Eurockéennes 2017: Jour 1

Après 2013, les Eurockéennes de Belfort proposaient pour la deuxième fois une programmation sur quatre jours. Oui, quatre jours ! Ou comment allier audace et ambition dans une période trouble pour les festivals (même les plus gros ne sont pas épargnés par la baisse de fréquentation et/ou de subvention) mais aussi un choix de line-up (très) largement controversé avec l'apparition en caractères gras sur l'affiche de Booba et PNL.

Cela peut paraître effectivement contradictoire de mettre côte à côte Arcade Fire et Booba, mais nous avons surtout regardé plus bas et là nous avons vu l'electro/hip-hop/dub de Chinese Man toucher le blues psyché de Blues Pills ou encore le punk de Shame tutoyer l'electro latino de Systema Solar. Autant vous dire que la programmation était, comme à l'accoutumée, assez éclectique, faisant des Eurockéennes l'un des endroits en France les plus représentatifs de la sono mondiale. Et on peut d'ores et déjà affirmer que, malgré quelques déceptions, cette première journée de festivités nous aura globalement satisfaits. Récit.

Par Charliedub

C'est sous un soleil éclatant et brûlant que s'est ouverte cette 29ème édition des Eurockéennes. Vous comprendrez donc que le premier réflexe était de se rendre à la buvette la plus proche de l'entrée (on ne vous dira pas ce qu'on a bu), buvette située juste à côté de la Loggia, scène la plus petite par la taille mais non pour la qualité de la programmation et qui a été déplacée cette année, à l'entrée du festival justement, sûrement pour lui offrir une meilleure visibilité qu'auparavant.

C'est ici que les premières notes du festival résonnèrent à travers les disques du selecta Serge Bozon, présenté comme un DJ Garage Rock, qui aura assuré les interscènes de la Loggia jusqu'à 21h45. Serge Bozon a directement mis dans l'ambiance le public avec ses sélections old school comme pour mieux préparer le terrain à Iggy Pop qui allait jouer quelques heures plus tard sur la grande scène mais également à deux groupes programmés sur la Loggia : Archie & The Bunkers et Shame. Le premier est un duo (batteur et clavier) provenant de Cleveland avec un style très early 70's où les claviers étaient aussi rois dans le rock que les guitares ; en gros, Archie & The Bunkers, c'est un peu comme si Ray Manzarek avait rejoint les Stooges et leur son crado pour un cross-over détonnant tellement le batteur nous a bluffés par sa fougue et sa façon de taper comme un dingue sur ses caisses.

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Archie and the Bunker - Photo © Christian Ballard

Et la première grosse claque de ces Eurockéennes version 2017 revient sans conteste à l'autre groupe programmé sur la Loggia en ce début de soirée, Shame, des punks londoniens, avec son chanteur au look redskin avec ses bretelles mais aussi son bassiste déchaîné qui saute partout. On nous dit que cette bande puise chez les Clash, ce qui nous semble être une évidence, mais on a plus eu l'impression de retrouver la dissonance provoquée par les Sonic Youth dans leur musique. C'est à la fois lourd et distordu, mais c'est terriblement limpide surtout dans les phases les plus enragées du concert.

Bref, ça nous a bien plu malgré une chaleur étouffante, d'autant plus qu'on a vu tout précédemment, sur la grande scène (on sera finalement passé pratiquement à côté des scènes intermédiaires au cours de cette première journée), La Chiva Gantiva, combo colombien invité par les programmateurs dans le cadre de l'année de la Colombie (d'autres groupes provenant de ce pays ont été présents à Belfort, mais nous aurons l'occasion de vous en reparler) en France. Sept musiciens qui allient percus et cuivres sur des rythmes latinos mais aussi principalement keupons dans un show qui ébouillante le public (on rappelle qu'il faisait déjà très chaud). Vous avez déjà compris, La Chiva Gantiva a ressuscité la bande à Manu Chao, la Mano Negra, dans un live explosif qui a tout déchiré sur son passage. C'est peut-être la raison pour laquelle on ne sera pas resté longtemps, par la suite, devant la pop guimauve des Lemon Twings qui, pour le coup, s'ils se réfèrent grandement aux Beatles (autant par la musique que par les cheveux), n'ont pas du tout réussi à les réincarner en cet an de grâce 2017. On a donc filé vers la Loggia pour Shame.

