TINALS – Jour 1 – Fat White Family, Ron Gallo, Black Midi…

Nouvelle édition du This Is Not A Love Song de Nîmes, La Grosse Radio débarque en gang à Paloma, quatre de front pour le premier jour, la poussière vole autour de nous et les mamans serrent leurs gosses contre elles sur notre passage. Gros programme pour ce week-end ascensionnel à sensations, avec une affiche toujours aussi maline, qui s’est d’ailleurs ouverte un peu plus largement, cette année,  sur ces musiques qu’on dit urbaines. Nouveauté 2019 : tirant profit du jour férié, les organisateurs ont décidé d’ajouter une après-midi gratuite supplémentaire ; on passe donc de deux, l’an dernier, à trois, une par jour, c’est beau c’est propre c’est pour ça qu’on les aime.

TINALS, This is not a love song

Le SuperHomard par Laetitia Maciel

C'est au groupe Le SuperHomard, qui a sorti son premier album Meadow Lane Park cette année, qu'incombe la lourde tache d'ouvrir le bal à Nîmes ce week-end. Les références cinématographique ne s’arrêtent pas à leur nom (tiré du film Ne nous fâchons pas de Lautner) tant, dès le premier morceau, on se sent embarqué dans la B-O d'un road-trip éthéré de S. Coppola : une voix douce, portée par un synthé planant et une batterie enjouée nous parlent du vent, du soleil, du printemps tandis que la basse ronde nous rattache à la terre et tient le volant.

Le Super Homard, TINALS, This is not a love song

Sa conduite est sinueuse, comme le fil ténu sur lequel se balance le charme du groupe, entre des bidouillages éléctro kitch, de la pop enjouée et des touches de disco dansantes. Au fil des morceaux, l'ambiance cinématographique ne se dément pas, le titre "Meadow Lane Park" avec son chant plus ample lorgne vers la BO d'un James Bond cru 71 : le Pop des 60's et le groove des 70's. Un autre morceau, instrumental celui là, pourrait être une version moderne du générique D'Amicalement Vôtre. C'est Vintage, mais frais et plaisant. Il faisait beau à Nîmes cet après-midi là, et le soleil va bien au SuperHomard !

 

Wallows par Laetitia Maciel

Si vous avez regardé la série produite par Netflix, 13 Reasons Why, vous êtes déjà familiers de la ganache de Dylan Minnette, interprète de Clay, héros adolescent qui essaie de comprendre le suicide de sa copine. Sur la Scène Flamingo du Tinals, en cet après-midi, c'est le groupe Wallows que l'on découvre, fondé à Los Angeles par des copains d'enfance, regroupant le jeune Dylan (guitare et voix), Braeden Lemasters (guitare et voix), et Cole Preston (batterie), et qui prendra sa forme actuelle en 2017, sortant son premier EP en 2018 et son premier album Nothing Happens en 2019. Sur scène, un quatrième et mystérieux membre assure le clavier.

Wallows, TINALS, This is not a love song

Ces Angelenos ne réinventent pas le rock... Ils proposent un Surf Rock vitaminé qui flirte avec le Punk Californien sans jamais vraiment se décider à renverser la table. On est tout de même accrochés par la qualité mélodique des deux guitares pour les premiers morceaux du set et par l'âpreté de la batterie. La suite perdra en intensité avec un long passage de ballades, au cours duquel le groupe s'autorise quelques incursions du côté de Tijuana, leur Pop grinçante se parant à l'occasion de cuivres chaleureux. On se secouera un peu avec une petite reprise de The Cure, "Boys don't cry", dont le meilleur moment fut la reprise du riff par la trompette. Finalement on est devant un groupe un peu vert. Il y a de bonnes choses à creuser cela dit, et on espère voir chez eux à l'avenir plus de ces mélodies râpeuses qui nous ont accrochés en début de set.

 

Black Midi par Davy Sanna

Le Club, qui fait son retour parmi les espaces accueillant des concerts pour cette édition, est comble (ce sera une constante sur ces trois jours). Les Black Midi sont quatre de front eux aussi ; le batteur a beau être poussé sur le côté de la scène, c’est bien lui qui prend toute la place, captivant les regards du public comme ceux des musiciens, qui s’appuient sur lui à la moindre mise en place. Le terme de math-rock est nul, conditionne une écoute intellectualisée quand c’est à l’émotion des ambiances successives qu’il faudrait se remettre. Ici les brusques détours fonctionnent et se laissent suivre. Les passages dansants le sont à l’extrême, ou ne le sont qu’à moitié exprès.

