Sam et Frah de Shaka Ponk : La véritable histoire du groupe

 

LA VÉRITABLE HISTOIRE DE SHAKA PONK
Interview de Sam et Frah par Edgecrusher
Paris - Juillet 2011

    Il y a parfois des légendes qui courent sur certains groupes qui finissent par devenir des versions officielles de leurs biographies, quand bien même cette version est éloignée voire n’a aucun lien avec les événements réels. Shaka Ponk, repéré en Allemagne ? Certes, mais les détails de l’histoire sont plus amusants que cette version édulcorée plus proche du conte de fées que de l’engagement sans failles des membres du combo (et du collectif artistique dont il est issu) pour mêler leurs passions pour la musique et l’image, en une forme artistique qui a mis du temps à prendre forme. Depuis, le groupe s’est taillé une grosse réputation sur scène et est parvenu à transformer l’essai que constituait la mise en avant dans les médias traditionnels de son single « How we kill Stars », extrait de Bad Porn Movie Trax (2009). Leur troisième album, The Geeks and the Jerkin’s Socks, sorti en juin dernier, enfonce le clou et confirme l’engouement pour leur fusion débridée, qui devrait connaître la consécration en tête d’affiche au Zénith de Paris le 25 novembre prochain. Le succès, un album moins rock et plus dansant après être passé chez Nagui et aux Victoires de la musique, pourtant tout n’a pas été si simple pour Frah et Samaha Sam (chant) avec qui j’ai eu l’occasion de revenir longuement sur leur parcours, les embûches rencontrées, le succès, la façon dont ils vivent l’évolution du métier et bien d’autres choses, ce afin de mieux cerner la bête et ne pas céder sans raison à la critique facile et déplacée. Jugeons sur pièces ce groupe découvert et diffusé pour la première fois en 2006 sur La Grosse Radio, et ce bien avant les autres médias :

Alors on va revenir un peu sur vos débuts, donc à peu près 2004 je crois, (à Sam) du coup toi t’étais pas encore là, pas de bol tu vas pas pouvoir parler (rires)

Frah : Oh, elle a quand même suivi l’affaire !

Sam : j’étais pas là sur scène en tous cas.

Mais tu les connaissais déjà ?

Oui oui, je travaillais déjà avec eux, je leur prêtais ma voix, qu’ils utilisaient plus ou moins en tant que sample, ou pas... (rires)

Frah : Surtout pas, vu qu’elle voulait pas venir sur scène.

Ah ouais, c’est toi qui voulais pas ?

Sam : Non, je voulais pas. Ca me faisait peur en fait, j’adorais délirer avec eux, faire de la musique, de l’image et tout ça, mais monter sur scène, je sais pas, ça me faisait peur. J’ai pas d’explications. J’en avais quand même envie, mais je le sentais pas.

Frah : Ben ouais, en plus ça avait plutôt bien avancé sans elle, donc à chaque fois qu’on lui demandait de prendre le train en marche, bon allez cette fois tu viens, elle disait "non, ça n’a aucun sens". En plus c’est une nana, et elle nous disait "vous avez un public plutôt (rires) masculin", mais bon, on a réussi.

Et alors au début vous étiez 5 ou 6 ?

Ah au début on était beaucoup beaucoup, mais alors y’a eu concrètement sur place en Allemagne, en gros ceux qui payaient le loyer (rires) c’était basse/guitare, CC, moi, Mathias et Bob, Steve était déjà là mais il passait, il était en France, Ion avait fait des stages de roadies pour Bobe, mais tout le monde avait ses machins, Sam pareil, on bossait beaucoup par email, et puis il y avait des potes qui nous aidaient sur les vidéos, qui nous apprenaient comment ça marchait, donc il y avait une espèce de noyau à Berlin orienté “on trouve une maison de disques”, enfin on trouve un partenaire qui nous fasse décoller, les 4 dont je t’ai parlé, et puis des gens autour, une espèce de collectif surtout basé en France avec qui on bossait pour aller vers je sais pas quoi...


ShakaPonk 2004

Shaka Ponk en 2004


Avec donc des potes qui filaient un coup de patte à droite à gauche ?

Ouais alors, musicalement c’était surtout de la création, des mecs qui nous envoyaient des riffs, ou alors on disait à un gars tu veux pas recorder (enregistrer) ? Je sais que t’es en studio, je t’envoie un truc en maquette, tu enregistres la batterie et tu me l’envoies, des trucs comme ça. Par contre au niveau de l’image, on avait beaucoup d’aide sur le fonctionnement de logiciels, de caméras ou d’after effect, Photoshop, mes potes qui étaient dans des boîtes à bosser sur des trucs, et moi qui leur disais « putain c’est quoi ce machin », de la 3D, formation Maya, on faisait vraiment des trucs entre nous, c’était vraiment ça, plus que des mecs qui faisaient de l’image avec nous, et on a appelé ça un collectif parce qu’il y avait toujours des gars qui passaient 3 jours au téléphone à nous expliquer, qui nous aidaient, mais pas en création. Et y avait 4 personnes en Allemagne qui savaient pas trop ce qu’elles faisaient, je me rappelle Sam qui nous disait « mais concrètement vous faites quoi, vous voulez faire quoi ? », on a mis vachement de temps à savoir. Et ça s’est pas mal orienté Zik’…


Parce qu’au début c’était pas vraiment orienté zik’ ?

Ben si un peu, à Paris on avait fait 2-3 concerts genre groupe de rock sans images, mais on savait tellement pas comment faire pour lier les 2, on avait joué à la scène, des morceaux dont je ne me souviens même plus, qui ne doivent exister nulle part, sous le nom Shaka Ponk sans écrans sans rien, et quand on faisait des petites soirées dans notre squat’ à Paris, enfin notre appart’, c’était à base de vidéos, de percus, d’amplis de grattes, et puis y a le singe qui se mettait à parler, c’était n’importe quoi. Et ça a commencé à se concrétiser un peu à Berlin, parce qu’il a fallu qu’on ait un truc un peu format quand même, notamment pour gagner du blé. Pour aller jouer dans des clubs, même si ça restait hyper ouvert aux délires, dès que tu voulais toucher de la thune, il fallait que ce soit de la musique, pas juste une démonstration de rien du tout.

Que ça rentre un peu dans une case, qu’on sache à quoi on a à faire…

Voilà, que ce soit concret. Donc du coup on a commencé à se concentrer, à faire venir l’écran, à trouver des systèmes pour que ce soit synchro, et puis voilà à un moment on en est arrivé à un groupe de rock qui joue sur des images synchronisées, plus ou moins.
 

Shaka Ponk - Hell'O ("Loco Con da Frenchy Talkin", 2006)

En gros c’était partir à Berlin pour trouver des partenaires, même si vous ne saviez pas vraiment quoi proposer ?

Voilà. Alors on avait plein de fantasmes hein…

Sam : On savait quand même que ce serait de l’image et de la musique. Donc voilà on avait cette base, avec l’envie de lier les 2.

