Skinsitive – Her(tz)oin

Skinsitive est le projet d’une seule personne, Virginia B Fernson, qui après avoir tenté de monter un groupe, s’est finalement décidé à tout écrire de A à Z et a pris tout son temps pour sortir son album après un chouette EP. Les ambitions étaient très élevées, et l’essentiel est bien d’être venu à bout de ce projet qui devrait être la première étape d’une trilogie. Rien à voir avec les initiatives mercantiles des grands studios de cinoche qui les enquillent pour refourguer un maximum de coffrets DVD. Virginia pratique en effet un style bien particulier, « à la croisée de Nine Inch Nails et Patti Smith » nous précise la bio, ce qui résume assez bien les sonorités présentes tout au long de ce premier jet, et s'avère en même temps très insuffisant au vu de l'univers esquissé ici, rempli de contrastes et refusant obstinément la facilité.


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Ce qui est étonnant avec ce projet, c’est en effet l’envie féroce de bousculer les conventions, ce qui se traduit par des transitions parfois à la limite de l’absurde entre des ambiances contrastées à l’extrême. Il n’est pas rare de passer d’un gros refrain sur fond de guitares saturées ou d’ambiances glauques à base de samples à des phases de piano plus douces quand elles n’évoquent pas franchement les comptines pour enfants (« In the Whoredom of hell »), comme si Marilyn Manson copulait avec les Dresden Dolls, dont les ambiances de cabaret déglingué se retrouvent ici et là (« Ali3n 5tar »). Surprenant, voire dérangeant au début, on ne peut toutefois que saluer la forte personnalité qui se dégage de l’ensemble, sans compter que celle-ci n’empêche pas l’album de recéler quelques titres qui font mouche dès les premières écoutes, comme « Paraphobia » et son refrain délirant, bon équilibre entre Jane’s Addiction et Killing joke, ou l’excellent « Godless » et son piano entêtant. C’est là tout le sel du projet, qui n’hésite pas à partir en mode punk énervé avant de retomber sur ses pattes sur des couplets feutrés et un refrain planant qui flirte avec Type O Negative (« Nostalgicide »).

L’écoute se transforme en jeu de pistes rafraîchissant, puisque comme vous l’aurez compris on est à des lieues de toute tentative de formatage. Difficile d’écouter Skinsitive en musique de fond ! Tour à tour punk, gothique, industriel et pop, on n’a pas le temps de s’ennuyer. Et ne vous y trompez pas, si les quelques descriptifs ci-dessus évoquent des « couplets » et « refrains », c’est plus par commodité qu’autre chose, car les chansons s’engagent régulièrement sur des chemins de traverse. Cette attitude qui refuse obstinément les compromis a déjà de quoi forcer le respect, alors quand musicalement ça suit… Des enchaînements comme le court « Sickzophrenia » et le timbré « Fuckorama », avec une superbe montée en puissance finale sur fond de vocalises opératiques à la Nina Hagen, sont même de franches réussites, où Virginia atteint pleinement son objectif de créer une musique un peu dégénérée mais qui reste accrocheuse, et qui alterne les contrastes avec aisance et bonheur. Les titres agressifs ne sont pas les seules cartes dans sa manche puisque la miss se révèle également habile sur les mid-tempos, notamment celui qui porte le nom du projet, impeccable de bout en bout, ou le plus sombre « Anxiorexia » avec son piano inquiétant et un rythme lancinant, qui une fois de plus se finira dans la lumière.



Alors bien sûr, avec une approche aussi jusqu’au boutiste, pour ne pas dire casse-gueule, et un album plutôt long, tout ne fonctionne pas parfaitement et il arrive qu’on tombe sur quelques trucs plus dispensables, comme ce break central sur « Carol-Ine » qui tombe complètement à plat. D’autant plus dommage que le reste de la chanson est une fois de plus bien trouvé. Mais dans l’ensemble, on tient là un premier jet solide et résolument personnel, avec une ambition qui fait plaisir à entendre. Pas encore totalement maîtrisé, cet album n’en reste pas moins une réussite qui augure de beaux lendemains pour ce projet et son instigatrice. Dès lors, vous comprendrez qu’on pardonne bien volontiers les quelques maladresses qui parsèment ce Her(tz)oin pour profiter de ses nombreuses qualités et attendre impatiemment la suite, en espérant que ce gros potentiel nous revienne à pleine maturité la prochaine fois.

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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