Seb, chanteur d’Abrahma

Abrahma fait partie des meilleurs représentants français en matière de rock stoner / psyché / doom, soit cette musique lourde et lancinante qui navigue en eaux troubles aux frontières du métal. Un des meilleurs représentants français, voire bien plus, tant leur deuxième album, Reflections in the bowels of a bird tout juste sorti chez Small Stone Records, est un véritable joyau. Mature, lourd, riche, exigeant mais implacable une fois dompté, ce deuxième effort a tout ce qu'il faut pour faire passer le quartet francilien dans la division supérieure. D'autant que le groupe n'a jamais rechigné à l'effort et a peu à peu pris ses habitudes sur les scènes de nos voisins européens. Cela méritait bien que l'on cherche à en savoir plus. C'est Sebastien, chanteur guitariste leader de la formation, ami de longue date et avant tout un immense passionné (cela fait bientôt 10 ans qu'il contribue au rapprochement des acteurs de la scène) qui a répondu à nos questions sur cet album, les projets du groupe et l'évolution de la scène en France. 

Salut Seb, on va revenir vite fait sur votre premier album et l’accueil qui lui a été réservé. Je sais que vous avez beaucoup bossé pour le promouvoir, notamment en allant tourner dans les pays voisins de la France, dans des conditions sans doute rock’n roll. Peux-tu revenir sur les tournées et rencontres que vous avez faites, et quel bilan en tires-tu ?

La tournée de promo pour notre premier album s'est déroulée sur quasi 3 ans. On a eu la chance de pouvoir aller dans pas mal de pays différents et y rencontrer un super public, notamment en Angleterre et en Espagne. Je t'avoue que les conditions se sont améliorées au fil des tournées, les dernières sont relativement moins rock'n'roll que les premières (rires). Ces tournées nous ont aussi offert la chance de rencontrer pas mal de promoteurs et tourneurs avec qui le courant est bien passé, ce qui facilite pas mal le booking désormais.

J’ai vu que vous aviez notamment réalisé plusieurs tournées en Angleterre, dont une encore récemment. On sait que la France n’est pas le pays le plus rock du monde, en Angleterre ça se passe mieux ?

Tu sais avant d'y aller j'avais entendu énormément d'avis négatifs sur l'Angleterre, comme quoi ils payaient pas par exemple... Mais pour nous ç'a été l'une des meilleures tournées que l'on ait faites. On a tourné avec nos amis d'ENOS et MOTHER CORONA ce qui a bien sûr facilité la tâche niveau ambiance, mais tout le reste a été nickel aussi. C'est une autre mentalité, c'est tout. Donc il faut pas voir ça à la française. On a eu un toit sous lequel dormir tous les soirs, de quoi payer les frais et surtout un super public !

Comment trouves-tu la situation en France ? L’air de rien, vous avez donné un bon coup de main aux soirées Stoned Gatherings à leurs débuts, qui rassemblent aujourd’hui un public de fidèles. Il y a également de très nombreux groupes, dont certains ont un très bon niveau, tu penses que les choses vont dans le bon sens pour votre style de musique ?

Tu es bien placé pour te rappeler des premières dates que j'organisais avec l'asso ARACHNOROCK au tout début. Le nombre de galères vécues et d'heures perdues pour avoir 20 personnes... Je pense que le contraste avec aujourd'hui est plutôt flagrant. Il y a encore 8 ans, quand tu parlais d'organiser un concert Stoner / Doom / Rock Psyché, on te regardait comme un sorti d'asile. Aujourd'hui le style commence à avoir un vrai public fidèle et l'affluence des STONED GATHERINGS est un bon indicateur. C'est aussi d'ailleurs grâce à cette évolution du public que les SG peuvent se permettre d'amener de plus gros groupes. Au passage je tiens une fois de plus à saluer Nico pour le super boulot !

Un peu d'histoire : les origines des Stoned Gathering, les soirées de référence en matière de stoner à Paris, par le site Pelecanus.net

Venons-en à ce deuxième album. Il est globalement beaucoup plus sombre que son prédécesseur, même si celui-ci contenait déjà quelques titres dans cette veine. Vous étiez en mode super dépressif au moment de vous mettre à la compo ?

Hé hé, non pas vraiment. Comme tu le dis très justement, le premier album contenait déjà des morceaux dans cette veine et il se trouve que ce sont nos préférés. Avec ce nouvel opus, on voulait vraiment être un peu plus concis et resserrer le spectre sur ce que l'on aimait vraiment, du coup ça donne effectivement cette sorte de mélasse sombre.

