Powersolo – Seven Inches From Heaven

Attendez... attendez... ne serait-ce pas... ne serait-ce pas Powersolo qui revient avec un nouvel album ? Intitulé Seven Inches From Heaven ? Mais oui, mais oui, c'est bien un nouveau Powersolo qui débarque dans ces derniers jours de février 2019, à mi-chemin entre une compil' foutraque de faces A, de faces B, de titres oubliés au panache certain et un résumé de ce que peut proposer de mieux en trip Psychobilly/Garage-Blues complètement halluciné le bébé de ce sacré danois de Kim Jeppesen aka Kim Kix. Arrogant mais sympa, parfois crado mais toujours classe et rentre dans le tas, le son made in Powersolo a de quoi en retourner et en cramer plus d'un. Il n'y a qu'a jeter un œil sur la pochette, comme ça, juste pour dire: couleurs criardes qui décollent les rétines ou encore Citroën CX qui sent bon le terroir des années 70, décidemment il n'y a pas à dire, Powersolo, ça boxe dans sa propre catégorie. Depuis plus de 20 ans. 

C'est donc un album fleuve que propose Kim Kix avec ce Seven Inches From Heaven. En effet, c'est pas moins de dix-huit titres qui composent la galette, rien que ça. Nous sommes gâtés, comme à chaque fois. Par ailleurs, considérons cette nouvelle sortie de Powersolo (à peine un an après l'album Bo-Beep, dont vous pouvez retrouver la chronique ici) comme étant un véritable album, un vrai de vrai, même si celui-ci tient plus d'un Backtracks à la AC/DC que d'un album studio tout nouveau tout beau. Après tout, "Step Back" est en trois minutes et quarante secondes un petit-pot pourri de ce que déballe Powersolo depuis sa génèse : un son brut de pomme, sale (on dira pas dégueulasse, on privilégiera la formule plus classe de "roots" que les purs et durs, eux, diront certainement) aux teintes Garage qui débordent de partout. Une vraie petite tuerie en guise d'ouveture qui résume au mieux Powersolo. Un fun qui transpire les microsillons et les enceintes, une irrévérence qui claque fort et une instru' faussement simple. "B.R.O.W.N." embraye par un Rockabilly furieux qui arrache sévèrement où cohésion, timing et efficacité sont mis en avant. Deux titres et Seven Inches From Heaven est déjà un panard intégral. On pourrait s'arrêter là. Mais non, "Jungle Mungle" nous rappelle bien que chez Powersolo on peut jongler en quelques secondes entre du Hank Williams complètement lunaire et un morceau Rockab' improbable qui arrive comme ça, sans prévenir. Et ça marche !

"Donkey Dawg" se veut plus gras et brutal. En effet, ce titre est bien plus direct, moins imprévisible, peut-être plus bas du front mais ne faisant aucun cadeau. Un titre taillé live à 1000 %, que l'on devine enregistré avec le moins de prises possibles pour conserver toute la fraîcheur d'une prestation sans retenue. "Speedway", du haut de ses deux minutes trente-deux, est un petit concentré de rythme, où on ne comprend pas toujours ce qui se passe mais dont on peut s'empêcher de suivre et de ressentir complètement ce qui nous arrive dans les esgourdes. "Juanito (Original Djursland Recording)" mettra la puce à l'oreille des aficionados. En effet, c'est bien un mix différent de la version album de 2004 que nous propose Jeppesen, ici moins polie, si bien que l'on puisse accorder cet adjectif à un moment ou un autre à Powersolo, comme sur le trèsremuant "Wow Wow Baby" que l'on devine aisément diffusé au niveau 11 du potard de volume dans un rade rempli de graisseux, légèrement renégats et un peu repris de justice sur les bords. "Possessed By Bo Diddley" n'est pas sans rappeler la douce folie d'un Alan Vega mais, patte de Jeppesen oblige, qui aurait décidé de lâcher les chevaux. Léger changement d'ambiance par la suite avec "Glædelig jul allesammen", où le retour en langue danoise couplé au tempo lancinant impose un feeling à la cool indéniable et implacable. Dans la foulée, "Beam mig op Jesus" poursuit sur la même lancée en ajoutant de zeste de bizarrerie que l'on devinerait parfaitement accordée à un univers sorti de la tête d'un illuminé un peu fou. 

Powersolo, 2020, promo

Crédits photo: DR

Avec un titre pareil, "Fuzz Face", la onzième piste de Seven Inches From Heaven ne peut laisser placer au doute sur ce que Powersolo va nous envoyer en pleine tête. Au programme donc, de la pédale fuzz pour une tartine bien placée qui renvoie le disque sur des rails plus survoltés. Chez Powersolo, ça ne tortille pas du derrière pour marcher droit. Qu'on se le dise. On est entre nous. Plus sérieusement, s'il devait bien y avoir un titre à garder de Seven Inches From Heaven, ce serait "Acid Trip": sorte de Country/Rockabilly vitaminée et très carrée couplée à des refrains aux lignes de chant absolument tordantes Ça vaut le coup d'oreille ! Un vrai morceau qui swingue dans tous les côtés et qui rend bien compte du bordel sacré de et qu'est Powersolo. En revanche et même s'il faut considérer Seven Inches From Heaven comme étant un album au même titre que les autres dans la discographie des danois, on doit quand même souligner et ce parce que les titres viennent tous de supports et de périodes différentes, que les productions adoptées peuvent parfois laisser penser à un certain manque d'unité à travers le disque. Au final, c'est à l'image de la musique: décousu, varié, authentique, un tantinet globiboulga d'on ne sait trop quoi qui a pu passer dans les neurones de Kim Kix. Jetez-un œil sur les clips. Voyez-par vous mêmes ce qu'on veut dire.