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On déplorera seulement le retrait un peu froid des musiciens à cordes qui ne sert pas leurs efforts, planqués derrière des chapeaux de cow-boy, et derrière leur batteur-phénomène qui tient si bien la baraque qu’on en vient à penser qu’il pourrait même rendre un concert de Kurt Vile quasi-intéressant.

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The Inspector Cluzo par Yann Landry

Mais tant mieux Cluzo, tant mieux !!!!
Mais tant mieux, tant mieux messieurs que tant de monde vienne vous voir en concert, car oui, la foule s'est massée devant la scène Flamingo pour vous. C’est ce qu'il y a de plus beau ici, le monde devant votre concert. Parce que à part ça messieurs, vous nous gavez ! Vous nous gavez comme vous gavez vos oies avec vos «Fuck you», avec vos diatribes contre, au choix, Le Printemps de Bourges ou Rock en Seine qui, bouhouhou, ne vous ont jamais programmés, avec votre Rock américain. Oui on a compris, vous avez été invités par Clutch pour une tournée aux EUA, vous nous l'avez répété au moins trois fois... Et c’était tellement bien que vous êtes revenus avé l'accent de là-bas...

The Inspector Cluzo, TINALS, This is not a love song

Alors on sait le Rock n’est pas né en Angleterre, merci messieurs, mais vous nous le servez au fond du gosier, en beuglant contre les bobos qui ne pigeraient rien au «Wock & Woll». Votre show, s'il est costaud, plutôt bien foutu (même si le coup du démontage de la batterie, faut pas nous la faire, on l'a déjà vu chez vous, et pas qu'une fois !) et provoque moult pogos fous furieux, est gâché par cette attitude revancharde. Mais quoi à la fin ? Le Printemps de Bourges ne veut pas de vous ? Mais et nous alors qui sommes là, à pogoter joyeusement ça ne vous suffit pas ? Un festival comme le Tinals qui vous programme sur la grande scène extérieure, c'est pas assez bien pour vous ? Vous vous êtes faits tous seuls ? Mais tant mieux. Mais vous savez quoi, vous n’êtes pas les seuls, et c'est tant mieux !! Tant mieux pour vous, mais pour votre public, ce serait plus digeste si vous vous absteniez de le gaver à chaque fois avec ces diatribes anti institutionnelles. Respectez votre public, foutredieu !
Et changez de disque !

The Inspector Cluzo, TINALS, This is not a love song

 

Chai par Davy Sanna

Le TINALS fait cette année la part belle aux musiciens basés en Asie ; les premiers représentants de cette bienheureuse tendance sont les quatre membres de Chai qui, en tant qu’habitantes du Pays du Soleil Levant, semblent forcément un peu en avance sur le monde. L’évolution du concert est impressionnante : du son purement garage punk des débuts, on bascule très progressivement vers un rock électronique crado et très dansant.

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C’est une sensation étrange de se croire longtemps à un concert punk et de se rendre compte tout d’un coup qu’on se trouve en fait dans une boite de nuit interlope, sans que l’on sache à quel moment on a tous été téléportés. Même si les harmonies vocales sont trop aiguës pour nos oreilles, la voix cartoonesque de la chanteuse a fait la transition, les grands sourires n’ont rien gâché, le côté chorégraphique du jeu de scène, qui sera très présent tout au long du festival, n’est pas encore gonflant ; tout est si bien qu’on ne se rend même pas compte qu’on est en train de rater Shellac.

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Ron Gallo par Davy Sanna

Sur la petite scène extérieure, la Mosquito, le frisé de Nashville (pas top comme surnom) joue dans une formule trio des chansons à propos de lui-même. Le départ est dynamique, les mélodies sont accrocheuses, et en ce qui concerne l’interprétation, on ne s’écarte pas beaucoup de l’album sorti en octobre dernier, Stardust Birthday Party. On remarque au passage que le son des scènes extérieures, qu’on avait trouvé mauvais l’an dernier une fois que la nuit tombait, est bien meilleur cette année, preuve, peut-être, que les sondages de fin de festival servent à quelque chose.