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Shame - Photo © Christian Ballard

Le problème, c'est qu'après avoir vu Shame, il fallait pouvoir combler les deux heures interminables qu'il nous restait avant d'aller se poser devant l'Iguane. À partir de 21h, on avait donc le choix entre le selecta Serge Bozon (qu'on connaissait déjà), le rock de Kevin Morby et PNL. Pour les réfractaires à l'autotune et au phrasé scandé, vous pouvez d'ores et déjà sauter le paragraphe suivant, puisque nous sommes allés voir...PNL. On ne va pas se lancer dans un argumentaire aussi savant qu'ennuyeux, d'autant plus qu'on a aucune raison de se justifier, mais on était quand même curieux de découvrir ce qu'avait dans le ventre le duo des Tarterêts pour leur tout premier concert, mais aussi d'en apprendre un peu plus sur ces rappeurs qui, il faut tout de même le souligner, ont été les premiers a être certifiés disque de diamant en indépendant avec leur album Dans La Légende, le tout sans donner d'interviews et en étant absents des médias.

On était quand même curieux d'entendre ce que pouvaient donner en live les stratosphériques "J'suis PNL" ou encore "Onizuka". La réponse, et vous allez pouvoir sauter de joie, mes très chers ayatollahs, c'est que PNL a très largement confondu cloud rap (euh pardon rap planant) et attitude amorphe. Absolument rien d'époustouflant n'a été offert par le groupe qui, dans une très grande indifférence, s'est uniquement borné à aligner ses tubes les uns après les autres sans se montrer convaincant et sans faire preuve d'improvisation. À l'heure actuelle, on se demande encore où pouvait bien se trouver le DJ (l'un des maillons absolument essentiels dans tout bon concert de rap ou qui se présente comme tel) qui balançait les instrus (sur la scène ? en régie ? dans le public ? à la buvette ? caché derrière une groupie ?) et on cherche encore la trace du type qui a coupé la piste des basses histoire qu'il nous explique pourquoi il a voulu que le son du show soit aussi désastreux. Même le très efficace reggaeton "Bené", le titre cross-over du groupe et dans lequel on plaçait finalement tous nos espoirs pour enfin bouger un peu, a complètement manqué de saveur pendant son interprétation alors qu'il aurait pu rehausser un concert qui manquait énormément d'entrain.

C'est ainsi que pour nous rassasier en termes de grosses basses, on est allé les chercher, avant l'ouragan DJ Snake, du côté de la Greenroom avec Soulwax, qu'on connaissait de manière très approximative pour leur excellent remix du "Intergalactic" des Beastie Boys dans lequel ils associaient les New-Yorkais avec AC/DC et INXS mais aussi pour leur side project, le duo 2 Many DJ's. Mais avec Soulwax, ce ne sont pas deux, mais toute une horde de musiciens qui sont présents sur scène, dont trois batteurs, chacun enfermé dans une espèce de grosse cabine blanche. Les autres, via leurs synthés et leurs machines - quand l'un d'entre eux n'est pas muni de sa basse -, nous assaillent de mélodies à base d'electro-pop, un concentré du genre de leurs compatriotes de Depeche Mode et des Chemical Brothers, parfois agrémentées de chant. Bref, le son de Soulwax est bien gras et très dancefloor et ça ne pouvait que nous satisfaire après la déception PNL.

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Soulwax - Photo © Christian Ballard

Quant au petit génie de l'electro français, Petit Biscuit, on n'a pu voir que ce qu'on n'a pu voir, sachant qu'il était programmé sur La Plage, d'une capacité bien insuffisante pour accueillir tout le public qui se pressait devant la jeune pousse. Que diable les programmateurs sont-ils allés faire dans cette galère pour un artiste qui méritait au moins la Greenroom pour contenter tous les spectateurs ? On a donc plus entendu que vu Petit Biscuit et son "electro posé", ce qui est bien dommageable pour un talent très prometteur qui manie aussi bien la MPC que la percu électronique ou la guitare. Peu importe, on le reverra dans quelques années lorsqu'il occupera la Grande Scène dont Iggy Pop venait de prendre possession en ce soir du 6 juillet.

L'ancien chanteur des Stooges n'a rien perdu de son charisme et de son énergie pour celui qui vient tout juste de fêter ses 70 ans. Toujours à moitié débraillé, et donc toujours keupon dans son comportement (histoire de faire un pied de nez à ceux qui pensaient qu'il avait vendu son âme en le voyant apparaître en smoking dans des émissions de télé), Iggy Pop a confirmé que le rock n' roll lui doit beaucoup et qu'il en reste l'un des maîtres. Seul bémol, on aurait bien voulu voir à ses côtés Josh Homme, chanteur des Queens Of The Stone Age, qui a produit son excellent dernier album Post Pop Depression avec le magnifique "Gardenia" qu'Iggy Pop a interprété devant les plus de 30 000 personnes qui étaient venues le voir.

