Wardruna – Birna

On n'arrête plus Einar Selvik. Après un sublime Kvitravn un peu plus accessible et une date magique à Paris, le voilà qui revient en plein hiver glacial pour nous parler de cet animal fondamental dans la culture scandinave : l'ourse. C'est quasiment un concept album qui n'offre à nous avec ce personnage ursin qui fait également résonance aux femmes d'aujourd'hui. On a toujours loué Wardruna pour sa capacité à étonner malgré un genre assez cadré et ce nouvel opus qui sortira le 24 janvier sur le label Sony Music, ne fait pas exception. 

Wardruna, Einar Selvik, neo folk, Birna

Avec ce cinquième album, Einar reprend une formule qui fait mouche depuis maintenant plus de vingt ans : une musique neo folk mêlant instruments traditionnels et quelques nappes de synthés. Mais ce qui mène vraiment les compositions du début jusqu'à la fin, ce sont les voix. Après un opus plus accessible, Wardruna replonge dans un concept intéressant qui met en valeur l'humain à travers le chant, notamment la femme. Birna, en vieux norrois veut dire "ourse". Cet animal totem imprègne l'album du début à la fin. On oserait même parler de concept album tant il est facile de se représenter le parcours de cette ourse tout au long des chansons. Le triptyque "Ljos til Jord", "Dvaledraumar" et "Jord til Ljos" raconte l'hibernation, de la lumière à la terre, le rêve puis la renaissance vers le printemps : de la terre à la lumière. Il est facile également de se projeter pour peu qu'on comprenne les paroles un conseil : regardez les vidéos sous titrées sur Youtube) car Birna est clairement un voyage sensoriel avec des samples travaillés et des percussions qui rappellent le battement du cœur de l'ursidé ("Hertan" signifiant cœur) ou les pas dans la forêt au début de "Tretale". C'est aussi un voyage initiatique qui démarre par une sorte d'incantation d'Einar Selvik dès les premières secondes de l'album. Telle une ourse, le chanteur nous demande de nous renouveler, de passer de l'ombre à la lumière et d'hiberner pour mieux renaître. Quelle magnifique métaphore pour ces temps un peu sombres au niveau météorologique mais aussi géopolitique.

Le multi-instrumentiste s'est glissé dans la peau de son personnage, cela se sent de par la pochette "poilue" mais aussi par la prévalence des voix féminines. Le morceau "Himinndotter" permet à la chorale Koret Artemis (cette dernière étant la déesse de la chasse et de la lune) de prendre le devant et de transformer le chant poétique d'Einar en quelque chose de plus sorcier, telle une congrégation de sorcières.

La vraie force de Wardruna a toujours été les images que sa musique invoque. Viennent forcément en tête les films L'ours de Jean Jacques Annaud mais surtout à The Revenant d'Alejandro González Iñárritu pour son côté très viscéral et primitif. Mais la musique fait aussi référence aux atmosphères plus confinées des œuvres de Hans Zimmer : comment ne pas penser à Gladiator en entendant les accords arabisants de "Ljos til Jord" ou ne pas s'imaginer Dune avec les instruments à vent sur "Birna". Sans révolutionner son style, une grande recherche stylistique rend chaque album différent. Entre new age ambiant et folk, Wardruna permet de rendre accessible deux styles assez difficiles d'accès. Entre Kitaro et HeilungEinar Selvik se pose en vrai "skald", le conteur scandinave et il est très aisé de s'imaginer autour d'un feu entrain d'écouter les grands récits de l'Edda avec le morceau "Hibjornen" où le chanteur est presque a cappella. Alors peut-être que certains morceaux de bravoure comme "Dvaledraumar" ne seront pas faciles à appréhender et nécessiteront une explication de texte, mais Wardruna a quand même mis quelques portes pour faciliter l'accès à sa musique si hypnotique : "Himinndotter" se pose comme le single le plus "easy listening" même si cet adjectif est un bien grand mot tant le titre est loin du folk metal ou de la folk pop qui vient alimenter les railleries lors d'un concours d'Eurovision.

Même s'il n'a jamais eu envie de simplifier son propos et de quitter ce côté expérimental, Einar Selvik propose à chaque fois une vraie expérience, parfois ennuyeuse pour le néophyte mais qui marque à chaque fois les esprits, même pour les fans de la première heure. Alors qu'on pouvait penser que le groupe allait tourner en rond, Wardruna nous propose un autre film avec certes sa patte (d'ours) mais une volonté d'aller toujours de l'avant. On a déjà hâte de voir le prochain album et encore plus d'aller voir le combo en live vu son sublime concert de la salle Pleyel.

Tracklist

01-Hertan
02-Birna
03-Ljos til Jord
04-Dvaledraumar
05-Jord til Ljos
06-Himinndotter
07-Hibjørnen
08-Skuggehesten
09-Tretale
10-Lyfjaberg

Album disponible ici le 24 janvier sur le label Sony Music.

Wardruna, Einar Selvik, neo folk, Birna

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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