Aviv Geffen, co-fondateur de Blackfield

Welcome to My DNA, troisième album studio du projet Blackfield sortira le 28 mars prochain chez Kscope. Créé par le britannique Steven Wilson (Porcupine Tree) et l'israélien Aviv Geffen, ce duo mélangeant pop, rock et progressif n'en est donc pas à son coup d'essai. C'est le dernier nommé et compositeur principal du groupe que nous avons retrouvé dans un hôtel parisien mercredi dernier pour une entrevue entre intimité, mélancolie et détente.

Ju de Melon : Bonjour Aviv et bienvenue à Paris. Première question traditionnelle que je pose aux artistes qui viennent en France, quel est ton lien et ta relation personnelle avec notre pays ?

Aviv Geffen : Merci pour la bienvenue ! En ce moment, beaucoup de promo à travers l'Europe, mais ça fait du bien de se retouver ici. A Paris, j'ai un très ami chanteur : le français Raphaël qui a pas mal de succès chez vous je crois. Je connais bien un créateur de mode du nom d'Albert Elbaz aussi. Et bien sûr, il y a mon album solo Im Hazman (Avec le temps) sorti en 2006 et en partie consacré au grand Léo Ferré avec une reprise de sa chanson en hébreu... Il s'est classé parmi les plus grands succès en Israël pendant près de deux mois. Pas mal de liens avec la France et Paris donc au final... sans oublier Jim Morrison, enterré ici au Père Lachaise (rires) !

Aviv Geffen Paris 2011

Ju de Melon : Le 3ème album de Blackfield sort donc en mars. Tout le monde s'attendait à un Blackfield III mais non, celui-ci s'intitule Welcome to My DNA... Pourquoi donc ce choix ?

Aviv Geffen : Pour vous surprendre (rires) ! Non, sérieusement, une fois l'album terminé on s'est rendu compte que c'était un peu le The Dark Side of the Moon (NDLR : un album de Pink Floyd) de Blackfield. C'est un album concept, un album qui raconte une histoire avec ses chansons. En un sens, avec cet opus, j'ai ramené Steven Wilson à ses premières années, à l'époque du Signify de Porcupine Tree... Un opus où chaque chanson a son importance, comme ici, et qui ne se concentre pas sur la "technique" proprement dit. Ce Welcome to My DNA est vraiment un album profond pour Steven et moi, où nous exposons les moments difficiles que nous avons vécus dans nos vies.

Ju de Melon : Un titre qui mélange science et philosophie on dirait...

Aviv Geffen : Il existe un débat comme quoi tout ce que nous ressentons, ce que nous vivons, dépend de notre code génétique. D'autres croient que cela évolue avec le temps, l'adolescence ou la vie adulte. Je pense personnellement que tout est inscrit dans nos gènes, tout est déterminé dès le jour de notre naissance. Je pense qu'à la base nous sommes tous des gens seuls et tristes, ou du moins conçus en tant que tel. Tout le monde ne ressent pas cela et certains n'entrent pas dans cette catégorie... Mais cet album est fait pour les gens comme Steven et moi, qui se sentent mélancoliques et solitaires par nature. Cela se ressent dans notre musique, sinon on ferait des chansons à la Britney Spears (rires)... Je pense que cet album parlera à beaucoup de gens qui ressentent les choses comme nous.

Ju de Melon : Ce nouvel opus a pris du temps à être réalisé, Steven et toi étant occupés par d'autres projets... Pour faire simple, comment s'est passé le processus d'écriture de ce 3ème brûlot ?

Aviv Geffen : Déjà 90% des chansons ont été écrites par mes soins, ce qui est plus que par le passé en ce qui concerne Blackfield. Je pense que cet album est le premier d'une nouvelle ère, on peut désormais considérer Blackfield comme un groupe "side-project" à part entière. Tout ceci est aussi poussé par le fait que nous ayons de plus en plus de fans, Blackfield a obtenu une popularité impressionnante ces dernières années et nous nous devons donc de lui consacrer une plus grande place dans notre carrière. Steven et moi avons donc décidé d'en faire un projet à temps complet, nous allons par exemple y consacrer toute notre année 2011 et mettre nos autres groupes entre parenthèses en attendant.

Ju de Melon : Un album qui semble axé un peu plus "pop" si je peux m'exprimer ainsi... Est-ce un choix délibéré lié à une certaine introspection artistique ?

