Tout vient à point à qui sait attendre. Arjen Anthony Lucassen a bien compris cet adage. Alors qu'on attend toujours un nouvel opus de son projet phare Ayreon, cela faisait treize ans que le Néerlandais n'avait pas sorti d'album solo. Et pourtant, on avait bien accroché à son tout premier effort Lost in the New Real. C'est donc avec un certain intérêt que nous avons appris la sortie de ce deuxième opus. Comme d'habitude avec le "grand hippie" comme il aime à se surnommer, on peut s'attendre à un disque épique et une histoire prenante.

La force d'Arjen Anthony Lucassen a souvent été de faire des histoires très émouvantes, pas forcément très complexes mais qui sont le support pour exprimer les émotions humaines. Rappelez-vous de l'album The Human Equation d'Ayreon où le personnage principal, après un accident de voiture, était confronté à ses sentiments, personnifiés par plusieurs chanteurs. Pour Songs No One Will Hear, c'est ni plus ni moins l'apocalypse qui permet une critique du monde et une certaine introspection. Comme le montre la pochette, une météorite est sur le point de frapper la planète Terre. C'est le point de départ pour plusieurs chansons parlant de nos différentes réactions face à une mort annoncée. Certains titres sont plus humoristiques comme "Shaggathon", sorte de rencontre entre Sanseverino et Jacquie et Michel ou "Goddamn Conspiracy" dont le titre évoque bien sûr les théories du complot. Mais certaines chansons sont extrêmement poignantes comme "We'll Never Know" qui raconte l'histoire d'un couple dont la femme est enceinte et qui malheureusement ne pourra pas accoucher de sa fille. Les paroles, profondes, sublimées par la voix de Floor Jansen donnent une autre dimension à cet album.
D'ailleurs dans tous les projets de Lucassen, que ce soient Ayreon, Star One ou le plus récent Supersonic Revolution, le chant est très important, même si, le style progressif tend à privilégier les instruments. Alors que l'artiste néerlandais clame toujours qu'il n'aime pas trop chanter et qu'il se met souvent en retrait, ses albums solo sont un bon moyen de voir à quel point le musicien brille aussi au chant. Sublimé par les interventions d'Irene Jansen (la sœur de Floor) et de Marcela Bovio (une autre habituée des projets d'Arjen), il apporte une vraie singularité à l'album. Et c'est tant mieux car, après tant d'années et tant d'albums, le style Arjen Lucassen tourne parfois un peu en rond.
Musicalement, les fans de l'artiste ne seront pas perdus, mais on ne peut s'empêcher de comparer certains morceaux avec le reste de la discographie. Avec son orgue hammond et son côté hard rock, "Goddamn Conspiracy" rappelle le projet Supersonic Revolution et le single "Golden Age of Music", "The Clock Ticks Down" et "Our Final Song" lorgnent plutôt du côté d'Ayreon avec leurs différentes atmosphère et enfin "Dr Slumber's Blue Bus" évoque le premier album solo Lost in the New Real. Mais il faut reconnaître que chaque titre est extrêmement bien fait, le tout servi par une production superbes et des guests habitués à travailler avec Arjen : Joost van den Broek à l'orgue, Jeroen Goossens à la flûte, Ben Mathot au violon ou encore Koen Herfst à la batterie.
L'album s'apprécie vraiment si on accepte le fait qu'il représente toutes les facettes du Néerlandais. C'est un bon moyen de traverser sa carrière sans digérer les nombreux albums qu'il a composés avec ses différents projets. Il se permet même de présenter d'autres styles comme le swing manouche avec "Shaggathon" ou la pop britannique à la Oasis avec "Just not Today".
Loin de la claque de certains albums comme The Human Equation ou The Theory of Everything, loin de la puissance du projet Star One ou de la surprise Lost in the New Real, ce nouvel album est une heureuse addition à une discographie bien fournie. Porte d'entrée pour découvrir l'univers étendu, cet opus peut convenir aux néophytes comme aux fans de la première heure. Mais ces derniers ne seront peut-être pas forcément rassasiés. Pour ceux qui ont encore faim, Arjen Anthony Lucassen sort le même jour l'album Pools of Sorrow, Waves of Joy qui est en fait la réédition de son tout premier album solo sorti il y a plus de 30 ans sous le nom d'Anthony et qui contient l'album remasterisé mais aussi 31 titres bonus. De quoi consoler les fans qui ne seront pas présents lors du week-end anniversaire d'Ayreon aux Pays-Bas.
Tracklist
01. End Of The World Show
02. The Clock Ticks Down
03. Goddamn Conspiracy
04. The Universe Has Other Plans
05. Shaggathon
06. We'll Never Know
07. Dr. Slumber's Blue Bus
08. Just Not Today
09. Our Final Song
Songs No One Will Hear sort le 12 septembre sur le label Inside Out Music et est disponible ici.