Frah : On était plus dans un trip Daft Punk ou Gorillaz que groupe de rock comme ça l’est maintenant. On pensait pas que ça allait donner ça du tout, enfin c’était pas le but en tous cas. Après y'a eu la signature concrète là-bas sur un gros label qui nous a un peu fait tourner la tête, parce qu’on était tellement dans la merde au bout d’un moment, après trois ans, quand t’as une grosse maison de disques qui s’intéresse, on s’est dit ça y est, on est sauvés. Tu te précipites sur la signature, sans avoir un manager, avec un pote et demi qui regarde le contrat qui fait « bah euh, ouais, c’est bien », surtout que c’était un gros label, avec des gros artistes, et ils ont enfoncé le clou, parce que là ils nous ont mis sur des tournées de groupes de rock pur ! Donc il a fallu qu’on se mette un peu au diapason, on allait pas sortir de notre cave, tiens y a des images, et puis l’autre s’arrête de jouer, ça change d’images, et y a un peu de zik qui passe, t’es en playback ou quoi ?

Sam : C’est de l’Art contemporain !

Frah : Donc ils nous ont fait vachement bosser, ça par contre c’était super.

Ouais donc ils vous ont pris c’était « bon maintenant fini la branlette », enfin entre guillemets

Si si c’était ça. Ils se sont dit « bon c’est un peu spé ce qu’ils font, mais il faut quand même assurer le côté scène ». Et franchement ils nous ont mis avec des trucs…

Ouais je suis allé voir, c’était même plutôt métal !

Ah ouais, mais c’était leur truc ça, parce que le public est très difficile, en plus ils veulent pas nous voir, ils veulent voir ceux d’après, et donc c'est "les gars va falloir que vous vous en sortiez".

(A sam) je comprends pourquoi tu voulais pas venir sur scène (rires)

Ah mais je lui ai raconté des milliers de fois, quand j’avais vu Wayne’s World, tu sais quand ils entraînent les roadies en leur jetant des balles de tennis, ben c’était ça, ils nous coupaient les retours, et ils disaient « allez maintenant vous répétez vous n’avez aucun son, parce qu’il faut que vous sachiez que si ça arrive, le concert doit être nickel ! ». Et là c’est galère, parce que tu bosses avec un confort minimum, et là t’as plus rien, t’es dans la merde, comme conduire à l’aveuglette, et il fallait pas que ça se ressente, donc ou jouait, ils éteignaient, on entendait chhhhhhh, que les cymbales, et ils étaient là c’est bien, apprenez à répéter comme ça, et grâce à eux, à leur discipline, parce qu’ils ne jurent que par ça, ça nous a permis d’avoir un truc qui tient sur scène indépendamment des pépins éventuels.
 

Shaka Ponk Elysée Montmartre

Shaka Ponk sur la scène de l'Elysée Montmartre en 2009

Avant d’être signés, je suppose que vous aviez déjà fait des concerts en Allemagne, une signature ça n’arrive pas du jour au lendemain ?

Ah non, ç’a été très long, enfin ça nous a paru très long. Y'a des groupes pour qui ça dure plus longtemps, mais surtout c’était latent, c’est ça qui était le pire. C’est à dire que t’as des mecs qui viennent te voir, qui sont très puissants, et qui disent ouais, j’aime bien, allez continuez (rires). Et en l’occurrence, le paradoxe, c’est que ç’a été la pire connerie de notre histoire de signer avec eux. En plus on est arrivé pile poil au moment où le disque se pétait la gueule. Ils venaient nous voir et nous disaient, « tu vois ce Noël, c’est le dernier Noël où on vend des disques », bon c’est pas vrai, mais à l’époque ils faisaient les dernières pubs de disques physiques. Maintenant c’est mort. Et du coup on a signé à ce moment-là, ils étaient en méga stress, on était le plus minuscule groupe du label et Edel je sais pas si t’es allé voir, mais ils ont que des groupes qui vendent au moins 500 000 disques. En dessous ça n'existe pas.

Sam : Si y'a Shaka Ponk (rires).

Frah : Ah ouais alors nous, on a bien fait baisser la moyenne (rires). Et du coup on a été complètement boudés par le label, alors c’était aberrant, c’est à dire qu’ils ne faisaient rien du tout, mais quand même ils nous mettaient sur des tournées, ce qui n’est pas rien. Mais concrètement ils faisaient pas de promo, donc au bout d’un moment on leur a dit qu’on aimerait bien aller avec d’autres personnes, mais ils voulaient pas.

Vous aviez un contrat d’exclusivité donc interdit de bouger ?

Voilà. Et on a mis deux ans à en sortir, pendant deux ans on pouvait rien faire. Du coup on était un peu dégoûtés. Mais bon, ça fait partie du chemin.

Pour revenir un peu aux débuts, avant que vous soyez signés en Allemagne, vous aviez réussi à monter un petit public, avec vos propres moyens ?

Non. Franchement, y avait plus de gens qui venaient nous voir faire les cons ici (interview réalisée à Paris) que là-bas. On avait personne qui nous suivait. Par contre il commençait à se passer un truc, on faisait de l’affichage sauvage avec le singe, les murs de Berlin je sais pas si tu vois c’est assez artistique, y a pas mal de mecs qui s’expriment, et je trouvais ça joli alors nous on foutait notre singe, et tout le monde connaissait le singe. Mais personne savait qu’il y avait un groupe.Y'avait pas vraiment de groupe d’ailleurs, mais personne savait qu’il y avait de la musique derrière. Et comme on était très cons avec notre truc mystique, y avait pas de « shakaponk.com », y avait juste le singe avec marqué « La révolution commence ».

Sam : Niveau Marketing c’était pas encore ça (rires)

Frah : On était très… Et quand ça a commencé à prendre un petit peu là-bas, y avait quelques personnes sur la fin qui commençaient à connaître, il arrivait qu’on nous dise « putain vous avez piqué le singe - mais non c’est nous ! - ah bon, je savais pas que c’était de la musique », ben nous non plus ! Donc ça a pris avec le visuel en fait. Ca a pris un peu en Allemagne, mais surtout ici.

C’est marrant parce que la légende veut que vous soyez partis en Allemagne parce que ça marchait pas ici, alors qu’en fait c’est l’inverse ?

C’est l’inverse. C’est à dire que quand on est revenus ici, tous les gens qui nous boudaient ont commencé à nous dire « ouah putain, mortel, Shaka Ponk », alors que bon, ça a changé mais quand même… Du fait qu’on est partis, et qu’on est partis longtemps, il s’est passé un truc bizarre dans la tête des gens, on a bénéficié de ça, ce qui a fait qu’on s’est pas mal intéressés à notre sortie de disque, autour de cette espèce d’ « urban legend » allemande. Bon on en a vendu un petit peu là-bas, on faisait des salles de 200-300 personnes qui se remplissaient, c’était pas rien, mais c’était très petit. Et là on fait le contraire. Maintenant on ressort le truc là-bas, comme disait le mec avec qui on bossait auparavant, pour finir ce qu’on a commencé.