Aviv Geffen : "Pop" c'est un mot qui me plait bien, rien de péjoratif dans ce terme. Je pense que sur cet album on peut clairement entendre et comprendre ce qu'est et qui est Aviv Geffen, ce qui était important à la fois pour Steven et moi d'ailleurs. Sur le précédent album, nous n'avions pas oser par exemple mettre plein d'instruments à corde, or ici nous nous sommes en quelque sorte lâché avec pas mal d'orchestrations - nous avons demandé à un orchestre de 42 cordes de venir enregistrer en studio, des français d'ailleurs. Dans le seul but de rendre le résultat final épique. Ainsi cet album est à la fois intensément mélodique mais également pop rock, sans consession.

Ju de Melon : Parmi les thèmes abordés dans les paroles, lesquels te touchent plus particulièrement ?

Aviv Geffen : "DNA", le dernier morceau du CD, raconte ma vie en détails. "On the Plane", une chanson qui parle de mon enfance où j'attendais toujours mon père, toujours un peu partout mais jamais à mes côtés... "Blood" parle de toutes ces tragédies sanglantes qui minent Israël, mon pays. Quant à "Go to Hell", elle parle de mes parents... de la façon dont ils m'ont traité quand j'étais jeune, période où j'étais complètement perdu. Pour leur rendre hommage, je trouve que les paroles "Fuck you all" sont bien choisies... (rires)

Ju de Melon : Pas étonnant que j'ai été interpelé par le titre "On the Plane" donc, j'avais bien senti le thème de l'absence d'un père ou quelque chose du genre...

Aviv Geffen : Beaucoup de gens se reconnaîtront dans cette chanson je pense.

Aviv Geffen Paris 2011

Ju de Melon : Pourquoi ce choix de proposer "Glass House" et "Waving" en avant-goût pour les fans ?

Aviv Geffen : C'est plus un choix du label que du mien, pour tout te dire. Difficile de choisir vu qu'il s'agit d'un album où chaque chanson a son importance, un peu comme chaque chapitre d'un livre...

Ju de Melon : Parlons un peu de "Blood", très agressive et avec quelques touches un peu folkisantes. Quasi metal je dirais même...

Aviv Geffen : On peut le dire oui, c'est un titre metal. Pour ce morceau, j'ai en effet introduit du folk local avec par exemple un joueur de oud, sorte de guitare arabe. Et en discutant avec Steven Wilson, j'ai eu l'idée de mixer ces éléments "moyen-orient" avec une tonalité metal. Ca marche bien je trouve...

Ju de Melon : Un peu à la manière d'un groupe comme Orphaned Land, également originaire d'Israël...

Aviv Geffen : Mais nous sommes meilleurs ! (rires)

Ju de Melon : (rires) ... du coup pas la peine de te demander s'il y a quelques guests de ce groupe sur cette chanson... (rires)

Aviv Geffen : Non, aucun d'entre eux n'a participé à l'album.

Ju de Melon : La question qui tue, quel est ton titre préféré ou celui dont tu es le plus fier sur cet album et pourquoi ?

Aviv Geffen : Pour être honnête, quand j'écoute une chanson comme "On the Plane", je suis à chaque fois sur le point de pleurer. C'est vraiment l'histoire de quelqu'un qui a ressenti l'absence de son père toute sa vie. "The Rising of the Tide" est également une de mes préférées, je ne saurais dire pourquoi...

Ju de Melon : Très liée à ta vie également... où la notion de "carpe diem" semble être abordée.

Aviv Geffen : Oui, mais de manière un peu cynique à vrai dire, cette idée un peu clichée de "profite de chaque jour comme si c'était le dernier" me fait doucement sourire... Bref, c'est plus centré sur ce que je ressens, comme tous les autres titres à vrai dire.

Ju de Melon : Au niveau des live, quels sont les projets futurs ?

Aviv Geffen : On va passer un mois en Europe dont une date en France au Trianon le vendredi 29 avril prochain. Ensuite on passera un mois aux Etats-Unis et dans des pays comme le Canada ou le Mexique. Ca s'annonce sympa. Pour l'Asie, rien n'est concret, on a eu des offres mais on attend d'en savoir plus sur les conditions...

Ju de Melon : Quelques mots sur la pochette de l'album, qui représentait presque une sorte de Dieu observant le monde depuis le ciel...

Aviv Geffen : C'était notre idée, disons que cela représente un peu "l'évasion" et la transcendance. Car on espère que chaque personne qui écoutera l'album pourra en quelque sorte s'échapper de son corps et s'envoler pour observer le monde d'une meilleure perspective... Cette pochette représente une maison en verre froide et solitaire ("a lonely and cold glass house") ! Et non, ce n'est pas moi qui suis sur la pochette de dos... (rires)

Ju de Melon : Est-ce que ta relation avec Steven Wilson s'étend-elle au-delà de la création musicale désormais ?

