C'est l'histoire d'un bouleversement qui n'en est pas vraiment un, pour un groupe qui a su grandir dans l'adversité. Contraint de remanier son line-up en 2023, après le départ du batteur Duncan Rich, SOM a opéré presque naturellement un jeu de chaises musicales : le bassiste Justin Forrest est passé à la batterie (son instrument dans le groupe de post-rock Caspian), tandis que Will Benoit a troqué sa guitare pour la basse. Désormais quatuor, le groupe américain de heavy shoegaze présente son troisième opus au titre évocateur, Let the Light In, sorti chez Pelagic il y a quelques jours.
Influencé par des genres emblématiques des années 90 et 2000, entre shoegaze, grunge, et post rock atmosphérique, SOM se distingue en proposant des compositions portées par le chant éthéré du bassiste Will Benoit, des atmosphères oniriques, une lenteur contrebalancée par la lourdeur des attaques et des riffs, à la croisée des chemins entre des groupes comme Deftones, Loathe, Alcest ou encore Katatonia - que le combo avait d'ailleurs accompagné lors de sa tournée en 2023, avec notamment un passage au Trianon à Paris. "Don’t Look Back" se révèle être l'opener idéal, à grands coups de riffs surpuissants et entêtants, et ce chant aigu, clair, de Will qui emmène irrésistiblement vers un voyage émotionnel à la fois personnel et universel. Le duo de guitaristes Joel Reynolds / Mike Repasch-Nieves se distingue sur ce titre par la densité des accords lourds et pourtant mélodiques, et la richesse des effets utilisés pour une immersion complète.
La bande réussit le pari de faire surgir de la délicatesse dans la lourdeur, de l’épuré dans la tourmente, le tout dans un déferlement d’émotions assez impressionnant. Les riffs s'élèvent pour de grands moments d'intensité, marqués par de la lenteur travaillée et un bel écho, pour offrir avec le chant éthéré un effet enveloppant, chaleureux même ("Let the Light In", "The Place that I Belong").
L'album regorge de passages calmes et contemplatifs, sans pour autant tourner le dos à une certaine forme de dynamisme dans l'approche rythmique. L'excellente "Chemicals" se distingue grâce à une grosse introduction, des riffs lourds et un superbe jeu de cymbales signé Justin Forrest. Le refrain se fait poignant, et le groove entêtant, presque dansant, pour une énergie entre séduction et répulsion.

Des introductions marquantes et puissantes donnent d'ailleurs un souffle particulier à plusieurs morceaux, comme sur "Nightmares", onirique (pouvait-il en être autrement, avec un tel titre) mais aussi furieusement énergique voire épique. De la réverbération des guitares au refrain à la mélodie plutôt accrocheuse porté par le chant, jusqu'aux riffs monstrueux de la seconde partie, SOM brille par sa puissance organique. Difficile de faire plus lourd que l'introduction de "Give Blood", avant des passages où la rythmique se fait virevoltante et imprévisible.
Les paroles évoquent certes l’échec, les relations gâchées, le mal-être, mais aussi l’optimisme et cette lueur au bout du tunnel de la mélancolie. Loin de la noirceur totale, SOM décline cette obsession pour la lumière, en filigrane dans l’album, jusqu'à l'ultime piste "The Light", pleine de douceur et de lenteur, menée par de beaux arpèges de guitare et une ambiance atmosphérique, presque en apesanteur, avant une conclusion au riffing magistral. Sur ces huit titres accrocheurs, qui passent trop vite, le groupe dépasse les paradoxes, se nourrit des contrastes et livre un album abouti et, avouons-le, délicieusement addictif. En dosant idéalement puissance et vulnérabilité, lourdeur et onirisme, SOM version 2025 trouve ici une autre voie que la noirceur pour toucher l’auditeur en plein cœur.
Tracklist Let the Light In :
Side A
1. Don’t Look Back
2. Let The Light In
3. Chemicals
4. The Place That I Belong
Side B
5. Give Blood
6. Nightmares
7. Under Streetlights
8. The Light
Let the Light In, nouvel album de SOM, est déjà disponible via Pelagic Records.