Il y a des influences Métal assez nettes sur cet album. Tu peux nous en parler ?

On a tous des influences assez diverses et variées, mais on vient aussi tous du metal. Sur cet album on est un peu plus décomplexé dans notre rapport à nos influences, il est vrai. On a tous les quatre pas mal rayé les disques de PARADISE LOST, MY DYING BRIDE, TYPE O NEGATIVE, CELTIC FROST, mais aussi de groupes parfois plus Black Metal… Alors certes, on a pas été jusqu'à coller des blast beat, mais je pense qu'on peut parfois retrouver certains éléments un peu plus « métal » que sur le premier album.

Dans un tout autre registre, on trouve un saxophone sur « Omens Pt 2 ». Ca vient d’où cette idée, une réminiscence de l’album Sonny Simmons and Moksha Samnyasin auquel tu as participé ?

Si je me souviens bien l'idée de base venait de Ben (batterie). Il entendait un sax et on était tous plutôt ok avec l'idée. J'ai voulu du coup proposer à Sonny Simmons de l'enregistrer mais c'etait un peu compliqué avec son emploi du temps. On a du coup fait appel à Vincent Dupuy, un ami de Ben qui s'en est sorti comme un chef.

Question un peu débile, mais tant qu’on y est : avoir participé à cet album a-t-il influencé en quoi que ce soit ton travail sur l’album d’Abrahma ?

On va dire que ca m'a un peu décomplexé avec mon côté psyché, oui. Quand t'as fait un album comme « Nomadic », on va dire que t'as un peu moins peur d'être trop psyché dans Abrahma.


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Vous ne vous en êtes peut-être pas rendus compte, mais vous prenez un certain risque, tant ce disque se démarque de son prédécesseur. Vous affirmez une identité plus forte, mais l’album est aussi plus difficile d’accès je pense. C’est quelque chose de secondaire, ou vous n’y avez même pas pensé ?

Avec cet album, on voulait vraiment trouver notre style. Affirmer ce que l'on commençait à construire avec T.D.P.O.O.L et donc effectivement prendre le risque d'être différent. Je ne pense pas que l'album soit si différent du premier, c'est une évolution logique pour ma part, même si on y a peut-être été un peu fort... Mais bon mieux vaut ça qu'un deuxième album intermédiaire. Au moins cette fois on s'est trouvé, c'est fait. On est prêt pour la suite.

Le son est hyper touffu, massif voire limite étouffant. C’est venu comment et quand un son aussi lourd et heavy ?

Assez naturellement en fait. On enregistre le plus gros des instrus en live avec les mêmes amplis que ceux que l'on utilise sur scène. Ça donne un truc assez organique qui nous plait plutôt pas mal.

Vous avez enregistré au studio de votre batteur, mais ton complice au sein de Moksha Samnyasin Thomas Bellier, leader de Blaak Heat Shuuja, a co-produit l’album. Concrètement, quel a été son apport ?

Quand tu bosses sur un album tu es parfois tellement dans ton truc que tu n'arrives plus à dissocier le bon du mauvais. On était tous un peu stressés et on savait plus trop si on prenait les bonnes décisions, on a donc demandé un avis extérieur qui pourrait nous guider un peu plus dans nos choix. Thomas était la bonne personne puisque c'est tout d'abord un ami, mais aussi quelqu'un avec qui on partage pas mal de sensibilités musicales. Son aide a parfois été précieuse pour départager le pour et le contre sur certains morceaux.

Le mixage et le mastering ont été réalisés aux USA. On entend souvent que des groupes font ça, voire parfois vont carrément enregistrer là-bas (je pense à Lafayette par exemple), ce qui doit coûter bonbon. Tu trouves qu’il y a vraiment une différence de savoir-faire ? Pas mal d’artistes se moquent des groupes qui font ça, en disant que c’est vraiment jeter du fric par les fenêtres…

Dans notre cas c'est assez différent car on prend tout simplement l'équipe du label. Small Stone Records a l'habitude d'utiliser les même studios pour ses réas, et le label étant ricain, forcément on travaille avec des studios de la même nationalité. Pour le reste je ne pourrais pas trop te dire, je pense qu'un bon ingé son est un bon ingé son, qu'il soit d'ici ou d'ailleurs.