Aviv Geffen : C'est mon meilleur ami. Nous adorons faire beaucoup de choses ensemble et surtout parler. Une véritable amitié sincère.

Ju de Melon : Prévois-tu d'autres guests un jour dans ses projets comme Porcupine Tree par exemple ?

Aviv Geffen : Peut-être, c'est très possible. J'ai déjà fait une apparition sur l'album In Absentia donc pourquoi pas ! Mais l'idée est avant tout d'écrire de plus en plus de chansons pour Blackfield... et ce Welcome to My DNA, c'est un peu comme Stupify et A Stupid Dream de Porcupine Tree : le meilleur de Steven Wilson selon moi.

Ju de Melon : Et parlons rapidement des autres membres de Blackfield...

Aviv Geffen : Plus des musiciens que des membres, Blackfield c'est uniquement Steven et moi à la base. Mais il est vrai qu'en live nous gardons les mêmes musiciens, de très bons amis à moi.

Ju de Melon : Au-delà de cet album, qu'as-tu prévu musicalement ?

Aviv Geffen : Peut-être que je vais faire un EP avec Mike Portnoy, l'ancien batteur de Dream Theater...

Ju de Melon : Ah bon ?

Aviv Geffen : Non, c'est une blague (rires) !

Ju de Melon : (rires) Pauvre Mike Portnoy, viré de deux groupes en moins d'un an... Je crois qu'il va faire un projet avec Russell Allen cependant donc tout va mieux pour lui...

Aviv Geffen : Peut-être... Plus sérieusement, je voudrais faire un truc avec Jordan Rudess, le claviériste de Dream Theater. C'est un ami donc c'est très jouable, à voir...

Aviv Geffen Paris 2011

Ju de Melon : Tu as indirectement parlé de Pink Floyd au début de cette entrevue, une des plus grandes influences musicales sur cet album j'imagine... Penses-tu que Blackfield pourrait devenir le Pink Floyd nouvelle génération un jour ?

Aviv Geffen : En un sens tu as raison mais cet album est un vrai mélange entre Radiohead, Pink Floyd, The Beach Boys ou encore Yeallow. Ce qui est intéressant avec Blackfield c'est qu'il est difficile de nous classer dans un genre précis... ce n'est ni du metal, ni du prog, ni du rock indé, je pense que nous avons créé une sorte de nouvelle langue musicale. Du fait de la combination entre le chant de Steven et le mien par exemple, il y a quelque chose de très alchimique et très puissant à ce niveau. C'est ainsi que la magie Blackfield s'opère je pense.

Ju de Melon : On pourrait même aller plus loin en disant que vous jouez une musique que The Beatles auraient pu jouer s'ils étaient encore ensemble ou en vie aujourd'hui...

Aviv Geffen : Oh, merci, je prends ça comme un compliment.

Ju de Melon : J'aurais tendance à décrire la musique de Blackfield comme étant du progressive emotional pop, mais bon... Comme beaucoup, je crois qu'il vaut mieux essayer de ne plus chercher... (rires)

Aviv Geffen : Ta description est interessante cependant, mais oui ça ne sert plus à rien de chercher ! (rires)

Ju de Melon : Et donc tu as déjà répondu à cette question mais nous sommes certains d'avoir un 4ème Blackfield à l'avenir, tu dois avoir sûrement des idées déjà...

Aviv Geffen : Ca oui, mais trop tôt pour en parler concrètement encore.

Ju de Melon : Question plus politque car je suis certain que tu as suivi cela de près... Qu'as-tu pensé des révolutions démocratiques qui ont eu lieu récemment en Tunisie et en Egypte ?

Aviv Geffen : Cela montre qu'il est temps que les jeunes se responsabilisent et agissent. Pour la première fois dans l'histoire, ils ont réussi via leur propre moyen de communication (Facebook, Twitter) à faire entendre leur voix, sans passer par le gouvernement de leur pays qui ne leur laissait que peu ou pas du tout la parole. Pour moi, c'est extraordinaire ce qui s'est passé, une vraie révolution historique. Nous avons été les témoins d'un évènement sans précédent. Ils ont eux-même choisi de vivre en démocratie et leur voeu est sur le point d'être exhaucé. Et ça c'est une très bonne chose...

Ju de Melon : Pas mal d'autres pays vont sûrement suivre le même exemple, nous assistons peut-être à une nouvelle ère historique... Et des pays même européens pourraient être concernés, qui sait ?

