Apple vient nous sauver de Spotify !

Hallelujah mes frères, le sauveur est arrivé ! Ou il va arriver d'ici peu. Mais oui, l'âge de terreur sous le joug de l'infâme Spotify touche (probablement) à sa fin ! Pourquoi ? Parce qu'Apple, le sauveur et gourou de la plus grande secte au monde, va investir le marché du streaming sous peu (vraisemblablement en juin). Quelques chiffres, et un peu d'histoire...

Le streaming tend à s'imposer depuis plusieurs années comme LE dispositif d'écoute privilégié à l'ère du numérique. Pour preuve, il est en croissance constante, tandis que les ventes de fichiers numériques sont, elles, en baisse. La France suit la dynamique mondiale : selon le SNEP (syndicat national de l'édition phonographique), le nombre de titres écoutés a augmenté de 40% entre 2013 et 2014, le nombre d'abonnés de 35%, les revenus issus du streaming de 34%. Malgré la baisse des ventes de fichiers, les revenus issus de la musique numérique augmentent de 6%. Le streaming représente 55% du marché numérique et 16% des revenus issus du marché de la musique enregistrée.

En résumé : la vente au détail, le fait de posséder de la musique, c'est du passé et cela ne concerne plus qu'un petit nombre de personnes. Si les ventes d'Ipod sont en baisse (et l'arrêt de production d'une pièce empêche la poursuite de la production), en revanche, les ventes d'iPhone explosent : désormais, il faut du tout en un, et concernant la musique, pouvoir accéder à une large base de musique sans avoir rien de plus à faire que quelques clics. Si on peut supposer que les passionnés continueront de classer soigneusement leur musique, le grand public cherche avant tout la simplicité. Le streaming, c'est l'avenir.

Aujourd'hui, le leader du marché s'appelle Spotify. Le principe est connu : 20 heures mensuelles gratuites, au-delà il faut payer un abonnement. Tout bénef' pour le service, qui touche des ronds quoi qu'il arrive grâce à la pub, beaucoup moins pour les artistes, qui ne touchent que des cacahouètes. Le journaliste David McCandless du site Informationisbeautiful.net s'est amusé à compiler les données de l'industrie pour mettre en évidence que pour toucher un SMIC (1160 $ américains), les artistes devaient vendrent soit : 143 CD en autoproduit, 1161 CD sur un label, 1229 albums numériques sur Itunes (ou 12400 titres), être écouté 850 000 fois sur Rhapsody, 1 546 000 fois sur LastFm, ou 4 549 000 fois sur Spotify. Dans tous les cas, le streaming ne rapporte pas grand chose, mais chez Spotify, c'est le top (ce qui explique que les Black Keys ou Anathema, entre autres, aient refusé d'y être).


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Forcément, chez les artistes, ça grogne. Les compositeurs ont cherché à obtenir une part plus importante des revenus issus du streaming, puisque les labels gagnent 5 à 12 fois plus. En mars 2014, l’American Society of Composers, Authors and Publishers a perdu son procès contre le site de streaming Pandora. Ce dernier déclarait ne pas pouvoir proposer aux auteurs plus de 1,85% de ses revenus annuels, du fait qu’il en versait déjà 49% aux labels. Les auteurs estiment que les labels ayant moins de frais avec le numérique (pas de frais de distribution, de retour etc.), ils devraient toucher une part plus importante. Si aux Etats-Unis, les auteurs ne peuvent refuser l’utilisation de leur musique aux labels, les compositeurs européens pourraient chercher à faire pression.

Mais tout pourrait aller beaucoup plus vite avec l'arrivée du sauveur à la pomme. Le service BeatsMusic, développé en 2012, engage Trent Reznor de Nine Inch Nails pour les aider à développer un service qui puisse offrir de meilleures recommandations aux auditeurs en fonction de ce qu'ils écoutent déjà. Un service qui existe chez la concurrence, mais qui s'avère très limité et peu convaincant (tu écoutes Metallica, tiens, voilà Iron Maiden, youpi !). Le service fait beaucoup parler de lui du fait que de nombreux artistes et acteurs de la radio sont employés comme curateurs. Le service signe un deal avec les labels indépendants, devient actif le 21 janvier 2014, intéresse de plus en plus d'investisseurs, et donc ni une ni deux, Apple, qui cherche un moyen de faire son entrée sur le marché du streaming, rachète la boîte pour 3 milliards de dollars le 28 mai 2014.


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Dès lors, tout va très vite, puisque Beats Music sera intégré à Itunes dès juin 2015. Spotify possède un avantage indéniable : celui de la gratuité. Néanmoins, la hausse du nombre d'abonnements montre que la gratuité n'est pas aussi déterminante qu'on voudrait nous le faire croire (ce que suggéraient déjà les études sur le piratage à la grande époque de Napster). Si BeatsMusic n'a pas décollé jusqu'à aujourd'hui, Apple arrive avec ses 200 millions de comptes Itunes et ses 800 millions de comptes utilisateurs AppStore. La marque a d'ores et déjà décidé de proposer une période d'essai de 3 mois, avant de proposer un abonnement à 7,99 euros par mois seulement, soit le prix le plus bas du marché des offres payantes.

Si 75% des utilisateurs de streaming s'en tiennent aux offres gratuites financées par la publicité, ils ne représentent que 10% des revenus du marché. Or, ce sont bien les 90% restants qui sont visés par la firme à la pomme, qui va appliquer la même tactique que précédemment : baisser ses marges au maximum tout en garantissant un revenu décent aux artistes et à l'industrie, en cherchant à rentabiliser via les appareils. Autre avantage, le service sera disponible sur iOS mais aussi sur Android. Le successeur de Steve Jobs avait d'ores et déjà annoncé qu'il avait l'intention de laisser tomber la stratégie "propriétaire" visant à enfermer les consommateurs dans le giron Apple, ce qui est une excellente nouvelle.

Reste que la guerre n'est pas encore gagnée, et que si Apple en vient à s'imposer sur le marché du streaming, qui sait à quelle sauce il décidera de nous manger ? Car depuis son carton avec iTunes, Apple peut véritablement se comporter en patron des majors. Ces dernières ne sont certes pas des enfants de choeur, mais n'oublions pas que comme l'écrivaient Philippe Chantepie et Alain le Diberder en 2010 :

" les industries culturelles au sens large, écrit compris, pèsent donc moins d'un cinquième du nouvel ensemble dans lequel ils s'insèrent. Il est important de conserver à l'esprit cette différence de poids économique, car même si les chiffres d'affaires respectifs de ces différentes activités ne sont pas la seule donnée à prendre en compte, ce rapport est aussi un rapport de force" (in Révolutions numériques et industries culturelles).

Que Spotify soit amené à changer sa politique ne peut qu'être une bonne nouvelle, mais pour le reste, la prudence reste de mise. L'appétit d'Apple, qui cherche à devenir l'acteur principal du marché de la musique, voire, à terme, le seul acteur, pourrait bien révéler des intentions qui sur le long terme tendraient à desservir le monde de la musique plus qu'autre chose.

 

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