Festival Transfer : Jour 2 – Temples, Health, Pom Poko, Johnny Mafia…

Jour 2 – vendredi 8 mars

Après la parenthèse de l’Epicerie Moderne en ouverture, retour au Transbordeur ce soir, véritable demeure du Festival Transfer. C’est une nuit éreintante qui attend le public lyonnais, avec, de 20h à plus de 2h du matin, un enchaînement de concerts sans la moindre interruption, en alternance entre deux salles. D’autant que la programmation est de celles dont on refuse de perdre la moindre  miette, dans un équilibre idéal entre artistes d’un certain renom et de qualité, et petites découvertes enthousiasmantes.

Raoul Vignal

Raoul Vignal et son groupe ont, selon une citation approximative de leurs propos, la « lourde tâche d’ouvrir la soirée ». Effectivement, la salle n’est pas bien pleine lorsque le set du songwriter lyonnais commence – ça se remplira au fur et à mesure. Contrebasse, moustache et vibraphone, le quatuor distille une folk tranquille et douce, ce dernier instrument ajoutant une touche de psychédélisme fait main assez intéressante : plus globalement, la composition du groupe permet la proposition d’une musique riche en sonorités sans le recours systématique à l’effet électronique. C’est du planant bio, qui prolonge un peu le songe de la veille.

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Pom Poko

Les choses sont bien plus électriques dans la grande salle, avec les Norvégiens de Pom Poko : un batteur véner qui joue sans peur de fendre ses cymbales, un bassiste hyperactif au groove furieux, et un guitariste construisant avec une certaine rigueur un son méticuleusement crado, s’occupent de salir comme ils peuvent les tendres lignes de voix de leur charismatique chanteuse Ragnhil Fangel.

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Les titres sont hyper dansants, avec la grosse caisse sur tous les temps faisant dangereusement trembler le podium, et les mélodies de guitare tantôt attachantes, jolies, tantôt foutraques et dérangeantes – dans le bon sens du terme. Il en résulte une sorte de post-punk dans le rythme, portant une voix pop mais décalée, les deux axes s’avérant hautement compatibles au sein de structures bien chiadées, laissant la place aux mélodies qui s’incrustent durablement dans les cerveaux autant qu’aux bordels-purgatoires-batteur-tapant-partout-super-fort-larsen-ça-fait-un-max-de-bruit.

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Marble Arch

Dans la petite salle, la pop aérienne et conventionnelle de Marble Arch nous emballe moins. Le public présent apprécie tout de même. Bien que l’on puisse trouver quelques qualités peu contestables çà et là, notamment dans l’efficacité de la gestion des ambiances et crescendos, il nous semble trop souvent avoir déjà entendu tout ça auparavant.

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Temples

C’est clairement l’attraction du week-end, le groupe qui aura fait confluer les festivaliers de Lyon et d’ailleurs vers le Transbordeur, que ce soit pour leurs qualités musicales ou capillaires (« Temples c’est tout ce que j’adore, il a les cheveux trop soyeux » entendra-t-on le lendemain dans les couloirs). On est donc plutôt serré dans la fosse de la grande salle, mais l’ambiance est détendue, conforme à l’esprit vieil hippie mystique et à l’odeur de patchouli que dégagent les musiciens.

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Mais le fait est qu’il n’y a pas tant à dire sur ce concert. On passe un excellent moment, chantant avec tout le monde les refrains pop psychés obsédants qu'on connaît, seulement, au final, on manque de contenu : la proposition de Temples en live n’est pas très fournie, aucunement surprenante. Sans paraître hostile, le groupe n’a qu’une présence discrète sur scène – ce qui a au moins le mérite de laisser le spectateur voyager intérieurement et en solitaire, mais empêche la création d’une osmose de toute la salle autour d’une figure fédératrice.

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De plus, les titres ne diffèrent pas vraiment de leur version studio ; même si l’on n’a pas envie d’entendre un solo de guitare d’un quart d’heure en improvisation, ça manque un peu de vie. L’équilibre du set est la seule donnée étonnante, avec une franche majorité de morceaux issus du premier album, très peu du second. La team Sun Structures jubile, les fan de Volcano grognent. Quant à ceux qui voulaient entendre des trucs de l’album à venir ils n’existent même pas : on y a cru à un moment, mais il semble que ce qu’on a pris pour une nouveauté n’était en fait que la face B de leur tout premier single, "Shelter Song". Bon, rien donc. Reste que tous ces morceaux sont excellents, techniquement impeccables, que le son est propre et que le nouveau batteur a une coupe de cheveux fascinante. Ça peut parfois suffire.