Aviv Geffen : C'est très possible, et c'est tant mieux je pense.

Ju de Melon : Niveau son, qu'écoutes-tu le plus en ce moment ? Par exemple quelques découvertes intéressantes...

Aviv Geffen : J'adore Radiohead, vraiment. Des groupes comme Pink Floyd, King Crimson et Genesis sont également cultes pour moi. Par contre récemment, j'ai beau réfléchir, j'ai du mal à trouver...

Ju de Melon : Le dernier Anathema peut-être sur lequel Steven Wilson a travaillé ?

Aviv Geffen : Non, pas vraiment.

Ju de Melon : Parlons de Radiohead justement, le nouvel album arrive déjà...

Aviv Geffen : Je connais certains d'entre eux personnellement. Pour moi, Thom Yorke est un pur génie, tout simplement. C'est probablement le plus grand génie musical actif de nos jours. A chaque sortie de Radiohead, que ce soit bien ou pas selon les goûts de chacun, je pense que chaque musicien et artiste peut beaucoup apprendre.

Ju de Melon : Aimerais-tu travailler avec Thom Yorke un jour sur un projet ou une chanson ?

Aviv Geffen : Oui, beaucoup, ça fait partie de nos projets d'ailleurs.

Ju de Melon : Tu as fait pas mal de concerts en France, quel est ton relationnel avec le public français ?

Aviv Geffen : La France est pour moi un pays très important où j'ai toujours connu un certain succès. J'ai vraiment hâte de rejouer ici en avril. Le public sera je le sais nombreux et passionné. J'adore les français pour leurs goûts et le fait qu'ils soient plus passionnés que les anglo-saxons par exemple, ils expriment mieux leurs sentiments je trouve. J'aime vraiment ça.

Aviv Geffen Paris 2011

Ju de Melon : On a parlé de Raphaël, indirectement de Léo Ferré, mais y a-t-il d'autres artistes ou groupes français dont tu te sens plus ou moins proche ?

Aviv Geffen : Quand j'étais jeune, je suis venu ici et j'ai acheté un disque de Viktor Lazlo. Je suis désolé mais je possède un de ses albums (rires). Patrick Bruel est très ennuyeux, franchement...

Ju de Melon : Il est plus concentré sur le poker désormais...

Aviv Geffen : Je sais, mais je trouve sa musique chiante (rires). Bon, je plaisante un peu (rires) mais c'est pas mon style quoi. Raphaël fait de bonnes choses aussi, Léo Ferré évidemment... Je citerais aussi Jacques Brel, il est belge mais francophone donc ça compte un peu.

Ju de Melon : Serge Gainsbourg peut-être ?

Aviv Geffen : Tu ne crois pas si bien dire car sur Welcome to My DNA certains strings/instruments à corde sont très inspirés par les travaux de Serge Gainsbourg, notamment l'album Histoire de Melody Nelson qui m'a beaucoup marqué dans ma vie...

Ju de Melon : Difficile de trouver de bons groupes ou artistes français actuels... Peut-être Air, je pense que tu connais...

Aviv Geffen : Oui, je connais bien. Il y a Daft Punk aussi, leur bande son de Tron: Legacy sorti récemment est pas mal du tout.

Ju de Melon : Tiens, puisqu'on parle de cinéma et qu'il nous reste un peu de temps, quelques films qui t'ont marqué à vie ?

Aviv Geffen : L'un de mes films préférés est très certainement Forrest Gump. Il raconte parfaitement l'histoire américaine : "If you're idiot, you can win". C'est très vrai quand on y pense...

Ju de Melon : (rires) Pas faux ! Et dis-moi, tu parles un peu français sinon ?

Aviv Geffen : "Je m'appelle Aviv", c'est un peu tout ce que je sais dire. Steven essaye de parler un peu français aussi mais ce n'est pas une langue facile à maîtriser.

Ju de Melon : En tout cas merci beaucoup pour cette entrevue. Un dernier mot pour les fans français ?

Aviv Geffen : Vivement fin avril qu'on vous voit à notre concert parisien et j'espère que d'ici là vous serez pénétrés musicalement par le nouveau Blackfield.

Ju & Aviv Geffen

Voici un entretien qui restera très certainement un souvenir inoubliable pour l'amie Nastia (et ses belles photos) et moi-même. Ce nouvel opus de Blackfield risque en effet de tenir toutes ses promesses et d'en faire fondre, rêver ou pleurer plus d'un. Rendez-vous fin mars pour sa sortie et fin avril pour le concert sur Paris, en attendant encore mieux à l'avenir...

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