Une chronique de notre collègue et ami Thomas Orlanth de LGR Métal, qui nous fait partager un de ses coups de coeur !
Giedré est ce genre d'artiste qui a fait son petit bout de chemin sans grosse production, sans marketing, sans pub, sans se presser. Du coup, elle continue avec talent, avec des idées, avec sincérité et avec du talent. Ah oui, je l'ai déjà dit, mais disons qu'il y a là une double dose de talent.
Giédré, c'est un peu comme un hymen qui resterait frais et intact comme au premier jour, mais qui accumule néanmoins les expériences.
Après Mon premier disque (2011), Mon premier album genre Panninni (2012), Mon premier Best Of (2013), Mon premier album vendu dans les vrais magasins (2013), voici donc Mon premier album avec d'autres instruments que juste la guitare. En énumérant cette déjà longue liste, on constate facilement plusieurs choses capitales: d'une part, que Giedré, bien que encore jeune, a déjà une discographie tout à fait honorable, d'autre part, qu'elle pourra encore trouver plein de chouettes noms d'album pendant pas mal d'années. Et je parle pas de ces futures mais heureusement encore lointaines années, où proche de la retraite comme Madonna ou Justin Bieber, elle pourra sortir des "Mon deuxième album...", voir si vraiment elle doit lutter avec les impôts, des "Mon troisième album..." Bref, voilà une artiste plein d'avenir.
Ce qui est bien avec les artistes autoproduits et qui évitent l'industrie musicale classique (remarquez que le terme "industrie", comme pour l'industrie du pneu, l'industrie du ciment et l'industrie de la volaille, ça donne pas vraiment envie non ?), c'est que s'ils parviennent malgré tout à se faire connaître, c'est vraiment qu'il y a quelque chose d'intéressant dans leur concept. Le public ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Giedré est très présente sur le réseau social préféré de Mark Zuckerberg (elle frôle les 100 000 fans, dont la plupart n'habitent pas en Chine, car quand même, c'est beaucoup moins drôle quand on ne comprend pas les paroles) et aussi dans la vraie vie à travers ses nombreuses "tournantes" (je vous rassure, elle n'est pas obligée, en plus de ses spectacles, de faire des extras dans les caves, c'est juste comme ça qu'elle nomme ses tournées) qui font toujours salle comble. De même, l'album précédent s'est écoulé à près de 10 000 exemplaires. Pour de l'auto-produit et auto-diffusé, en un an, c'est quand même signe qu'il y a un public intéressé.
Cependant, il y a encore des gens qui ne connaissent pas Giedré. Je ne parle pas des ligues de moralité qui fleurissent en ce moment, mais surtout d'un public qui pourrait apprécier son humour noir. Outre les gens qui se sont trompés en allant à un de ses concerts sur la simple apparence fleurie de sa robe ou son large sourire quasi-enfantin, il faut reconnaître que le français moyen semble apprécier ses thématiques crues et le côté sombre de la vie.
(c) Clément Halborn
Une fois encore, dans "Mon premier album avec d'autres instruments que juste la guitare", Giedré parvient à dire des vérités, des situations que l'on a tous connues, des évidences qui ne frappent pourtant pas l'esprit du plus grand nombre. Le tout avec des petites chansons gentillettes et toutes mignonnes. C'est d'ailleurs ce décalage entre ce qu'elle parait et ce qu'elle est qui fait tout son charme.
L'album allie les thématiques habituelles de Giédré, à savoir une certaine critique de la beauffattitude et du moutonisme social ("Chut", "Eh venez on arrête"), une vision désabusée ("3 minutes", "La vie c'est de la merde", "Les poupées") et un petit côté féministe discret ("Toutes des putes"). Il n'y a rien à redire, ses chansons reflètent à merveilles son univers mélangeant allégrement conte de fée, nain, poupée gonflable et vomi. Avouons que ce mélange est assez inhabituel et ce qui l'est encore moins, c'est qu'il y a un réel talent dans sa prose.
En clôture de l'album, vous retrouverez une version remix spécial floor dance du célèbre "On fait tous caca".
Si vous ne connaissez pas encore Giédré, je vous conseille vivement d'aller à un de ses concerts. Le côté visuel est clairement un plus. Et pour ne pas paraître idiot, profitez-en pour acheter ses albums pour pouvoir chanter avec elle et le reste du public les paroles que tout le monde connaîtra par cœur. Tiens en passant, ça ferait aussi un superbe cadeau pour la Saint-Valentin.
Pour tout vous avouer, ma seule déception sur ce dernier album est sa relative brièveté par rapport aux précédents. Vous pourrez la retrouver dans sa nouvelle tournante, qui débutera le 6 février à Sannois, avec un passage le 6 mars à l'Olympia, sans oublier qu'elle sera la Marraine du Festival Handicaps, Sexe et Sexualité à Buc les 25 et 26 avril, parmi d'autres dates en France et en Belgique. Bref, une année 2014 qui commence fort pour Giédré !
Thomas Orlanth
"Mon premier album avec d'autres instruments que juste la guitare", sortie le 21/01/2014 chez Le Rat des Villes.
Playlist (16'35) :
1. Chut (2'09)
2. 3 minutes (3')
3. La vie c'est de la merde (2'38)
4. Les poupées (3'13)
5. Toutes des putes (2'06)
6. Eh venez on arrête (3'29)
7. On fait tous caca (3'46)