Mais après que le label vous ait fait tourner, vous l’avez sorti en Allemagne votre skeud ?

Sam : Ouais, dans les supermarchés (rires)

Frah : On l’a sorti presque sous forme de maquette, c’était une petite sortie, minuscule, mais bon après tout… Là où on a été cons, c’est de signer un contrat qui ne stipulait pas ce que le label devait faire. C’était l’erreur, ça dépendait de leur bon vouloir et ils voulaient pas (rires). Et ici, ça a fait son petit machin, assez pour intéresser une petite boîte qui a surfé sur la vague. Et surtout on s’est barrés de là-bas parce qu’on devenait assez étrangers ici, plus de 4 ans sans y foutre les pieds, enfin Sam si, mais nous l’arrivée à Paris, on y était retournés deux fois, la différence est surprenante. On se disait c’est plus chez nous ici. Et en Allemagne y avait un truc super redondant, c’est que déjà on n’avait pas d’espoir de sortir du contrat avec notre label, du coup on savait pas trop où aller, et surtout dès qu’on faisait des interviews, c’était des trucs de touristes.

De touristes ?

Ouais, "alors c’est comment de venir s’installer à Berlin, de venir faire de la musique quand on est français ?". 

Et la musique rien à foutre...

Et la musique rien à foutre. Enfin si, ils posaient trois questions (rires), mais voilà, t’avais un groupe de frenchy à interviewer, c’était Shaka Ponk quoi. Alors on parlait des soirées, des lieux, c’était glauque, on s’est dit qu’on était arrivés au bout d’un truc, et on était tellement largués à Paris, il fallait qu’on y retourne, ça va faire la même chose que quand on est allés à Berlin. Et donc on s’est retrouvés ici même, un peu à l’arrache, pour faire le Bad Porn (2e album) sans savoir si on allait pouvoir le sortir un jour. Et au bout de deux ans il est sorti vu qu’on est sortis du contrat.

Du coup votre nouveau label a racheté votre premier album ?

Voilà, qu’on a refait entièrement, parce qu’on avait sorti des maquettes. On a remplacé deux trois conneries pour que ça prenne un peu de corps.

Quand ça sort en France, votre label a dû, enfin je sais pas parce-qu’à cette époque je vous connaissais pas, tant que tu passes pas chez Nagui je connais pas (rires), c’est Mika de La Grosse Radio qui militait activement pour vous, mais donc le label a dû faire du bon boulot parce que ça a décollé gentiment, peut-être pas tout de suite mais …

Si, alors pour nous ç’a été un changement radical par contre. On continuait à faire des concerts, on surfait sur la vague de « oui Shaka Ponk, j’en ai entendu parler, j’aime bien allez je les prends », mais les salles étaient vides partout. Parfois y avait 100 personnes, et on était là « yeeeeeeees !!! »

Faut voir la taille de la salle aussi.

Ben oui, et ça faisait plus que 100. Et nous on était contents, on s’habituait, parfois y avait 10 personnes, on se disait c’est pas grave, c’est pour ça que Sam voulait pas venir (rires) elle avait autre chose à faire que de jouer devant 10 pelos !

Sam : Ça m’a pas super motivée (rires)

Frah : Et puis avec le morceau « Kill Star » il s’est passé un truc. Avec ce morceau du 2e album, il est passé en radio, le clip a été pas mal regardé, y'a eu Taratata, du coup les salles ont commencé à se remplir, et tout le travail s’est fait sur le live. C’est à dire qu’on a eu un peu de médias, pas beaucoup, assez pour passer à la radio, et surtout plus de monde aux concerts, de bouche à oreilles, des gens qui en ramènent d’autres, de plus en plus, et sur un an et demi de concerts ça a fait (il mime une masse qui grossit).

Le public qui grossissait

Ah ouais mais incroyable.

Sam : Mais vraiment sur la scène et le bouche à oreilles.

La radio a amorcé le truc quoi

Frah : Ouais ça a amorcé le truc, c’était pas seulement un groupe de potes, y avait un truc un peu concret, mais les festivals énormément, je me souviens quand on avait fait ce concert avec Motorhead, les Voix du Gaou (festival ayant lieu à La Seyne sur mer, au sud est de Marseille), 2 mois plus tard on jouait à Marseille, une salle de 800 places, et ils nous disaient « putain vous remplissez la salle, on la remplit jamais, et on vous connaît même pas les gars ». Et en fait c’était que des gens qui nous avaient découverts à ce festival avaient pris leur billet pour le concert d’après. Donc le moyen de promo pour faire grossir le truc c’était le live, et c’est devenu exponentiel, et après les salles étaient remplies.

 

Shaka Ponk - How We Kill Stars ("Bad Porn Movie Tracks", 2009)
 


C’est marrant ça, parce qu’encore une fois, un festival avec Motorhead on imagine des bons rockers old-school alors que vous êtes entre électro rock et hip-hop, plus électro rock par la suite, donc pas vraiment le même genre…

Ouais mais alors on se rend compte que notre public est très cosmopolite. C’est un truc de fou. On a des gamins, parfois même des très jeunes enfants, avec leurs parents bien sûr, qui sont plutôt au fond, et devant c’est le pogo,

Sam : Mais c’est super impressionnant de voir les différences…

Frah : Ouais. Le plus marquant c’est des ados avec leurs parents. Parce que quand t’es ado c’est pas souvent que tu vas à des concerts avec tes parents. Y a une scission, les parents n’aiment pas la musique, ou l’enfant ne veut pas ses parents parce que c’est la honte, ou le contraire, mais ça fait qu’effectivement… En Allemagne aussi, ils nous avaient foutu avec un groupe de country, un jeune groupe, qui commençait à super bien marcher, qui s’appelait The BossHoss, ils faisaient que des reprises de morceaux récents, Britney Spears et tout ça, en country, et ça défonçait. C’était pas de la vieille country, y a la contrebasse, un truc un peu à la Stray Cats, mais avec un son assez neuf, et surtout des supers arrangements, ils faisaient un carton monumental, et on se retrouve en première partie. Après y avait Skin de Skunk Anansie, des trucs de métal, et du coup on apprenait à s’adapter. Du coup tu te retrouves devant plein de chapeaux de cow-boys. Bon c’est pas tous des fans de country, y a le côté fun du truc, mais t’arrives dans la salle putain ils ont tous des chapeaux de cow-boy, et deux soirs après on avait fait un truc adapté avec les images, on se foutait des plumes, et on allait chercher le public. Alors on faisait pas ça avec les Mudvayne et les trucs de gros métal, là on était plutôt « ouaaaaaaaaais !!! », on leur rentrait dedans, et par chance, le son et l’image étaient très surprenants. Donc même les mecs qui s’emmerdent « bon dégage j’ai payé pour voir l’autre » ils se disaient "c’est quoi ce truc ?", y a le singe qui leur parle, nous on sautait partout, et donc forcément y en a qui aimaient pas, mais la majeure partie des gens était étonnée.

