Avatar – Don’t Go In The Forest

Ne vous fiez pas au titre. Si Don’t Go in the Forest invite à la prudence, Avatar semble au contraire s’y être enfoncé sans la moindre crainte. Là où tant de groupes se perdent dans la caricature ou l’auto-parodie, les Suédois continuent d’explorer les zones les plus sombres et lumineuses de leur propre univers. Pour ce dixième chapitre, Johannes Eckerström et ses acolytes façonnent une œuvre à la signature immédiatement reconnaissable, et sur laquelle il y a beaucoup à dire.

Don’t Go in the Forest est avant tout un disque qui vit de ses contrastes. Des oppositions qui se nourrissent, s’enrichissent, se répondent. À commencer, bien sûr, par la voix de Johannes Eckerström, plus déroutante et expressive que jamais. Elle navigue sans cesse entre hurlements gutturaux d’une intensité quasi animale et chant clair limpide et habité. Comme si le clown derrière le micro incarnait à lui seul une dualité permanente. Ce jeu de miroirs donne naissance à des titres d’une violence euphorique. "In the Airwaves" en est l’exemple parfait : riffs acérés, refrains fédérateurs, énergie contagieuse. Une bombe taillée pour la scène, promise à devenir un classique instantané du groupe. Et on peut vous le confirmer pour l’avoir entendu en live.

 

Les chansons ont très souvent le calibre de single metal comme avec Don’t Go in the Forest. Le morceau-titre, avec ses chœurs entêtants chantés par des corbeaux dans le clip, résume à lui seul cette capacité à être extrême sans jamais perdre l’oreille du grand public. Moins polarisée que d’autres, cette chanson incarne le single “avataresque” parfait : un refrain irrésistible, une production ample et ce sens du détail qui fait mouche. Un peu prévisible mais diaboliquement efficace, il fait penser au succès qu’a eu “The Dirt I Am Buried In” sur l'album précédent.

 

La basse de Henrik Sandelin y joue un rôle essentiel, ajoutant cette pulsation dancefloor 80’s. Mais c’est sur "Death & Glitz" qu’elle se révèle pleinement avec un couplet presque hypnotique et un riff ultra léché. Ce qui rappelle que le son d’Avatar doit autant à la rage qu’à la sensualité du rythme et du groove. L'effet est réussi : on bouge la tête, on sourit, alors même que Johannes hurle à pleins poumons.

Là où Avatar surprend encore, c’est dans sa manière d’intégrer des textures venues d’ailleurs sans jamais perdre son identité. “Take This Heart and Burn It” en est l’exemple le plus frappant. Le morceau tribal et envoûtant. Les percussions flirtent avec le flamenco, les riffs lorgnent vers le metal oriental, et évoquent parfois même la musique balkanique.

Cette audace rappelle à quel point Avatar s’est affranchi de toute frontière esthétique. Le cirque n’est plus qu'une façade. Il y a bien toujours les percussions, parfois presque foraines, de la grosse caisse de John Alfredsson qui font résonner le groupe comme un cirque en délire. Néanmoins, cet aspect reste ici subtil et maîtrisé. La musique du groupe s’affirme aujourd’hui comme bien plus que du metal théâtral.

Au milieu de tous ses singles, Avatar s’autorise aussi quelques escapades plus ludiques. Ainsi “Tonight We Must Be Warriors”et “Captain Goat" rappellent un certain esprit pirate et fédérateur, quelque part entre folk irlandais et hymne de taverne. Si elles ne marquent pas autant que les sommets de l’album, ces compositions se distinguent par leur originalité et surtout par les solos flamboyants de Jonas “Kungen” Jarlsby et Tim Öhrström, d’un autre monde. Mention spéciale à "Captain Goat", où un bottleneck donne au solo une couleur western inattendue. À chaque morceau, la signature sonore des guitares d’Avatar se fait reconnaître instantanément, plus texturée, et sans doute plus travaillée que jamais.

Il y a aussi des moments de respiration bienvenus avec quelques moments de répit. "Howling At The Waves" incarne la ballade parfaite du disque : catchy, mélodique, presque lumineuse, elle adoucit sans édulcorer. À l’inverse, "Magic Lantern" clôt l’album sur une note plus mélancolique et éthérée, où Johannes délaisse totalement ses screams pour un chant clair plein de fragilité. Plus apaisée mais aussi moins marquante, elle laisse l’album s’éteindre doucement avec une certaine touche d’amertume. Nous avons aussi eu une petite déception aussi pour “Abduction Song” qui si elle semble faire échos aux origines musicales du groupe (et son côté plus metal circus) sonne quand même assez déjà-vu, et sert surtout à rallonger un peu l’album.

À l’image de sa musique, Don’t Go in the Forest se nourrit aussi de contrastes dans ses thématiques. Certaines chansons plongent dans l’introspection la plus sincère, évoquant la vulnérabilité, l’amour ou la nostalgie (“The Waves”, “Magic Lantern”). D’autres, à l’opposé, flirtent avec le fantastique et l’horreur (“Take This Heart and Burn It”), ou livrent une critique acérée de notre fascination pour le morbide, comme “Death & Glitz”, où Johannes dénonce avec ironie la dérive voyeuriste du true crime.

Dès lors, les paroles d’Avatar vont bien au-delà du simple récit : elles révèlent un auteur lucide, émotionnel et cérébral, conscient des obsessions de son époque et capable de les sublimer en art. Un aspect plus discret du groupe, souvent éclipsé par le spectaculaire de ses concerts, mais qui s’impose dès qu’on plonge dans l’écriture des textes.

Finalement, Don’t Go in the Forest est peut-être bien l’album de la maturité pour les Suédois. Singulier, théâtral et viscéralement sincère, le groupe n’a sans doute jamais sonné aussi "Avatar” qu’ici, trouvant le parfait équilibre entre mélodie et violence, entre fantasque et introspectif. Comparé à Dance, Devil, Dance et ses singles redoutablement efficaces, ce nouveau disque va plus loin malgré  certains moments un peu ventre mou : il ose davantage, se montre moins calibré, plus organique et plus inattendu.

De ce fait, il est sans doute le meilleur album de la formation depuis Avatar Country en 2018. À la fois profondément identifiable et étonnamment multiple, Don’t Go in the Forest incarne tout ce que l’on attend d’un groupe désormais érigé en référence de son genre. Ainsi, il conjugue innovation et cohérence sans jamais renier son socle musical d’origine. Un album de fin d’année à ne surtout pas manquer, parfait pour célébrer Halloween ce 31 octobre.

 

Note de l'album : 8,5/10

Tracklist :

1. Tonight We Must Be Warriors
2. In The Airwaves
3. Captain Goat
4. Don't Go In The Forest
5. Death and Glitz
6. Abduction Song
7. Howling At The Waves
8. Dead and Gone And Back Again
9. Take This Heart And Burn It
10. Magic Lantern
Don't Go In The Forest , disponible dès aujourd'hui.

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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