Avec "Need to Know", ce sont surtout des influences Surf Music qui ressortent de manière plus évidente. On se laisse glisser sur les gros rouleaux dans le Pacifique, on a le vent dans les cheveux, style roi du monde qui se respecte. On traverse les genres, Powersolo aborde chaque variété de sons et de compositions avec une justesse destabilisante, qui ne devrait maintenant plus être surprenante vu les années et pourtant, et pourtant, c'est ce qui fait toute le sel de la chose. Cela restera toujours surprenant. C'est comme assister à une révolution permanente, un renouveau total dans le style à presque chaque morceau qui passe tant il y a une myriade d'infimes détails qui font qu'aucun des titres ne se ressemblent, au final, jamais vraiment. Rappelons que nous sommes confrontés à une tracklist de dix-huit pistes. Un exploit, ni plus ni moins. Plus gras du bide, "Backstab" est un justement titré coup de pognard progressif assené à l'auditeur. Les plus faibles ne résisteront pas. Les guitares se font furieuses sur la fin, le jeu très dur sans mettre de côté le groove. Ça dégomme, ça sort l'artillerie lourde. Si c'est trop fort, c'est que vous êtes trop vieux. N'oubliant pas son côté décalé, ou plutôt hors sol, Powersolo renchérit avec un "Big Butt Bonnie" très inspiré où le break vers la moitié du morceau fait respirer un peu l'ensemble, histoire de renchérir sur la cohésion musicale atteinte par Kim "Kix "Jeppesen et ses comparses. Un titre qui convient parfaitement au dandy trash-dinguo parrain du Donkey Punk, étonnant mélange d'un Benoit Délépine et d'un Vincent Price résolumment Rockabilly. 

La fin des hostilités arive à grand pas avec "Chronophobian Waltz", premier des trois derniers titres. La pression retombe, le rythme est posé, mais on ne perd pas en intensité pour autant. Au contraire, on peut remarquer la facilité de Powersolo à de proposer de vraies petites pépites. La réverb' profère un côté très évasif, planeur, qui donne beaucoup de corps à cette valse des contrées danoises toute en guitares. "Nedtur" adopte un petit visage Punk avec chant scandé à plusieurs mais qui marque le coup davantage pour ses changements de tempo radicaux que pour sa puissance. Toutefois, c'est un brulôt de premier ordre qui trouvera toute sa place sur scène. On imagine déjà un public bien arrosé et bien chaud se défouler dessus avant de reprendre ses esprits avec "Got a Sack O' (Dope Hidden in My Ass) qui contrairement à ce que pourrait faire penser son titre très fleuri est une des pièces les plus calmes et fraîches de Seven Inches From Heaven. Remarquable pour un morceau paru il y a maintenant dix-neuf ans, en 2001. La basse donne le ton, c'est poisseux, Blues dans le style et dans la forme. Coup gagnant. 

Jeu, set et match. En ressortant du placard certains de ses diamants passés sous silence ou trop peu connus, Powersolo propose une véritable restrospective de ce qui peut s efaire de mieux dans son catalogue. Changements de tempo ravageurs, melting-pot des styles et des genres, le tout enreobé d'une image et d'un esprit qui ne peut qu'amener à l'approbation générale, Kim Jeppesen ne manque pas de rappeler l'essence même de son projet musical qu'il tient à bout de bras depuis deux décennies. Toujours inspiré, jamais redondant ni en proie au remplissage, ce Seven Inches From Heaven a de quoi satisfaire absolument tous les publics: les néophytes, qui y trouveront leur compte en découvrant une musicalité d'une force exceptionnelle et un univers bien particulier, les connaisseurs qui y verront de nouveaux titres à se mettre sous la dent et les fanatiques qui eux seront très certainement heureux de voir compiler sur un seul et même album, les fameux 7" parus en petit tirage. Même si une disparité entre les productions saute aux oreilles et se remarque vite, pour les raisons juste au-dessus, on ne peut être qu'admiratif de la cohérence que Powersolo a eu à cœur de mettre dans ses compositions tout au long de sa carrière. Si cette dernière phrase peut faire très testamentaire, nous pouvons déjà vous rassurer, Powersolo ne compte pas s'arrêter. Et heureusement.
 

 

Tracklist de l'album:


1. "Step Back"
2. "B.R.O.W.N."
3. "Jungle Mungle"
4. "Donkey Dawg"
5. "Speedway"
6. "Juanito (Original Djursland Recording)"
7. "Wow Wow Baby"
8. "Possessed By Bo Diddley"
9. "Glædelig Jul Allesammen"
10. "Beam Mig Op Jesus"
11. "Fuzz Face"
12. "Acid Trip"
13. "Need To Know"
14. "Backstab"
15. "Big Butt Bonnie"
16. "Chronophobian Waltz"
17. "Nedtur"
18. "Got A Sack O’ (Dope Hidden In My Ass)"

Sortie le 21 février 2020 chez Crunchy Frog Recordings

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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