Et vous n’avez jamais fait de promo directe, de prendre le temps de faire connaissance via un forum, avec tel réseau, tel réseau, vous en avez pas eu besoin ?

Non. On était tellement la tête dans le guidon pour les concerts, et puis y’a tout l’aspect visuel qui nous prend énormément de temps, donc on faisait pas de promo, mais y avait des fans bases qui émergeaient, qui organisaient des concours via des radios, qui disaient voilà on est un fan club de Shaka, on est 300, est-ce qu’on peut organiser un concours via votre radio pour faire gagner des trucs, et on voyait que ça se faisait alors qu’on était quasiment pas en contact avec eux, alors on se disait mortel, on envoyait des e-mails de remerciements et tout, mais on est trop pris par la production de trucs, qui nous empêche tout contact avec le monde extérieur (rires), et c’est pour ça que ç’a été vachement bien de se maquer avec Tôt ou tard, enfin Guess What notre label, parce qu’on voulait surtout pas d’un Universal, d’un label classique qui nous dise « arrêtez de faire des clips, ça sert à rien, on va en faire nous, prendre un réalisateur, concentrez-vous pour faire des bons morceaux, plutôt comme ça parce que ça ‘faut pas », on entendait des trucs comme ça et on était terrifiés, parce que nous on aime ça faire de l’image.

Oui vu que comme tu disais, toute votre production sur scène, vos visuels et vidéos ça représente un taf presque, voire aussi important que la musique ?

Sam : ‘faut pas aimer dormir.

Frah : C’est pour ça que c’est bien qu’on soit nombreux, tout le monde fait tout, là y en a qui sont en train de faire des montages,

Sam : Ion par exemple, qui devait être là…

Frah : Ion qui nous a appelé « est-ce que vous pouvez gérer à deux parce qu’il faut que je finisse mon montage », on est tous les 6 à temps plein, et sur des délires persos ! C’est pas la maison de disques qui nous dit « il faut que vous fassiez ça », au contraire ils nous disent « arrêtez de faire ça, on peut faire sans », mais ils comprennent pas qu’on aime ça.

Quand tu dis des délires persos, ce sont quand même des trucs autour du crew ?

Sam : Oui autour du crew, c’est vrai que tout ça, comme la MonkeyTV (la chaîne du groupe), on a envie de le faire, c’est l’avantage avec cette maison de disques, le fait qu’ils nous laissent une totale liberté sur la création, si ça n’avait pas été le cas, je pense que ça n’aurait pas pu se faire…

Frah : On serait encore tout seuls, et peut-être encore dans la merde…

Sam : Ouais mais on serait libres (rires) !

Frah : Ouais mais comme tu disais, eux ont amené ce truc qui nous manquait, une comm’ qui se fait indépendamment de nous. C’est à dire que nous on fait nos trucs, on les fournit à ces gens, et eux se disent ok on va plutôt attaquer ce genre de médias, plutôt communiquer à tel moment, ils font un très bon travail et sans nous faire chier sur l’artistique. Ou très peu.

MonkeyTV -  Extracts
 


Et ça, toute cette production, ça fait qu’il y a des choses qui tombent autour du projet, c’est pas juste une sortie de disque tous les deux ans, vous pensez que ça vous aide à construire un lien avec le public ?

Comme disait Sam, la MonkeyTV, on faisait tellement de tournages pour rien, alors qu’on savait pas s’y prendre, bon de mieux en mieux mais ça reste quand même « bout de scotch », on tournait beaucoup de trucs, on se filmait sur scène en mettant des caméras à des endroits bizarres, et on foutait de temps en temps une vidéo en ligne, surtout on tournait beaucoup de clips, et on se retrouvait avec trop de rushs, impossible de tout utiliser à moins de faire 8 clips par chanson. Et on s’est dit c’est con, on a tous ces rushs qui nous servent à rien, faisons une télé, MonkeyTV, où on fout tout ce qui nous arrive, même les réunions, les rencontres, sur les grands festivals, c’est super enrichissant de rencontrer des artistes qu’on écoutait, on se dit on joue avec eux c’est incroyable, on a envie de montrer ça à tout le monde, et du coup on a cette MonkeyTV qui est un des délires de Shaka et qui est super regardée, et on essaye régulièrement, plusieurs fois par semaine, de mettre un nouvel épisode.

 

En Gros "Qu’est-ce qui se passe chez Shaka Ponk en ce moment"

Voilà, parfois c’est juste un extrait de festival, vous étiez pas là on a fait ça, des extraits de tout, backstage, dans le bus, les rencontres, les répètes, le live, les prises de gueule, tout.


MonkeyTV - Shaka Ponk On Tour
 


Ce qui est intéressant, c’est que ça devient un peu à la mode de relancer le public régulièrement, par des lettres d’information, la mise en ligne d’une vidéo, ce qui est intéressant avec vous c’est que vous proposez vraiment du contenu, et que c’est quelque chose de complètement naturel…

Nous on ne fait… on ne fait que ça. Donc c’est vrai que contrairement à une maison de disques qui met des moyens pour créer une actualité visuelle autour d’un projet, pour alimenter les Youtube, les Dailymotion pour que ça prolifère comme ça, c’est pas l’artiste qui se filme donc c’est différent. Quand c’est l’artiste qui se filme, il a souvent ni le temps, ni les capacités techniques à part de se filmer et de le refiler au label pour le monter, qui va la passer à une boîte, et ça fait plein de filtres ! Ce qui est intéressant avec nous c’est que depuis le début on filme, monte, effets spéciaux, machin, donc c’est vraiment au cœur du truc, y a pas une image qui sort qui est pas faite par un membre du groupe, et montée par un membre du groupe, et ça se ressent. Bon alors y en a sûrement qui voient pas la différence avec d’autres, mais c’est le cas, et on a vraiment l’impression d’avoir cet œil au centre du groupe qui donne un truc non filtré.

Et puis c’est un truc que votre public sait

Oui, on tient vraiment à être dans toute la production et réalisation des idées, pour l’instant, plus tard, on verra, c’est intéressant de croiser, d’échanger des idées avec d’autres et de pas toujours rester dans son truc, mais encore là pour ce 3e disque, on était très “avec une carte son dans le bus, y a pas de studio, y a pas de producteur, pas de mixeur, y a rien” (rires). Y a juste une bande de potes qui sont là « tiens je te fais écouter un truc, ah attends ça ça sonnait mieux », après on file ça à la maison de disques, qui dit « ouais mais vous voulez pas essayer en studio ? », « Ben non, à chaque fois qu’on a fait ça, on s’est retrouvés à reprendre le premier truc ».

Sam : En fait on a l’impression en studio qu’on perd de notre identité, le côté justement cartes sons, un peu kitsch parfois, on pourrait faire un truc plus rond, travaillé au niveau du son et tout, mais du coup ça lisse tout en fait,  donc on revient souvent à nos maquettes.

