Ghost – Skeletá

Le pape est mort, vive le pape. Cette phrase n'aura jamais autant résonné que cette semaine, riche en actualité papale. C'est dans ce contexte un peu particulier que Ghost s'apprête à sortir son sixième album très attendu ... 

Très attendu, puisque c'est le premier album de Ghost depuis sept ans à présenter nouveau personnage aux commandes. En effet, depuis 2018, le groupe était représenté par Copia, tout d'abord cardinal puis pape sous les traits de Papa IV. Coup de théâtre à la fin du film Rite Here, Rite Now, on apprenait qu'il possédait un frère jumeau pressenti pour la succession. Sachant que chaque personnage joué par Tobias Forge, le leader du groupe, représente une facette de sa personnalité, on avait plus que hâte de voir quelle vision allait apporter le nouveau venu Papa V, sachant que le dernier album Impera était plus ou moins dans la continuité de Prequelle.

Les deux premiers singles ont eu le mérite d'indiquer aux fans la direction prise par Tobias Forge pour ce nouvel album : "Satanized", premier morceau à être dévoilé, faisait plaisir aux dévots des premiers jours avec ce côté sombre et satanique plus présent qu'auparavant, cette prédominance de la guitare et de la basse et les prosodies en latin. Les premiers papes auraient largement pu chanter ce titre avec l'encensoir. "Lacrymosa" en revanche montrait que Papa V reprenait l'héritage des années 80 énormément développé par son frère jumeau. Voilà comment il faut considérer Skeletá : une sorte de pont entre les deux mondes et une synthèse de ce que Ghost a pu faire dans le passé, tout en gardant en mémoire que le côté plus malsain des débuts n'est plus présent et que la mue arena rock des années 80, entamée après Meliora, est bien confirmée.

Ghost, Papa Emeritus V, Skeleta, Mikael Eriksson

Dès le premier titre "Peacefield", dévoilé il y a quelques heures, on sent que les influences du groupe oscillent plus vers Journey que Black Sabbath. Le refrain rappelle d'ailleurs clairement "Separate Ways". La force de Ghost est de proposer des titres efficaces avec des mélodies mémorables et ce premier morceau n'échappe pas à la règle. Même ambiance pour "Missilia Amori" qui lorgne plus du côté de Bon Jovi. Le groupe se permet même de faire un pont entre les années 70 et 80 avec sans doute le morceau le plus intéressant de l'album, "Umbra", et son instrumental qui peut donner lieu à un jam digne de Deep Purple.

C'est peut-être là que réside le problème : Ghost nous avait habitués à une dizaine de tubes et quelques prises de risques (rappelez-vous le délire reggaeton "Twenties"). Dans ce nouvel album, les morceaux de qualité s'enchaînent, mais cela manque légèrement de titres vraiment emblématiques. On a parfois même l'impression que Tobias Forge réutilise une formule assez usitée. Les deux ballades "Guiding Lights" et "Excelsis" ne sont que des copies de "Life Eternal" ou "He Is", certes de qualité, mais d'autres classiques sont déjà passés par là. Ce qui nous fait penser que Papa V est peut-être tombé un peu dans la facilité en reprenant aisément des codes et des mélodies présentes sur toute sa discographie sans pour autant assumer à fond. Certes, le côté années 80 apparaît depuis Prequelle et son "Dance Macabre" qui a fait danser tellement de personnes. Mais il manque un petit quelque chose à chaque fois ou alors ce n'est pas assez développé. "De Profundis Borealis" propose une intro très intéressante mais on retombe dans un morceau assez convenu pour arriver vers une instru qui rappelle "Miasma". C'est sans doute cela la faiblesse de Skeletá : un album qui ne fait que rappeler, sans vraiment proposer du neuf du point de vue musical.

Il faut toutefois chercher un intérêt à cet opus du côté des paroles. Jamais Tobias n'aura été aussi introspectif, et le chanteur développe pas mal de sujets plus personnels et de façon plus directe. C'est assez particulier de passer d'un album comme Impera qui traitait de la chute des empires et possédait un côté un peu apocalyptique, à un album globalement positif et lumineux. Après la pluie, le beau temps. Forcément, les fans de la première heure regretteront le côté plus malsain ou malicieux, même si la fin de l'album rend quand même hommage au diable mais aussi à la fornication. N'oublions pas les bases du groupe !

Niveau production, les guitares sont plus en avant et la basse est toujours aussi chaude et présente. La batterie quant à elle semble parfois trop sèche, limite triggée, ce qui peut se comprendre vu l'ambiance générale de l'album mais peut déranger un peu à la longue. Par contre, encore une fois, Ghost nous embarque sur les mélodies avec des chœurs et des harmonies très riches. Plus le temps passe et plus il y a une certaine cohésion sonore au sein du groupe.

On peut se demander alors si Ghost aurait enfin trouvé son style définitif car les trois derniers albums montrent une certaine stabilité. Le prochain opus sera sûrement décisif pour savoir si Tobias Forge va s'enfermer dans une sorte de créativité sans prise de risque. Avec un nom de pape comme "Perpetua", le groupe envoie peut-être un message aux fans pour les prévenir de la fin d'une ère. Si Papa V reste au pouvoir pendant plusieurs années, il faudra pouvoir exploiter le concept en profondeur et peut-être proposer de vraies choses nouvelles, musicalement parlant, aux fans.

Malgré l'absence de morceaux vraiment emblématiques, Skeletá est un album solide et très agréable à écouter. Ce n'est pas l'album le plus inoubliable du groupe mais peut-être celui à présenter à quelqu'un qui voudrait découvrir toutes ses facettes. Quelques titres comme "Peacefield" et "Umbra" ont du potentiel en live, et d'ailleurs certains spectateurs ont eu la chance de les entendre lors des premiers rituels de la tournée européenne Skeletour entamée il y a quelques jours. Ghost reste néanmoins un groupe théâtral avec une forte identité qui s'exprime magnifiquement en concert. Nous vous conseillons donc de vous rendre aux trois dates que le groupe fera en France : le 26 avril à la LDLC Arena de Lyon, le 27 avril au Zénith de Toulouse et le 13 mai à l’Accor Arena de Paris.

Tracklist

01. Peacefield
02. Lachryma
03. Satanized
04. Guiding Lights
05. De Profundis Borealis
06. Cenotaph
07. Missilia Amori
08. Marks Of The Evil One
09. Umbra
10. Excelsis 

L'album est disponible le 25 avril sur le label Loma Vista Recordings.

Crédits photos : DR Mikael Eriksson

Ghost, Papa Emeritus V, Skeleta

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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