Fabulous Sheep + Johnny Mafia – Rockstore, Montpellier, 01/02

La dame au bar fait ce qu’elle peut pour nous servir rapidement, mais on rate quand même le premier morceau du concert, sûrement à cause du type d’à côté qui a voulu du picon dans sa bière, perte de temps inestimable. A l’occasion de la sortie de leur excellent premier album, les Fabulous Sheep ont volé les clés du Rockstore de Montpellier et organisé une grosse fête à l’intérieur, avec tous les copains. Pour marquer le coup, ils ont également invité les Sénonais de Johnny Mafia à ouvrir la soirée, qui eux défendent toujours leur petit deuxième, Princes de l’Amour.

Johnny Mafia

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C’est cet album qui est particulièrement mis à l’honneur dans la setlist. L’ambiance, en ce début de soirée, n’est pas aussi électrique que ce qu’on attendait, tarde un peu à s’échauffer. Il faut dire que le groupe commence assez tôt (trop tôt pour les fans de picon), et que le volume sonore général est bas. Sans doute aussi que les nouveaux morceaux n’ont pas encore fait leur chemin jusqu’au sud de la France, leur sortie étant encore toute récente, et que de plus Johnny Mafia ne joue pas, il nous semble, en terrain conquis : comme ils l’annoncent au micro, c’est leur premier passage à Montpellier, et la majorité du public est venue pour la release des Fabulous Sheep. Du coup, pour qui a déjà assisté à un de leurs shows, il est intéressant de voir comment le quatuor se comporte lorsqu’une salle, d’une certaine envergure qui plus est, n’est pas d’emblée acquise à leur cause, comme ça peut être le cas ailleurs.

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On sent depuis la fosse la frustration des frontmen attitrés du groupe, qui constatent que la communication traditionnelle à base de sourires, de joie naïve et de blagounettes détendues ne fonctionne pas comme d’habitude. C’est mine de rien une donnée importante, puisque cette atmosphère de sacrée rigolade fait partie intégrante de l’expérience Johnny Mafia, malédiction pour eux, condamnés à être à la fois bons ET marrants. Une certaine résignation se fait sentir, qui déplace le point de focalisation de la ligne de front à l’arrière-garde, et l’on se prend à observer le batteur (qui fait ça franchement ?), dernier arrivé dans la structure (quand même un an que ça dure maintenant), qui se bat dignement contre une cymbale unique et outrageusement charcutée, mordue de tous les côtés, essaie de tirer comme il peut les derniers cris de douleur du cuivre agonisant. Il tient vraiment la baraque, une frappe puissante, véloce et en même temps parfaitement propre, solide en défense ce qui amorce, sans aucun doute, la glorieuse contre-attaque qui se prépare.

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Le groupe a envoyé "Big Brawl", premier single de l’album Princes de l’Amour, mais surtout un titre trimballé depuis un moment et dont on connaît autant les qualités tactiques que techniques, et le douzième homme se réveille : un type secoue tout le monde dans la fosse, et organise une grande bagarre amicale, on sent le groupe revivre peu à peu sur scène, et la seconde moitié du concert sera toute différente. Même si Fabio, côté jardin, semble aux prises avec un pedalboard récalcitrant, la sauvagerie joyeuse des morceaux refait surface, et trouve enfin l’écho qu’elle mérite dans la salle. On nous gratifie notamment d’une relecture du titre "Black Shoes", son extension toute en tension, et un "Crystal Clear" (deuxième single blabla) râpeux à souhait.

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Fabulous Sheep

La prestation de Fabulous Sheep commence par un morceau pop et guilleret ; ceux qui ont déjà pu entendre l’album, ceux qui se sont penchés sur les EPs précédents savent déjà que le style Fabulous Sheep est une affaire de contrastes, et que cette proposition initiale, installant une atmosphère particulièrement positive, sera contrebalancée par de violentes estocades ; c’est le cas dès le morceau suivant, "People Around Me", qui tranche vigoureusement et met feu à la fosse. Ce départ ambivalent instaure une forme d’instabilité extrêmement agréable : tout peut se passer, on est bien loin des concerts-autoroutes où la seule surprise éventuelle serait un accident de parcours.

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C’est ce qui fait que le show, en dépit de sa longueur, ne lassera à aucun moment. Statut de star de la soirée oblige, plutôt qu’un set de type festival où le jeu est de mettre le public K.O. en 45 minutes, celui du jour est équilibré, aéré, le groupe prenant le temps de développer d’autres textures plus délicates, hypnotiques, de faire montre de ces aspects qui constituent son identité, sans négliger toutefois de botter des culs quand il le faut.

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La pluralité des voix joue pas mal dans le processus de séduction ; outre les refrains spécialement conçus pour être scandés comme des hymnes qui prennent aux tripes, et animent même chez le plus catégorique des renégats un genre de fibre patriotique, où le pays ce serait le rock’n’roll (pardon c’est naze), la voix lead passe de bouche en bouche et rafraîchit ainsi régulièrement l’oreille du badaud. Le bassiste notamment a eu le droit de chanter de nouvelles chansons ("Wasting My Time" peut rester en tête plusieurs semaines), et c’est fort bien, sa voix grave, posée, d’une intensité toute contenue ouvre la voie à tout un panel d’émotions nouvelles ; « c’est post-punk », on entend à côté. L’image de cet incroyable sang-froid au milieu de cette énergie rageuse a quelque chose de fascinant.

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La voix du public a également son importance dans la soirée : la fosse est ultra-réceptive, et même, entreprenante parfois – pour une fois, sur "Athenian Street", ce sont les spectateurs qui en frappant dans leurs mains en rythme incitent le groupe à faire de même. Une atmosphère très positive, nous l’avons dit, règne ici ; l’affection profonde, l’amour flotte dans l’air, véritablement palpable, comme si le public n’était composé que des mamans des musiciens – mais on ne blinde pas le Rockstore juste avec les mamans.

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La seule chose que l’on regrette au final, est le fait que cette petite touche synthétique qui était apparue à certains instants de l’album, surprenante au regard des EPs précédents, et bien plaisante, apportée par le biais des claviers de Gabriel Ducellier, n’ait pas été plus exploitée pour le live. Lui aura tout de même son heure de gloire, mais derrière un autre instrument, au cours d’un solo de saxophone fiévreux pendant "Kills Me Slowly", appréhendée à raison par le groupe comme le climax du concert, qui déchaînera définitivement la foule, mutera en disco (?) le temps de quelques secondes et s’achèvera sur le « pop » d’une bouteille de champagne secouée sur scène et partagée avec le public. L’histoire de ce premier album commence bien.

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Crédits photos : Yann Landry

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