Frah : Le premier album, c’était même pas des maquettes, on avait des ordis mais pas de Cubase, on l’avait en version crackée, ça marchait pas… Dans le local de répète, on avait un 12 pistes numérique, et on enregistrait à l’ancienne, une piste pour le chant etc. Alors parfois on enregistrait des boucles qu’on passait sur l’ordi, et puis le batteur avait un micro grosse caisse, caisse claire et un truc d’ambiances, quand il fallait qu’il joue parce que parfois on lui disait non là tu joues pas sur ce morceau, on avait je sais plus, 13-15 morceaux… Et le gros label nous signe, nous envoie en studio, il dépense une bliiiiinde, je sais plus combien c’était mais alors…

Limite ils auraient mieux fait de vous filer cette thune !

Exactement. Et on a ré-enregistré « Loco », le même album, alors ça sonnait super gros, mais c’était de la merde. Ca n’avait plus aucun sens. On leur a dit non, on refuse de sortir ce truc là, et c’est peut-être aussi pour ça que nos relations avec eux se sont envenimées, on les a forcé à sortir les maquettes, qui sonnaient tout petit, minuscule, mais qui était notre truc, on se rappelait comment on l’avait enregistré (il fait semblant de prendre une pose acrobatique) je tiens le jack vas-y enregistre (rires) Et tout ce qu’on avait vécu disparaissait dans le studio, c’était des histoires rigolotes à vivre, mais voilà… Et pour le dernier pareil, on l’a fait à la geek, un petit plug pour ci, un petit plug pour ça, dans l’ordi et prrrt !

Sam : C’est pas très vendeur de dire ça (rires)

Frah : Ouais je sais, mais c’est pour l’instant le cas. Alors bien sûr si ça sonnait à chier, on changerait, mais on en est contents, on fait écouter ça à la maison de disques, la maison de disques dit « putain, vous avez fait ça où ? », ben dans le bus, dans ton bus (rires) Et un coup de mastering, les radios reçoivent ça, ouais mortel et tout, bon ben vas-y ! Mais là pour la petite histoire, on rentre dans une phase où on se dit ce serait intéressant pour le 4e d’aller en studio. Mais composer en studio, y faire naître le truc, pas de maquettes avant sinon on va encore les garder, avec de vrais amplis…

Histoire de changer un peu ?

Sam : Ouais, voilà !

Frah : La plupart des zicos commencent par enregistrer trois albums avant d’utiliser un ordi, nous c’est le contraire, on va aller en studio pour le prochain, enfin si on le fait, on verra… En tous cas c’est dans l’air.
 


 

Shaka Ponk - Do ("Bad Porn Movie Tracks", 2009)

Je voudrai revenir sur le 2e album, tu commençais à arriver là non ?

Sam : Oui, mais toujours en tant que voix, toujours pas sur scène. Pas guest, parce que je faisais aussi de l’image avec eux, guest ça fait un peu comme si j’étais pas là alors que j’étais plus présente que ça, y avait des morceaux, comme on pouvait pas garder ma voix sur scène, ça faisait des découpages scène/albums assez spéciaux. Et puis j’étais pas mal à Londres à faire d’autres trucs aussi…

Donc c’est de façon purement opportuniste, quand tu as vu que ça commençait à marcher que tu t’es dit « finalement »

(Rires) Ma première date avec eux ç’a été les victoires de la musique, et j’avais très peur (rires). Enfin oui je me suis dit que ce serait un bon moyen de faire de la thune (rires)

Frah : Et tu te rends compte que tu t’es bien plantée (rires)

Sam : Non mais j’avais peur, parce-que parfois il y a une telle ambiance dans la salle, et lui c’est tellement une bête de scène…

Frah : Meuh non, arrête…

Sam : Non mais tu m’impressionnais !

Frah : C’est vrai ? Faudrait me le dire plus souvent (rires)

Sam : Et donc sur scène y avait une telle effervescence, et les gens s’étaient habitués à cet esprit-là, ils avaient l’habitude de Frah devant, y’avait un esprit, et je me disais si j’y vais je vais me faire cracher dessus ! Alors que pourtant j’y allais, j’allais dans les loges, ça me tentait bien, et pour les victoires de la musique ils m’ont un peu poussée.

Frah : Parce que ça devenait aberrant !

Sam : Ouais c’est vrai que ça devenait aberrant, parce que j’étais de plus en plus là, et y’avait des morceaux qu’on faisait avec ma voix, qui pouvaient pas finir sur l’album, ou avec des découpages, enfin c’était un peu frustrant. Parfois les garçons chantaient mes parties en prenant des voix aigües et en me lançant des regards de travers dans la salle, bon enfin j’ai dépassé mes craintes et ça se passe très bien.

 

Shaka Ponk - How We Kill Stars (Victoires De La Musique 2010)
 


Pas trop impressionnant pour une première avec eux ?

C’était au zénith non ? Oui donc beaucoup d’invités, de caméras, c’est surtout de penser aux gens derrière qui regardent, parce que c’est pas tant la scène, même si c’est gros, 5000 personnes, mais c’est des millions qui te regardent, là tu flippes un peu. En même temps comme on se connaît bien et qu’on s’apprécie, ça crée une convivialité, on y va tous ensemble, ça m’a pas empêchée de me faire pipi dessus (rires) mais j’y suis allée pour voir, c’était aussi la réaction des gens qui me faisait peur, pas ce soir-là, mais les fans du groupe.

Frah : Ouais, y a eu deux sons de cloche quoi.

Sam : « C’est qui cette connasse », enfin je savais que j’allais me faire insulter, et ç’a été le cas.

Frah : C’est juste la voix du disque qui se retrouve sur scène. Mais y a des gens qui analysent pas ça, ils voient un groupe de 5 mecs et d’un seul coup une meuf. C’est quoi ce délire, d’où elle sort, alors qu’elle était là depuis le début.

Sam : Ils ont pris une choriste avec une coupe afro’ pour la mettre derrière, enfin y a eu un temps d’adaptation, et y en a qui sont tellement protecteurs… Je crois qu’il y a un tel rapport, un tel lien, un tel partage, sur le net, c’est à dire que les gens sont constamment en contact par la MonkeyTV, y a toujours ce contact rapproché avec les fans qui crée un lien qui est plus fort que pour un groupe classique.

Frah : Ce qui a aussi facilité son adaptation, c’est que contrairement à quelqu’un que tu prends pour chanter sur l’album et que tu vois une fois dans l’année, elle on la voyait régulièrement sur la MonkeyTV, on voyait qu’elle était sympa, intégrée, qu’elle apportait des choses, donc les gens après avoir vu 50 vidéos avec Sam et Shaka, bon ben c’est normal et c’est bien.

Sam : c’est pas juste une femme de ménage (rires)

Frah : J’avais vu un truc, « ouais j’ai vu la meuf de Frah au concert, c’est une meuf avec une afro’ »

Sam : La meuf de Frah ?

Frah : Ouais on devait être backstage et j’étais en train de te faire chier, bon sortir avec toi c’est pas gagné (rires) Donc ça s’est fait, et maintenant y a des gens qui savent même pas qu’elle était pas là avant.

Sam : Faut dire que ça fait deux ans maintenant.

