Mais la raison du carton inévitable qui guette Egypt Station tient dans le fait que Macca est allé là où tout le monde l’aime mais où plus personne ne l’attendait. Parfois à la limite du medley déjà-vu (“Hunt You Down/Naked/C-Link”), marchant prudemment sur un fil coloré entre passé et présent mais sans tomber, l’ancien p’tit gars de Liverpool est revenu aux bases et donne une leçon de songwriting.

S’il a voulu jouer la métaphore ferroviaire, Paul McCartney évite avec première classe le train-train et peut se reposer ce plaisant tour de force, ayant utilisé avec succès son immense expérience pour justement ne plus être résumé à son passé en tant qu'artiste. Joli paradoxe qui nous permet ici d'éviter scrupuleusement le nom en “B”.

Sortie le 7 septembre chez Capitol Records
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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