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Lebanon Hanover

On quitte la joie tranquille du set solaire de Temples pour aller se rappeler que la vie c’est de la merde, que le monde va mal et que c’est la dépression avec Lebanon Hanover, duo britannico-helvète incroyablement triste. Une voix féminine née d’une agonie pleine de dignité, une voix masculine faisant un concours de funeste avec Robert Smith, des boites à rythmes agressives, il s’agit du genre de show où l’on s’abrutit volontiers avec les structures répétitives : on se met la tête dedans et on attend que ça passe. Il manquera tout de même un petit quelque chose pour nous accrocher, que notre photographe éclairé résumera fort à propos en rappelant le charisme gigantesque et théâtral qui semblait émaner des membres du groupe à travers leurs vidéos, que l’on ne retrouve pas sur scène avec ce duo éteint, absent.

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Johnny Mafia

Antithèse totale avec le quatuor de Sens, que l’on voit maintenant tellement souvent qu’on se rend compte que William s’est coupé les cheveux (genre on appelle le bassiste par son prénom et tout). Le seul truc qu’on parvient à noter dans notre petit carnet est : « moins de monde mais les gars sont chauds ». C’était avant de se faire emporter par un torrent de punkillons déchainés se jetant dans une mer de décibels dont l’agitation rendit inenvisageable l’usage du stylo bille, et donc tout entretien du journal de bord.

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Le contraste esthétique avec le reste de la programmation du jour est saisissant, mais les choses n’en sont que plus enthousiasmantes, la soirée, parfaitement cathartique : Johnny Mafia a amené sa propre ambiance et l’impose magistralement. Les deux albums sont représentés dans la setlist, et les titres du récent Princes de l’Amour, qui nous avaient moins convaincus à sa sortie, trouvent parfaitement leur place dans le contexte d’une grande salle comme celle-ci, la configuration parfaite pour restituer leur lourdeur et leur explosivité. On leur découvre alors un nouveau visage qu'on ne conaissait pas, une violence plus froide qu’auparavant, sur des tempos moins enlevés que les fêtes punk de Michel Michel Michel, mais matraqués plus sèchement – on comprend où ils veulent en venir, on comprend comment le nouveau batteur a influencé le son du groupe, et on trouve ça pas dégueu.

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Et puis l’attitude globale n’en est pas moins gaie, tout est bien. L’engagement est total sur la scène, irréprochable pendant ou entre les morceaux, et logiquement, le Transbordeur se retrouve entièrement acquis à la cause de Johnny Mafia.

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Health

La soirée se conclut dans la petite salle avec Health, des habitants de la Cité des Anges connus notamment pour avoir composé quelques morceaux pour des jeux vidéo (c’est Wikipédia qui le dit : Max Payne 3, GTA V). Le soleil de la Californie, l’odeur du sable chaud, la joie délurée des teenagers springbreakant dans les boites branchées de L.A. après une partie de beach volley, sont autant d’éléments qu’on ne retrouve pas dans la musique de ce groupe, que l’on imaginerait plutôt provenir de Berlin dans un futur alternatif où le Mur ne serait jamais tombé.

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Un chant désespéré d’une infinie légèreté s’oppose à la frappe incroyablement lourde du batteur, pendant que le bassiste bidouille des machines de l’enfer entre deux headbangs : on ne comprend rien à ce groupe. En l’espace de quelques minutes, le spectateur imprudent se change en un monstre horrible assoiffé de violence électronique, à l’affut des structures fragmentées superbement ficelées, comme un loup-mutant observant furtivement un alléchant troupeau de moutons transgéniques. Ça tape dans tous les sens, et au plus fort de la tension ça s’arrête subitement ; et ça recommence, les déflagrations reprennent, semant le trouble dans la petite salle du Transbordeur, alors le loup-mutant profite de la confusion pour surgir de derrière le buisson radioactif et bouffe le berger. Les moutons s’enfuient en agitant leurs mains en l’air et en bêlant stupidement.

Crédits photos : Thomas Sanna

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