Tu parlais de ce lien avec votre public, vous proposez une relation qui va plus loin qu’une simple relation « producteur/acheteur ».

On le retrouve aussi à la télé, tout ce qui est télé-réalité, (à Frah) tu vas peut-être pas aimer la comparaison, mais on retrouve ce truc, je pense que les stars aujourd’hui en France sont des gens… ordinaires. Je pense que les stars n’existent plus, que les gens ont besoin d’une relation plus… perso. Si tu ne les mets pas dans l’émission avec les stars, je pense que l’émission serait pas regardée. Des stars aujourd’hui, « star » au sens qu’on donne au mot dans les médias, qui font rêver, je crois qu’il n’y en a plus.

Frah : Mouais, c’est différent.

Sam : Les gens n’ont pas de contact avec eux, alors que nous ils ont des photos de nous quand on va aux chiottes.

Frah : Ca je crois pas. A moins que... (rires)

Sam : T’inquiète, on a coupé l’appareil !

Frah : Ah vous faites chier hein.

Sam : Non mais justement, y a une proximité qui n’existait pas quoi. On est rentrés dans la salle de bains des stars. Bon même si j’ai horreur de ce mot.

Au sens médiatisé, les gros vendeurs

Voilà. C’est juste ça, comme nous on était déjà dans l’image, et aujourd’hui avec le net un morceau sans images, ce sera difficile de le faire voyager, je pense que l’image est devenu le meilleur moyen d’accroche – d’accroche hein, parce qu’après il faut rester dans le bateau – et ça c’est un atout pour nous, qu’on ait déjà du stock, et des vidéos, des clips, qu’on filme tout, et que ce soit naturel, ça fait qu’on est assez… assez… presque à la mode je dirai. Enfin dans l’air du temps. Mais c’est presqu’hasardeux, on s’est pas mis à l’image pour ça, c’est notre goût pour l’image qui fait ça.

Frah : Mais c’est normal, je disais qu’on suivait les moyens de communication mais c’est pas nous, le bizness de la musique suit une taille de tuyaux. Le débit de données devient tellement important, y a tellement de données accessibles chez toi dans ton salon, de bonne qualité, tu peux faire de plus en plus de trucs par toi-même, des clips d’une pure qualité qui explosent tous ceux qui étaient faits y’a 20 ans, tu peux le faire sur ton mac, le logiciel est là c’est tout prêt. On en arrive à une telle extension de tout ça, que forcément si t’es pas un minimum productif au-delà de la chanson, c’est chaud. On le voit avec les gros médias et les maisons de disques qui se disaient « merde le piratage nous tue », les grosses radios FM qui voyaient leurs audiences chuter alors qu’elles jouaient toujours les mêmes trucs – justement - , et du coup ils sont allés voir ce qui se passait sur Myspace, c’est qui ce groupe qui a 400 000 connections, et du coup, les boss de maisons de disques, les vieux dinosaures, qui travaillent avec le même système depuis les années 70 sont plus du tout capables de rentabiliser un artiste. Parce qu’ils pensent faire des disques et vendre des disques. Alors que non.

Sam : Ils ont un problème de distance avec ça, ils ont un retard dessus mais incroyable, je sais pas si c’est parce qu’ils sont habitués à avoir le pouvoir qu’ils se rendent pas compte qu’Internet est vraiment en train de prendre le pouvoir malgré eux, des fois c’est étonnant le retard des maisons de disques, quand on discute avec des gens de chez eux, de moins en moins mais c’est encore beaucoup.

Frah : La chanson reste l’essence, c’est toujours ce qui te prend les tripes, qui te fait te dire je vais prendre du plaisir, mais c’est pas avec ça qu’on fait du blé.

Sam : Les gens veulent plus fonctionner comme ça, y a qu’à regarder les FNAC, les rayons disques ont diminué de ¾, c’est assez triste.

Frah : Et du coup l’industrie mute, en suivant la taille des tuyaux, si ça prenait 8 heures de charger un disque pirate, les gens l’achèteraient. Et pour les vidéos c’est pareil, les gens passent leur temps à s’envoyer des vidéos marrantes, pas marrantes, des vidéos d’eux, de trucs qu’ils reçoivent, c’est une boulimie de curiosité incessante, et quand t’arrives avec un produit, que t’as pas d’image à mettre dessus, et aujourd’hui en plus de la belle image, bien réalisée avec de la profondeur de champ, t’es carrément en dessous des bébés qui font marrer tout le monde. Comme disait Sam, tiens y a un groupe que je connais, je t’envoie une chanson, et y a une pochette fixe, c’est pas pareil tu vois. T’as un jpeg, ou alors tu les vois, il se passe des trucs, y a un univers visuel, et là wouah, j’adhère. Donc si les groupes arrivent, avec beaucoup de boulot, parce qu’on s’y attendait pas, à alimenter avec de l’originalité, sans forcément que ça marche super bien, parce que c’est facile pour un petit groupe qui marche, y a du clip dans tous les sens, y a des moyens, mais les petits groupes qui doivent se démerder, s’ils arrivent à faire des trucs tout seuls, ben ça va ça va ça prend, t’obtiens une bonne place, t’es super compétitif, sinon c’est dur putain.
 

ShakaPonk 2011

Shaka Ponk en 2011


Les victoires de la musique, on est au contraire tout à l’opposé du spectre, de votre public de base, qu’est-ce que ça vous a apporté ?

On a gagné 100 places de disques en 4 minutes. On a halluciné. On était 204e – ça faisait presque un an que l’album était sorti – et on est passé à 101e, après le morceau, donc que du téléchargement et tout ça, enfin ça reste pas énorme, surtout par rapport au monde qui regarde.

Sam : Au début on l’a pas pris au sérieux, on croyait que c’était une blague, « les victoires de la musique, hahaha »

Frah : Le seul truc auquel on a pensé, c’est putain, comment on va faire pour l’écran ? Avant on avait un petit machin, un trampoline, qui était largement assez grand pour ce qu’on faisait, fallait pas que ça fasse cinéma non plus, Taratata pareil, personne connaissait Shaka, on y a été juste parce que Nagui a dit « ah ouais j’aime bien je les prends », et on leur a dit « on vous prévient on joue avec un singe – c’est quoi cette connerie ? – c’est pas un vrai, mais on joue pas sans – ah non c’est pas possible ». Et on l’a ramené quand même, on a tout branché pour la répète, et là ils ont fait waaaa mortel ! Et ils ont tout monté, ils ont mis des caméras sur l’écran, et les victoires ils voulaient pas non plus, alors ils nous ont dit qu’ils allaient passer le singe sur leurs écrans géants, mais il fallait voir avec le gars régie pour la synchro’, un enfer. Et on pensait qu’à ça, Sam non, parce que c’était la première fois qu’elle apparaissait avec nous, mais nous... D’ailleurs ça se voit sur la vidéo.

