Johnny Marr à  La Gaîté Lyrique le 24/05/18

Par notre gros reporter spécial : Zebra

Chacun son Johnny.
Mon Johnny, c'est Marr. Son jeu de guitare et ses suites d'accord ont marqué mon apprentissage de la 6 cordes, au temps où il exerçait dans The Smiths. C'est donc comme une midinette en transe que je suis allé le voir et l'écouter, pour la première fois de ma vie, à la Gaîté Lyrique.
Pourquoi n'étais-je jamais allé le voir avant ce soir ? Parce que Johnny avait visiblement perdu son mojo, après la fin du duo qu'il formait avec Morrissey, dans les années 80. 
Le lyrisme et les qualités d'auteur du chanteur transcendaient Johnny le compositeur, qui avait inventé un langage guitaristique bien reconnaissable. Je le sais, car j'ai souvent tenté de l'imiter, de lui piquer des idées, et j'étais loin d'être le seul.
Depuis, il a tenté, il a essayé, dans ses projets, ses albums, mais il n'y était plus. Il ne savait plus faire, encore moins en tant que leader. Johnny est un excellent sideman, mais que valait-il en tant que frontman ?
Je voulais le voir.

J'avoue, j'y suis allé pour combler ma nostalgie, comme un ex-fan complaisant. C'est un très mauvais argument.
Du coup, qu'en ai-je retenu ?
J'ai adoré ses reprises de The Smiths. Et c'est tout.
Ses autres chansons étaient loin d'être aussi bonnes. Voire, parfois, vraiment mauvaises. J'étais embarrassé pour lui. Même son groupe avait l'air de ne pas y croire, le batteur était lourd, le bassiste avait l'air dépressif et le deuxième guitariste avait l'attitude du gars qui vient bosser. Ils avaient autant de charisme que des experts comptables en réunion de bureau. Mis à part le single "Hi hello" et "Day in day out", qui exploitaient dans leur composition ce qu'il savait sortir de meilleur lorsqu'il était inspiré, les nouvelles chansons de Johnny Marr sentaient le sous-Placebo, le pop-rock de vieux, et j'avais de la peine pour lui. Quand vous entendrez le nouvel album, évitez "Bug" et "Rise", c'est la catastrophe. Et en live, c'est pire. Franchement, quand on vient voir Johnny Marr, on vient voir un guitariste, un des plus importants de l'histoire de la pop anglaise, toutes générations confondues. Et que faisait-il ? Du power-chord digne de "Quand la musique est bonne". Si je suis si dur, c'est parce que je l'aime, mon Johnny.

Car, bon sang de bon dieu et tous les saints de la brit pop, pendant les chansons de The Smiths, ce n'était plus le même jeu, ni la même intention : son groupe se réveillait, comme un Olivier Giroud à l'affût d'un centre de Griezmann, le batteur retrouvait un groove, le bassiste se rendait compte qu'il avait 4 cordes, et le 2ème guitariste servait enfin à quelque chose.
D'abord "Bigmouth strikes again", peu aidé par un son encore approximatif. Puis "The Headmaster Ritual", grandissime, fantastique, pendant lequel Johnny exploitait pleinement son talent rythmique. Je l'observais, j'admirais sa main gauche enchaîner de subtils accords pendant que la souplesse de la droite lui permettait de sortir des arpèges tout en balayant les cordes. Comment faisait-il ? Je prenais une leçon. Cette chanson, en particulier, est une merveille de composition guitaristique, il était dedans, Johnny, il s'amusait tellement à la jouer, ça se voyait. C'est en composant comme ça qu'il avait su étonner le monde de la pop tout entier, alors pourquoi, Johnny, tell me why, pourquoi tu n'écris plus comme ça ?

Son groupe alternait le meilleur et le pire, jusqu'à la Smitherie suivante, et ce fut "Last night I dreamt that somebody loved me", tellement bonne ! Bien sûr, je repensais à la version de The Last Shadow Puppets, pendant laquelle Johnny Marr secondait la voix romantique d'Alex Turner, mais cette fois il était seul, il la chantait, et il la tenait plutôt bien, ses musiciens en étaient transfigurés.
Ensuite, c'est reparti pour trois choses pop sans fulgurance, ... jusqu'à "How soon is now", en final de sa première partie. Comme toute la salle, je chantais à tue-tête : "I am human and I need to be loved Just like everybody else does". La communion.
Le public était majoritairement masculin, la quarantaine, genre lecteurs de Magic... un bon public, indulgent, en admiration. Beaucoup filmaient sur leur téléphone portable, en chantant et gesticulant comme de vieux midinettes.... Comme moi.

Johnny s'est un peu fait prier, puis il est revenu jouer 4 chansons, dont le tout nouveau "Actor atractor", dont le minimalisme industriel est plus intéressant sur disque que sur scène. Puis "Please, please, please let me get what I want" de The Smiths, qu'il a très bien interprété. L'intro, seul à la guitare, m'a donné le plus grand frisson de la soirée. Oh comme j'aurais aimé l'entendre la jouer, seul à la guitare, dans un petit club, en toute intimité, lui et ses délicieux accords qui transpirent son âme mélancolique de mancunien. Dans ce domaine, il est bien plus émouvant et fort que ce qu'est devenu son ex-complice Morrissey, très mal entouré quand il s'agit de reprendre les mêmes chansons, et en particulier "There is a light that never goes out", le final du final, la chanson culte, dans le Top 10 de qu'un être humain sensible doit écouter dans sa vie.
Bras levés, thank you so much. This is what I wanted, this is what I've got.

En sortant du concert, j'ai re-écouté "The world won't listen" de The Smiths, la plus grande collection de chansons pop que j'ai entendue de toute ma vie. Une vie qui est loin d'être finie. Pendant les années restantes, je souhaite ardemment que mon idôle retrouve son élan créatif, qu'il m'étonne à nouveau et que je laisse ma mélancolie dégoulinante au vestiaire. Please, please, please, fais-moi mal, Johnny !

En complément, écoutez le podcast de "La Tournée" du 27 mai sur La Grosse Radio Rock.

Crédits photo : David Poulain

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