Mais cela ne nous a pas empêché de clamer "Lalalalalala, lalalalalala" sur "The Passenger", de le contempler tout ravager (dans tous les sens du terme), comme son pied de micro, sur "TV Eye" ou de l'observer aller saluer ses fans comme un gamin. Et il nous a surtout montré, durant le rappel, que c'était bel et bien lui l'initiateur du punk avec ses Stooges en faisant retentir de bons vieux classiques bien énormes comme "No Fun" ou la terrible intro du mythique et inégalable Fun House (l'un des plus grands albums de tous les temps tous genres confondus), "Down On The Street", qui inaugure à elle seule quarante ans de rock n' roll. Vivre un concert d'Iggy Pop c'est un peu comme une expérience qui n'arrive qu'une seule fois dans votre existence. Du coup, on a les yeux braqués uniquement sur l'Iguane et on ne regarde même pas les autres musiciens qui lui permettent d'assurer son show. Mais pourtant, on entend quand même ce son brut et épais (on ose même pas dire crado) propulsé par d'autres classiques tels que "I Wanna Be Your Dog" ou "Lust For Life". En une heure et quart de concert, Iggy Pop nous aura donc offert du gros, du lourd, et on en vient même à se demander si on n'a déjà pris notre dose de rock n' roll sauvage mais pointu alors que le festival ne vient que de commencer. Mais à ce moment précis, on ne savait pas encore que le monstre Gojira était lui aussi capable de provoquer passion et déchaînement au fil de la prestation. Affaire à suivre.

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Iggy Pop - Phoo © Dorian Cessa

Le hip-hop étant massivement présent lors de ce cru 2017 des Eurockéennes (et on a décélé des artistes infiniment plus géniaux que Booba ou PNL), on s'est de nouveau dirigé par conséquent vers la Loggia qui recevait vers minuit le rappeur Mick Jenkins, originaire de Chicago. Et ce qui intéressant avec lui, c'est que non seulement il est accompagné d'un batteur (en plus d'un DJ, forcément), mais qu'il oscille entre des beats boom-bap et trap : ça sample autant "The Next Episode" de Dr Dre (morceau qu'on entendra une nouvelle fois le lendemain, on vous en reparle) que Kendrick Lamar chez Mick Jenkins, et ça c'est cool ; ça révèle un esprit d'ouverture de la part de l'artiste qui ne pouvait que s'intégrer à cette programmation.

En parlant de trap, les Eurockéennes ne pouvaient pas faire l'impasse sur l'un de ses meilleurs représentants en matière de beats et de production, j'ai nommé DJ Snake, bien qu'il ne se limite pas qu'à ce genre (son album Encore en atteste), et son set, grandiose serait un euphémisme, l'a prouvé. Grandiose par la forme déjà : pyrotechnie, fumée (de la même manière que Gojira le lendemain, comme quoi les artistes français plébiscités aux Etats-Unis ont été contaminés par le virus du show à l'américaine), néons laser, écran géant... Et grandiose par le son que DJ Snake a balancé durant la dernière heure de cette journée. Dès l'intro, les PNL installés dans leur loge non loin (à moins qu'ils n'étaient déjà à l'hôtel) ont dû comprendre que la basse est essentielle à toute musique et qu'il faut qu'on l'entende un minimum. Mais DJ Snake ne connaît pas le minimum et il a tout fait pour que le public passe un moment intense. Quand il mixe, par exemple, "Turn Down For What" avec son "Sahara" en feat. avec Skrillex, alors la foule est déchaînée.

On en prend plein les esgourdes avec "Propaganda" ou sur le house/dance "Pigalle". C'est ainsi que DJ Snake alterne entre trap bien gras et assez radical, dubstep bassu et un electro plus classique le tout avec une puissance d'exécution impeccablement maîtrisée, puisqu'il faut pouvoir et savoir jongler entre tous ces beats saccadés et syncopés. Il jouera bien évidemment le tubesque "Lean On" composé avec son pote Diplo de Major Lazer avant qu'il ne fasse s'asseoir une foule compacte de 30 000 personnes sur "Get Low" (non sans rencontrer quelques remous) et qu'elle ne se relève massivement faisant trembler la presqu'île. Pour l'un de ses premiers sets dans l'Hexagone (avant des arrêts, entre autres, aux Vieilles Charrues ou aux Francofolies), DJ Snake a ouvertement fait part de sa joie de revenir jouer en France étant en effet installé à Miami et tournant à peu près partout sur la planète, joie de vivre communicative qu'il a assurément transmise à tous les festivaliers. On ne pouvait ainsi revenir plus motivés que jamais le lendemain après avoir quitté le site aux alentours de deux heures du matin.

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DJ Snake - Photo © Sacha Radosavljevic

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