Sam : Vous m’avez bien refilé votre stress (rires)

Frah : et donc sur tout un bout de couplet, y a rien qui se passe, y a une voix qui sort, mais on voit pas le singe chanter, alors qu’il faut qu’on le voit ! Sinon, on réalisait pas, on y est allés parce qu’on nous a dit d’y aller, mais ça nous a fait gagner plein de live.

Sam : C’est vrai ça ? T’es sûr ?

Frah : Ah ouais, ouais, tous les gros festivals qu’on fait c’est grâce aux victoires de la musique. Et les mecs se sont dit quand même, parce que la catégorie scène c’est pas le public qui vote, c’est que des pros, 2000 pros. Salles de spectacles, producteurs, ils foutent 400 groupes, y en a 3 qui sortent et un vainqueur.

Sam : Et c’était pas nous (rires) on s’en doutait.

Frah : mais quand même, ça veut dire qu’on est sortis du lot pour des mecs de salles qui voient passer 3, 4, 5 concerts par semaine, et alors qu’avant y a plein de mecs qui voulaient pas nous prendre, sans avoir écouté, y avait pas mal d’à prioris sur nous bizarrement, ils sont venus nous voir « mortel les gars ! », et ça c’est grâce aux victoires. Y aurait peut-être eu autre chose, mais là ils se sont dit « mais qu’est-ce qu’ils foutent là eux, ça fait trois ans que j’en veux pas, j’ai jamais écouté, d’ailleurs je savais pas que c’était ça », et ça ça nous a permis de passer à la marche supérieur niveau concerts, la puissance des gros festoches, et sans perdre niveau disque.

Et inversement, est-ce que ça vous a pas valu quelques critiques, à base de « vous êtes des vendus »

Sam : Oh, quelques sous-entendus oui…

Frah : Mais bof, pas vraiment des critiques, plutôt des chatouilles (Sam acquiesce), vous allez avec la variété, ce qui est de moins en moins vrai, bon y a encore beaucoup de Grégoire, c’est très Resto du cœur en majeure partie, donc c’est de la bonne pop française, mais, y avait quand même Izia, qui a beau être la fille d’Higelin, qui arrive à faire un truc complètement invendable théoriquement, et elle gagne, alors que si tu t’appelles pas Izia tu vas voir les radios avec ce genre de trucs ils te passent pas, d’ailleurs ça passe pas en radio (Sam s’étonne) non ça passe pas du tout en radio, et elle gagne quand même, grâce au public ! Et grâce aux pros, puisqu’elle gagne en catégorie scène et qu’en live ça défonce. Et y avait un autre là, le chapeau et les plumes (impossible de retrouver le nom) enfin bref, et ils chantaient en anglais, y avait pas mal de groupes français qui chantaient en anglais. Alors qu’il y a quelques années, il n’y avait que de la pop française, et si tu t’appelais pas Calogero, si su proposais un petit morceau de rock british chanté en anglais, même pas la peine d’espérer quoi que ce soit

Sam : Ou alors tu chantes en français.

Frah : Et les gens s’en foutent. Et pareil pour Oui Love Myspace, ils nous avaient pris, ils nous ont mis dans le premier parce que niveau groupe myspace on était bien côté, et on a halluciné, quand les boss ont dit les nouveaux petits gars qui vont gérer OuiFM, on va voir sur le net, y a pas le mec d’une maison de disques qui dit « tiens écoute ça t’en penses quoi ? », ok on est obligés pour avoir nos deals, mais on va voir sur le net. Et là t’as des mecs qui font 10 fois plus de traffic que les mecs de chez Universal, donc ce sont ces mecs là qu’il faut diffuser, c’est ce que les gens écoutent.

Sam : C’est particulier ça, parce que parfois tu vois des choses qui marchent super bien sur le net, j’avais vu un truc, avec 14 millions de visites, enfin j’exagère un peu, mais un truc monstrueux, le mec avait l’air un peu con, je pense que ça avait dû faire rire les gens, enfin en zik parfois tu vois des trucs, ça m’avait épaté, des mecs qui avaient masse de visites, et attention quand même, ils se voyaient faire une carrière, tu me diras ça dépend des pays, mais parfois y a des gens qui vont mettre plein de thunes comme ça.

Frah : Je suis pas du tout d’accord là (rires)

Sam : Mais tu vois aux Etats-Unis et en Angleterre les directeurs artistiques connaissent la musique, en France beaucoup moins. Ils sortent d’école de commerce, et tout ça, ça mute un peu, y a quelques DA qui connaissent un peu mais…

Frah : Une grosse boîte de toutes façons, tu vires pas tout le monde du jour au lendemain, juste y’a un moment où les boss vont se dire, les mecs qui bossent pour moi n’ont pas la bonne méthode, et ils comprennent rien à ce qu’il se passe technologiquement parlant. Pour autant, ils vont pas virer tout le monde et prendre que des bons, tu vois ça prendra encore 2 ou 3 générations de DA pour que ce soit vraiment bon.
 

Shaka Ponk Frah

Frah et Ion sur scène en 2009

Sam, pour le troisième album tu as participé du début à la fin, pour toi (à Frah) ça a changé quoi ?

Frah : Oh ben pour moi c’était la délivrance, parce qu’on pouvait faire des chansons en utilisant sa voix sur autre chose que des petits bouts de truc, en plus avec cet album on voulait explorer une couleur musicale un peu… un peu spé, alors ça tombait bien qu’il y ait une voix qui vienne inonder le spectre musical, donc c’était parfait… Enfin c’était parfait.

Sam : « inonder » (rires)

Frah : Non mais de toutes façons ce groupe tel qu’il est, on le voit comme ça depuis des années, et on se disait qu’à un moment, Sam allait venir, au moment où il fallait, comme le singe est arrivé au moment où il fallait. Et maintenant on est au complet !

Sam : C’est plus pour les gens que ça change que pour nous. Pour moi c’est surtout niveau scène, de me retrouver avec ce malade mental, il m’apprend beaucoup, y a quand même une école Shaka Ponk.

A base de coups de ceinture quand tu te loupes (rires)

Non mais Steve dès que je fais une fausse note, il me regarde, il déteste ça. Chacun a son truc, son caractère, il y en a qui supportent mieux les fausses notes, mais c’est rigolo, et lui il m’aide beaucoup, parce qu’au début je me lâchais pas du tout sur scène, il me rassurait beaucoup, et ça m’aide vachement, maintenant j’arrive mieux à me lâcher, bonne école.

Frah : Enfin on espère qu’elle va pas partir.

Sam : Ils sont tous autour de moi, ça m’aide vachement.

Et musicalement, comment vous voyez votre évolution musicale ?

Sam : Pour moi il est rétro… Free rock (rires).

Frah : Bubble rock. On est nuls pour ça.

Sam : En rock on a tous nos influences, y a quelques artistes où on se retrouve, mais on a tous nos influences, Ion il va écouter du reggae à côté, moi je suis plus Rammstein par certains côtés, toi t’es plus… Je le dirai pas, promis (rires) ! Mais c’est très éclectique, Steve c’est les Beatles, quand on compose y a ces influences qui ressortent, certaines parfois plus que d’autres, mais on est tellement éclectiques dans nos goûts, donc de toutes façons y aura toujours un côté rock prononcé, c’est vrai que sur scène les guitares électriques sont plus présentes, ça tape plus, c’est plus rockisant sur scène que sur album… T’es pas d’accord ?

