Cradle Of Filth – The Screaming of the Valkyries

Quatre ans après son précédent opus, et sans avoir cessé de tourner dans le monde entier, la bande à Dani Filth signe un retour remarqué en studio. Loin de n’être qu’un nouveau titre (le quatorzième, tout de même) dans la discographie du combo anglais, The Screaming Of The Valkyries pourrait bien s’imposer comme un incontournable…

L'actualité mouvementée des changements de line-up au sein de Cradle Of Filth semble s’apaiser depuis quelques années, avec autour de l’indéboulonnable Dani Filth une garde fidèle, composée du guitariste Marek “Ashok” Smerda et du bassiste Daniel Firth, présents dans le groupe depuis une dizaine d’années, et du batteur Martin “Marthus” Skaroupka aux fûts depuis deux décennies tout de même. Les deux derniers arrivés, à savoir le guitariste Donny Burbage et la claviériste / vocaliste Zoe Federoff apportent depuis 2022 une certaine fraîcheur (si l’on peut dire) aux prestations live du groupe, et imposent sans peine leur signature dans ce nouvel opus.

Il semblerait même, osons le dire, que ce casting 2025 de CoF soit l’un des meilleurs depuis bien longtemps, tellement les compositions semblent riches, équilibrées, accrocheuses mais variées. Avec neuf titres percutants, sans instrumental ni piste à rallonge, le combo exploite à fond la recette qui fonctionnait déjà très bien sur le début du précédent album Existence is Futile (2021) : un metal direct et sans concession, inspiré du heavy metal traditionnel mais pimpé à la sauce symphonique / horrifique / gothique qui a fait ses heures de gloire.

Une sorte d’écho se révèle entre la première et la dernière piste de l’album, comme un effet de miroir : les deux morceaux sont en effet dotés d’un solo de guitare plutôt inspiré, de passages effrénés entre double blast black et accélérations thrash, reflétant un certain sentiment d’urgence. Le groove de ces deux morceaux s’impose naturellement, et les accords nostalgiques des deux guitares tranchent avec le son assez moderne de la batterie. "To Live Deliciously", qui ouvre l'album, est dotée d’un dynamisme redoutable et d’un refrain bien trouvé, menaçant, tandis que "When Misery Was A Stranger" se fait épique avec les guitares en avant dès le début dans une esprit heavy old school et la voix parlée menaçante.

Plus surprenant encore, le mid-tempo qui prend des allures de chant d’amour ou d’adieu sur "Non Omnis Moriar". Les accords aux claviers rappellent "Nymphetamine Fix" (sur l’album Nymphetamine de 2004), tandis que le chant chuchoté, grave et menaçant du frontman se mue en mélodie plaintive. Le dialogue entre les deux vocalistes Dani / Zoe fonctionne extrêmement bien sur ce morceau gothique, mélancolique et existentiel, qu’on pourrait presque comparer à du Paradise Lost – l’emblématique groupe britannique a d’ailleurs été cité par Dani Filth comme l’une de ses sources d’inspiration dans les années 90)

Dani le précisait en interview il y a quelques jours, le propos de l’album est avant tout de s’évader de la réalité. Le groupe a toujours excellé dans la mise en place d’atmosphères gothiques et esthétiques très travaillées pour raconter des histoires, et cet album ne fait pas exception. Une force narrative indéniable fonctionne sur chaque morceau, à coups d’effets grandiloquents rappelant un peu – mais le black metal en moins – ce qu’on pouvait trouver dans certains morceaux de Dusk … and Her Embrace (1996) comme "A Gothic Romance". Le décor horrifique est planté par les claviers (clavecin) sur la très sombre "Demagoguery" porteuse de riffs extrêmement groovy et entraînants, comme une boîte à musique macabre et horrifique.

La pépite de l’album, et sans doute le morceau qui porte le plus la patte Cradle Of Filth, est "White Hellebore", entre blackened thrash impitoyable et un heavy metal old school dont on aurait souligné les riffs d’accords de piano. Le côté opératique vient du chant de Zoe qui répond aux saillies gutturales de Dani, passant du grave aux hurlements stridents dont il a le secret, et la mélodie reste en tête en quelques secondes. Les lignes de guitare se font techniques (comme sur "The Trinity Of Shadows"), chacun des (nombreux) instruments et effets étant mis en valeur dans le mix, signé du producteur et ami du groupe Scott Atkins. La recette a beau manquer d’originalité, il faut admettre qu’elle fonctionne diablement bien. Et ce cri perçant de Dani est toujours aussi hallucinant. Quelques accords d’orgue et de la voix parlée pour conclure et on se retrouve dans des films d’épouvante. Des spoken words introduisent également "You Are My Nautilus", mais cette fois-ci la métaphore est marine, inspirée par Jules Verne. Le heavy metal à l’ancienne est orné d’une touche morbide, et de changements de rythme, entre accélérations pleines de mordant et ralentissements funestes.

Dans le single "Malignant Perfection", tout est fait pour planter un décor angoissant dès l’introduction. Cette fois c’est le piano qui mène la mélodie obsédante et entêtante, avant le superbe refrain où les lignes vocales ne sont presque plus criées mais chantées. Un morceau terriblement entraînant, et sur lequel la voix féminine est plutôt parlée plutôt que chantée. Les rôles s’inversent, et le groupe ne tombe pas dans la monotonie, pour offrir ces moments vraiment catchy.

The Screaming Of the Valkyries s’impose comme un album efficace, éclectique et même accessible, sans que ce soit un défaut ici. Servies par une production dynamique et claire, certes sans doute un peu propre pour un groupe dont le nom évoque la saleté et la crasse, les compositions sont entraînantes, les mélodies bien trouvées, et la performance toujours très théâtrale. Maîtresse dans l’art de la mise en scène, la formation signe un ouvrage fondamentalement divertissant et vraiment bien ficelé dans les arrangements et orchestrations. Un foisonnement d’influences, des moments techniques et un univers travaillé loin d’être aussi kitsch que ce que l’image (ou certains artworks) du groupe peut nous laisser croire.

Dani et sa bande réussissent pleinement à mêler des moments nostalgiques qui raviront les fans de la première heure à des atouts convaincants capables d’attirer du sang frais parmi les néophytes. Le (pas si) nouveau line-up de Cradle of Filth s’en donne à cœur joie ici. Tout fonctionne, et on en redemande. En entamant sa troisième décennie d’existence, la bande, véritable Benjamin Button du metal extrême, s’offre une cure de jouvence assez impressionnante.

Tracklist The Screaming Of The Valkyries :
1    To Live Deliciously
2    Demagoguery
3    The Trinity Of Shadows
4    Non Omnis Moriar
5    White Hellebore
6    You Are My Nautilus
7    Malignant Perfection
8    Ex Sanguine Draculae
9    When Misery Was A Stranger

The Screaming of the Valkyries, nouvel album de Cradle Of Filth, sort le 21 mars 2025 via Napalm Records.

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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