Ron Gallo, TINALS, This is not a love song

Un type frustré par la différence d’énergie entre la scène et le public, assez passif pour l’instant, nous offre sa bière pour avoir les mains libres et plonge vaillamment dans la foule ; c’est d’ailleurs après ce coup d’éclat épique que le feu prendra véritablement, le public s’agitant enfin sur le riff sautillant de "Do You Love Your Company?".

Ron Gallo, TINALS, This is not a love song

Quelques astuces nourrissent la folie festive ambiante, comme l’inclusion du générique de F.R.I.E.N.D.S. au titre "We Are Really Nice Guys" (ce qui fait sens : c’est une chanson à propos de ces musiciens qui ont l’air tellement sympas que plus personne ne veut leur dire qu’ils font de la merde), jusqu’au final sauvage. En interview quelques heures avant, Chiara D’Anzieri, compagne de Ron Gallo à la tête du projet pop lo-fi Chickpee dans lequel celui-ci joue de la batterie, nous avait dit qu’elle pouvait monter sur scène, « des fois ça arrive, des fois ça n’arrive pas » ; on comprend en fait que c’est selon l’envie de Ron de se jeter dans le public. Ce soir, ça arrive – c’est que le public doit être bon.

 

The Messthetics par Davy Sanna

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Le club accueille l’ancienne section rythmique de Fugazi, formant un trio avec le guitariste Anthony Pirog. The Messthetics propose des instrumentaux particulièrement bien écrits au fort pouvoir hypnotique, et interprétés avec une précision virtuose. Les développements sont captivants, se passent constamment de démonstration gratuite et présomptueuse : ni technique superflue, ni prétention à usurper l’identité de Mozart, leurs morceaux pourraient être qualifiés de narratifs par qui fait suffisamment confiance au trio pour se laisser guider par les émotions  qu’il distille. Pas vraiment proches de Fugazi, ils ne feront pas l’unanimité ce soir, mais livrent au moins une prestation pleine d’humilité et de classe.

The Messthetics, TINALS, This is not a love song

 

Fat White Family par Davy Sanna

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Dans la Grande Salle, l’un des concerts les plus attendus clôt cette première journée de festival : Fat White Family, grande attraction de la nuit, ressemble à un gang de gourous s’adonnant à une cérémonie interdite sur scène, et convertit peu à peu chacun des festivaliers à sa secte stupéfiante.
Qui les a déjà croisés sur l’une des tournées précédentes, découvre ici une autre facette des Fat White, celle d’un groupe étonnamment crédible musicalement : nouveau label, gloire dans les charts avec l’album Serf’s Up bien représenté ce soir, les Londoniens ont incontestablement évolué.

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Le son est incroyablement propre (gloire à la Grande Salle), et exceptionnellement le groupe joue bien ses morceaux, dans le sens de l’exécution technique, ce qui n’avait jamais semblé être une priorité (on n’y allait pas vraiment pour ça d’ailleurs) et crée un paradoxe : le public en ébullition, la plèbe, le commun des mortels, semble plus dingue que le groupe lui-même, sages junkies concentrés sur leurs instruments. La responsable de cette impression trompeuse pourrait être la répartition des chants : Lias Saoudi, frontman charismatique, s’est souvent occupé seul du spectacle visuel, ce qui fonctionnait auparavant lorsqu’il prenait à son compte la grande majorité des gémissements dans le micro ; mais à présent les chœurs ont un rôle prépondérant, la voix lead est détrônée, sans que l’animation scénique ne soit elle aussi reprise par les membres de cette chorale occulte et magistrale : les remous de Lias ont moins d’impact, et la relative passivité des autres membres est mise en évidence.

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On pinaille : la messe cabalistique demeure prodigieusement cathartique, et l’on se sent encore plus léger qu’à la sortie du confessionnal. Fat White Family développe une trajectoire et un son uniques, aux textures de plus en plus soyeuses, et un planant corrosif respirant le danger à chaque instant. On sait donc dès le premier jour que ce live restera l’un des points culminants de cette édition. C’est en tout cas ce qu’on se dit quelques minutes plus tard en s’endormant dans le parking parmi les campeurs sauvages avinés.

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Crédits photos : Yann Landry, Thomas Sanna

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