Frah : Si si, c’est juste qu’on analyse pas…

Sam : On fait ce qu’on aime !


Shaka Ponk - Let's Bang ("The Geeks and the jerkin's socks", 2011)
 


Sans parler d’analyser, mais donc vous bricolez toujours vos trucs dans votre coin, et après vous voyez ce que ça donne ?

On se retrouve avec plein de morceaux, on se dit tiens on va mettre ça comme ça, et ça après, et…

Frah : Le seul mot d’ordre qu’on a eu avec cet album, c’était d’aller à l’encontre, en fait ce qui nous avait fait marcher sur cet album. C’était pas « kill stars », qui avait lancé le truc, c’était le côté un peu « twisted mind » (1er titre du deuxième album, qui ouvrait les concerts), un peu rock, et le public qu’on avait dans les salles, était friand du côté rock genre dans la gueule. Et on avait plein de premières parties très rock, c’est les salles qui choisissent dans les trucs locaux, et donc on avait ce côté rock « bad boy » qui était là, et donc on s’est dit ce qu’on va faire ce sera pas ça, on va faire un truc « happy », un truc rétro, un mélange bizarre entre du rétro 60s, de l’électro et du rock. Et on verra ce que ça donnera. C’est un peu une expérience en fait, t’as 10 mecs dans une salle qui t’aiment bien parce que tu fais du rock, et tu leur dis maintenant je vous donne un truc un peu bizarre. Et c’est ça qui est super excitant, en tous cas pour nous, mais le côté virage, c’est à dire que théoriquement, des morceaux comme « brunette localicious », ou « sex ball », ou, je sais pas moi, tous les morceaux de ce disque sont censés toucher un truc que les vrais fans de rock pourront pas supporter. Ils vont dire putain les gars, vous êtes partis en pop, vous êtes partis en couilles, et c’est ça qui est intéressant. Parce que je pense que ça assoit le public, on le vit tous les jours maintenant en concert, un mec qui se dit « ouh les gars », et en fait tout va bien. Et ce mec-là, il aime Shaka. Il a envie, quand il écoute de la musique, d’entendre un truc un peu dans la gueule, et un truc un peu (il claque des doigts) wap, dou, wap douwap, et encore autre chose, et il dit ok, j’adhère à tout ça. A la palette entière. Alors qu’on a des gars qui viennent nous voir « oh les gars, c’est con, on venait vous voir c’était bon, et maintenant ça donne pas envie », très bonne analyse, ils aiment certains trucs de Shaka, mais ils aiment pas Shaka. Et l’échec ç’aurait été que la majorité des mecs viennent nous voir et disent « non nous on a aimé tel et tel morceaux et que ça ». Et heureusement, on n’a jamais vendu autant de disques. Mais c’est vrai que quand l’album sort, tu te dis « ouh on a peut-être fait une connerie », et en fait ça va. Pour l’instant. Bon peut-être que si on fait « reggae night » sur 12 titres sur le prochain, on va se faire un peu défoncer. Mais peut-être pas en fait.

Pas forcément, si tu fais ça en mode Shaka Ponk.

Exactement. Mais parfois c’est un peu litigieux. Et en tous cas, le seul mot d’ordre, parce que comme dit Sam c’est un peu l’anarchie, c’est de ne pas avoir à se dire « c’est pas nous ». Et le seul truc qu’on s’était dit c’était de faire un truc un peu emmerdant, de titiller un peu, d’aller contre le côté « groupe de rock, groupe de scène, dans la gueule ».

Et vous avez déjà commencé à faire des concerts avec des nouveaux titres ?

Sam : Oh oui.

Frah : On avait commencé deux ou trois mois avant la sortie de l’album.

Sam : Sur scène, c’est quoi le pourcentage ? 60% de nouveaux…

Frah : C’est plus de nouveaux en tous cas, mais ça dépend aussi du temps de jeu parfois. On joue quasiment tous les nouveaux, à deux près.

Et niveau retours ?

Sam : Ca marche très bien, on constate que le public est toujours aussi motivé, ça pogote très vite, on est assez chanceux pour ça.

Et toi t’es complètement à l’aise maintenant ?

Je suis très sujette au trac, donc il faut attendre la première chanson, mais après ça va. Là je me sens à ma place.

Et donc pas trop angoissée de retrouver le zénith (le 25 novembre 2011) ?

Ah si si si.

Frah : Non, arrête, excitée ?

Sam : Non, je préfère les petites salles en fait, quand on est proches des gens, dès qu’il y a des scènes énormes comme ça, je trouve qu’on a plus de distance, je préfère être proche des gens.

Frah : Et moi c’est le contraire.

Parce que si vous remplissez ça fait un peu consécration non ?

Sam : Oui, l’angoisse c’est de jouer devant le zénith vide. Enfin c’est plus possible, parce qu’apparemment les ventes se passent très bien.

Frah : Peut-être qu’au bout d’un moment on atteindra un plafond, tous les gens qui veulent venir auront leur place, il restera que ceux qui veulent pas venir, allez venez !!!

Sam : Faudra changer de pays.

Parce que pour l’instant vous jouez qu’en France ?

France, Suisse, Belgique, et on va attaquer l’Allemagne. Ré-attaquer.

Frah : Depuis le premier, y a des mecs qui nous suivent, qui téléchargent sur itunes parce que c’est possible, et qui nous demandent quand est-ce que vous venez jouer ?

Donc quelques projets à l’étranger pour cet album ?

C’est prévu, y a du Japon de prévu, après on verra…

Sam : On va tâter les gens, on verra…

Frah : Et puis voilà, ça dépend des moyens mis en œuvre, et puis c’est rigolo d’aller faire un concert au Japon, mais ça coûte cher, donc de là à aller faire un concert comme ça, il faut qu’il y ait une belle sortie. Donc ça se profile bien, ça sent bon, mais comme je te disais au tout début, on est tellement la tête dans nos trucs nous, on reçoit des emails, voilà ça se passe bien, on va peut-être faire ça, on finit la tournée en France et on part en Allemagne, donc on se dit à priori ça va, et après on retourne à nos trucs, nos montages et tout. On n’est pas très curieux de ça, tant qu’on fait des concerts et que les gens sont contents… On n’est pas très ambitieux.

Voilà un bon mot de la fin (rires)

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   Un grand Merci à Mika, aux Shaka et Elodie qui ont été adorables en tous points. Un crew authentique, loufoque, à fond dans son truc, passionné, qui a certes eu quelques coups de pouces du destin mais qui n’a jamais failli dans son engagement avant de parvenir à ses fins. Comme quoi et quoi que l’on pense de leur musique, nul besoin de chercher des poux dans la tête au combo qui n’a pas volé la reconnaissance qui est aujourd’hui la sienne.

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