Une fois de plus, Ed Mundell (Ex Monster Magnet, ex Atomic Bitchwax, The Ultra Electric Mega Galactic) vient taper le solo sur un titre. Comment es-tu entré en contact avec lui, et a-t-il accepté facilement de jouer sur vos albums ?

Depuis sa participation au premier album, on est resté en contact, il avait vraiment envie de participer au second opus et je trouvais que « A Shepherd's Grief » était vraiment taillé pour lui. On a donc fonctionné comme pour le premier album, il a fait ses parties de L.A et nous a renvoyé ça. C'est plutôt cool de voir Ed investi dans le projet, je pense qu'on n’a pas fini de collaborer.


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Forcément, la pochette accroche l’œil, elle est vraiment très réussie. Le visuel de l’album Sonny Simmons… était également super réussi. Tu es toi-même graphiste, comment ça se passe à ce niveau-là, toi et les membres du groupe soumettez des consignes précises ou c’est un échange ?

Je pense que pour un artiste, on est le client rêvé ! En gros, j'ai découvert le travail de Jàlon (qui a fait l'artwork), quand on a fait notre premier concert à Barcelone. Il s'était occupé du visuel de la soirée et j'avais pas mal accroché à tout ce que j'avais vu sur son site. J'ai montré son boulot aux autres membres du groupe et tout le monde était assez d'accord sur le fait qu'il était l'homme de la situation pour la pochette de ce nouvel opus. On cherchait vraiment un artwork qui change un peu de ce qui se fait actuellement dans le style. On voulait au contraire de la couleur et bien entendu du psyché ! L'influence Dali de Jàlon venait à pic. On l'a donc contacté, on lui a envoyé les démos et laissé carte blanche. Étant moi même dans le métier, j'aime bien laisser à l'artiste la liberté de faire ce qu'il a en tête dans un premier temps. Et on n’a pas été déçu !

Votre label, Small Stone Records, a subi des inondations assez vénères cet hiver. S’en sont-ils bien remis et en quoi cela a-t-il impacté vos plans ?

Quand SSR a pris l'eau on venait tout juste de finir l'enregistrement de l'album. Les inondations ont fait perdre au label énormément d'argent. On a donc essayé de l'aider au max en lançant une vente aux enchères via le STONER TUBE (ndlr : chaîne youtube dédiée au stoner fondée par Seb), mais aussi des appels aux dons grâce à JJ Kozcan de The Obelisk. J'ai ensuite pris un boulot en plus de nuit pour payer le mix, afin de ne pas mettre le label plus dans le rouge. On a du coup pu avancer, même si l'album sort au final quasi un an après son enregistrement. Mais c'est pas une mauvaise chose, au contraire, on a pu bien préparer sa sortie. SSR est toujours en train d'essayer de se remettre de ces inondations et le phoenix renaît peu à peu de ses cendres. On a lancé un nouveau site cette année avec un shop entièrement à jour, alors si vous vous voulez aider un excellent label, tout en vous faisant plaisir, n'hésitez pas à faire un tour sur www.smallstone.com Ce label est historique et l'un des tous premier du genre. Scott, son patron, est aussi l'un des mecs les plus honnêtes, passionnés et réglos de ce business, il mérite vraiment l'aide de tous.

Votre label est assez réputé dans votre milieu musical, mais ça reste une petite structure qui fait au mieux avec ses moyens. Pour tout groupe, tourner est impératif. Est-ce qu’ils vous proposent une vraie aide, ou vous devez gérer l’organisation des tournées vous-mêmes ? Et quels sont vos projets pour les mois à venir ?

SSR n'est vraiment qu'un label à proprement dit, pas un tourneur. Je booke seul les dates du groupe jusqu'à présent, mais j'avoue que j'aimerais bien bosser avec un booker dans un avenir proche. On va d'ailleurs repartir sur les routes en septembre pour la promo de l'album...

Pour finir, j’ai vu que tu avais rejoint les Rescue Rangers, dont l’effectif a été pas mal chamboulé. Que s’est-il passé et, du fait de la distance qui vous sépare et que tu risques d’être bien pris par Abrahma, comment ça va se passer ?

J'ai effectivement rejoint RESCUE RANGERS pour une tournée et l'enregistrement de l'album, mais j'ai malheureusement dû arrêter ma collaboration avec le groupe en raison de problèmes d'emploi du temps justement. En tout cas je ne peux que vous conseiller de rester à l'affût de leur actualité, car l'album à venir est une tuerie !

Merci à toi et bonne route !
 


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