Soilwork – Övergivenheten

Une nécessité de se réinventer tout en honorant son héritage, après deux années difficiles, voilà ce qui a animé la formation suédoise Soilwork pour la création de son nouvel opus Övergivenheten. Cet ensemble généreux de quatorze titres succède au solide Verkligheten (2019) et réussit à présenter suffisamment de richesse et de nouveauté tout en affirmant encore une identité death mélodique assumée.

Le récit de ces deux dernières années pour Soilwork semble malheureusement bien familier : une tournée brusquement mise à l’arrêt pour cause de pandémie, un isolement subi et l’impossibilité de fonctionner en tant que groupe pendant de longs mois, un monde qui change et un besoin irrépressible d’exprimer en musique ces doutes et ces bouleversements.

Le groupe s’est de nouveau tourné vers le producteur Thomas “Plec” Johansson, comme pour les deux albums précédents, et a écrit et enregistré ces nouveaux morceaux lors de trois sessions différentes étalées sur l’année 2021, au Nordic Sound Lab en Suède. Du connu, certes, mais il ressort une certaine évolution et une réelle maturité dans le son et l’univers qui se fait plus réfléchi, plus sombre aussi. Övergivenheten (l’abandon, en suédois) parle de l’abandon au sens large : de la peur d’être abandonné à l’idée d’abandonner l’autre, entre autres angoisses existentielles au menu de cet opus aux thématiques graves, témoignages des questionnements de Björn "Speed" Strid et David Andersson, les deux compositeurs principaux, sur le monde qui les entoure.

Reprenant le même travail créatif que sur le précédent opus, le combo a pris soin de mêler des atmosphères et d’apporter un côté organique à l’ensemble de ses compositions. Le morceau "Nous Sommes la Guerre" se révèle étrangement efficace, et débute par une intro syncopée et presque mystique marquée par les claviers de Sven Karlsson, les guitares plus lentes, et les paroles en français déclamées par une voix féminine. Il se dégage une touche d’atmo et de new wave, sombre et assez grave, tandis que l'atmosphère nostalgique des années 80 est poussée à son paroxysme avec les harmonies dans le refrain.

Ce douzième album au compteur met avant tout en évidence ce qui fait que Soilwork est Soilwork. Le groupe donne ses lettres de noblesse au death mélodique dans toute sa dualité, avec d’énormes mélodies et une puissance ravageuse, deux traits en cohabitation permanente. Le talent du combo est de nouveau démontré ici, sous la forme de refrains inimitables, véritables hymnes déroulés avec aisance, accrocheurs au possible, et de l’autre côté des couplets marqués par de l’agressivité et une technique impressionnante.

Ainsi, "Death, I Hear You Calling", malgré son propos sombre, se révèle très euphorisante. Le refrain irrésistible et l’énergie heavy classique est ponctuée par des growls bien placés. The Night Flight Orchestra n’est pas loin, et ce n’est pas pour nous déplaire. Une recette imparable qui est cependant loin de résumer toute la richesse que l’on peut trouver dans le dense Övergivenheten.

Les compositions sont en effet souvent plus complexes que ce que l’on peut imaginer à la première écoute. Des variations s’invitent, contre-pieds à ce que l’on pourrait attendre avec un schéma couplet death / refrain mélodique. Soilwork délivre parfois des couplets où cohabitent rage, délicatesse, cris et chœurs. Parfois sur le fil, le combo joue des contrastes et se dirige vers du clair-obscur en mêlant sensibilités délicates ou robustes, comme avec la confrontation entre growls et double blast, en force dans "This Godless Universe", avec de belles lignes de violon et un travail subtil sur le chant.

Soilwork_band2022
Crédit photo : Stephansdotter Photography

Il est évident qu’avec quatorze titres, la lassitude peut finir par arriver et certains trouveront des pistes moins singulières ou moins harmonieuses (les pérégrinations progressives aux relents un peu trop solennels de l’ultime piste "On the Wings of a Goddess…" ). Mais le groupe a eu à cœur de mettre l’auditeur au centre de compositions complexes, variées et honnêtes, dans une multitude d’influences, avec de franches réussites.

Le très bon single "Dreams of Nowhere", par exemple, s’ouvre sur une intro monumentale à la batterie. La structure est loin d’être évidente, avec des subtilités qui se découvrent progressivement. Complexe, technique, marqué par un refrain émouvant agrémenté de double pédale, le morceau s’achève sur des teintes organiques vibrantes avec la mélodie au piano et au violon.

Impossible de passer à côté du jeu exceptionnel, dynamique et lumineux de Bastian Thusgaard à la batterie sur cet album. Superbement mis en avant par la production soignée, ce dernier brille sur chaque titre. Par des attaques de double blast pleines de fougue, en contraste avec les effets harmonieux, ou sur des tempos heavy savoureux.

Parmi les morceaux les plus rythmés de l’album, mentionnons "Harvest Spine", heavy, énergique et agressif. D'énormes riffs et des lignes mélodiques se posent sur un tempo galopant avant d’imposer un solo fou et de mettre en avant la solide ligne de basse signée Rasmus Ehrnborn. Sur "Vultures", titre death bien rentre-dedans, les riffs et la basse se font hypnotiques. "Is It In Your Darkness" pose quant à lui un thrash d’école qui décoiffe dès l’entame, de la rage, et même si le refrain s’élève au chant clair souligné de cris, finalement, le scream prend le dessus. Dans ces morceaux rapides comme sur les titres plus posés, il faut également souligner la belle complémentarité entre la guitare rythmique du Français Sylvain Coudret et la guitare lead de David Andersson. Par des lignes délicates, des soli, ou d’énormes riffs, la paire de musiciens s’amuse et nous régale.

Comment ne pas terminer sur le chant de l’incontournable Björn Strid, décidément l’ un des meilleurs vocalistes de sa génération. De la puissance, du charisme à revendre, et une polyvalence rare car la saturation comme le chant clair lui vont si bien. Sur la pépite "Electric Again", à écouter bien fort, l’attaque impressionnante mène à un pré-refrain crié et un refrain lent, puissant, qui se retient en une seconde. Tout fonctionne très bien, les paroles presque mièvres se muent en scream redoutable. Puis le son chute pour un pont folk mené par du violon irlandais, mais la double pédale maintient le filigrane avec le reste et annonce le retour du shred impitoyable.

Contrat rempli pour Soilwork qui signe un opus riche, varié et authentique, et poursuit son avancée sans renier son héritage. Une identité assumée et une générosité certaine qui ne pourra que satisfaire les fans se languissant de retrouvailles à l’unisson dans les salles de concert avec le groupe.

Line-up Soilwork :

Björn “Speed” Strid (chant) - Sylvain Coudret (guitare) - David Andersson (guitare) - Rasmus Ehrnborn (basse) - Sven Karlsson (claviers) - Bastian Thusgaard (batterie)

Tracklist Övergivenheten :

1. Övergivenheten (5:45)
2. Nous Sommes La Guerre (6:53)
3. Electric Again (4:22)
4. Valleys Of Gloam (4:11)
5. Is It In Your Darkness (4:04)
6. Vultures (5:47)
7. Morgongåva / Stormfågel (1:33)
8. Death, I Hear You Calling (4:41)
9. This Godless Universe (4:41)
10. Dreams Of Nowhere (4:29)
11. The Everlasting Flame (1:06)
12. Golgata (4:59)
13. Harvest Spine (5:10)
14. On The Wings Of A Goddess / Through Flaming Sheets Of Rain (7:31)

Sortie le 19 août 2022 via Nuclear Blast

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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