Trois ans après The Classic Symptoms of a Broken Spirit, Architects revient avec The Sky, The Earth & All Between, son onzième album studio. Un album qui marque un tournant majeur pour le groupe britannique, flirtant plus que jamais avec des sonorités plus accessibles et une production très moderne, sans pour autant renier complètement ses racines metalcore. Un autre constat est sans appel, l’ombre du producteur Jordan Fish (ex-Bring Me The Horizon) plane sur cet album. De là à voler la vedette au quatuor ?
Jamais Architects n’a semblé aussi proche du format radio-friendly. Pourtant, le groupe britannique de Brighton n’a pas totalement oublié son passé. On trouve sur cette nouvelle galette encore quelques fulgurances metalcore, notamment dans l’introduction "Elegy", qui illustre à merveille ce nouveau virage. Les nappes électro-pop et le piano subtil contrastent avec les explosions des gros riffs djent de guitare et des chants screamés. Ce morceau est un parfait résumé de l’album : un grand écart permanent entre accessibilité et héritage metalcore. Et assurément, un coup de cœur de cet album.
La volonté d’adopter un son plus grand public est manifeste et surprendra bon nombre de fans, d’autant plus que les premiers singles "Blackhole", "Seeing Red", "Curse" et "Whiplash" laissaient penser à un disque davantage ancré dans la lignée des précédents efforts du groupe. On pourra d'ailleurs regretter que la promotion de six morceaux sur onze avant la sortie ait gâché une partie de la découverte. Même s'il est difficile de nier l'efficacité de ces morceaux single qu'on s'était déjà passé de nombreuses fois en boucle. En tout cas, le constat est sans appel : Architects a voulu aller affirmer sa nouvelle identité déjà esquissée depuis ses deux derniers albums.
L’influence de Jordan Fish est telle qu’on pourrait parfois se demander si cet album est plus un disque d’Architects ou une extension de son travail. La production est léchée, les arrangements millimétrés, et on retrouve ce goût prononcé pour des mélodies accrocheuses qui faisaient déjà la force du dernier album de Poppy, Negative Spaces. On ne saurait que trop vous conseiller de prêter l’oreille aux différents arrangements, lorsque vous réécouterez les chansons de ce nouvel opus.
"Everything Ends", sans doute le titre le plus calibré pour la radio, en est le parfait exemple. Entre refrains ultra-mélodiques, subtilités d'arrangement et rythmiques créatives de Dan Searle (quel plaisir!), on y retrouve une formule efficace et très accessible. Ce morceau rappelle d'ailleurs beaucoup au single "The Emptiness Machine" du dernier album From Zero de Linkin Park. Un rapprochement d’autant plus pertinent qu’Architects ouvrira pour le groupe américain sur certaines dates allemandes cet été.
"Broken Mirror", aussi très radio-friendly, met en avant un Sam Carter repoussant ses limites vocales, atteignant des notes plus hautes qu’il ne l’a jamais fait auparavant. A plusieurs reprises d'ailleurs, nous nous sommes même demandé si c'était vraiment lui qui chantait. L'album offre aussi quelques surprises moins convaincantes, notamment lors du final "Chandelier", où un possible usage d’auto-tune sur la voix de Sam Carter pourra en décontenancer plus d’un. Un choix audacieux, mais qui nous paraît malvenu dans un registre de metal moderne. La chanson est d'ailleurs un peu dans la même structure que la chanson d'intro avec cette hybridité des genres très présente.
Deux collaborations marquent également cet album. D'abord, sur "Brain Dead", House of Protection (ex-Fever 333), dans un morceau énergique mêlant paroles incisives et batterie percutante, flirtant avec le trap-metal. C’est probablement la chanson la plus agressive du disque, et l’une des plus intéressantes dans sa composition.
L’autre invitée de marque est Amira Elfeky, jeune étoile montante du metal découverte sur TikTok, qui intervient sur "Judgement Days". Preuve également que le groupe essaye de surfer sur les tendances. Ce titre semble être une réminiscence directe de "Van" (Poppy et Bad Omens), illustrant l’empreinte électro-indus qui infuse tout l’album. Une orientation qui se manifeste aussi sur le très bon "Landmines" avec ses basses profondes. Le son de la nouvelle formule d'Architects flirte d'ailleurs assez clairement avec celui d'un Bad Omens.
S'il y'a bien une touche Jordan Fish, le son d'Architects, n'en est pas du tout dénaturé pour autant. Notamment grâce à l'apport de Dan à la batterie, les guitares djent modernes (qui sonnent un peu différemment il est vrai), ou encore les rappels au metalcore d'origine. On pourrait simplement dire qu'il s'agit là d'une nouvelle recette d'Architects.
Avec The Sky, The Earth & All Between, Architects s’affirme dans une nouvelle ère. En intégrant des sonorités plus accessibles, le groupe renforce sa stature de mastodonte du metal moderne à côté des incontournables Bring Me The Horizons et Bad Omens. Si certains regretteront un manque de surprise ou une trop grande influence extérieure, d’autres apprécieront cette capacité à mélanger des influences variées tout en conservant une identité propre. L’album divisera, mais il restera sans aucun doute une sortie majeure de cette année. Finalement, il pourrait bien s’imposer comme notre plaisir coupable de cette année 2025. Reste à voir si cette nouvelle formule d'Architects séduira sur le long terme.
Tracklist :
1. Elegy
2. Whiplash
3. Blackhole
4. Everything Ends
5. Brain Dead (feat. House of Protection)
6. Evil Eyes
7. Landmines
8. Judgement Day (feat. Amira Elfeky)
9. Broken Mirror
10. Curse
11. Seeing Red
12. Chandelier
