C'est le retour des Gros Émergents ! Notre rédaction y met à l’honneur quelques formations émergentes qui lui ont tapé dans l’œil (ou plutôt dans les oreilles). Nous espérons que cette mise en lumière permettra à des groupes passionnés et de qualité d’obtenir l’exposition qu’ils méritent, car ils sont la preuve de la richesse et la diversité de notre scène musicale. Bonnes découvertes !
Fäust – Death From Beyond (blackened death metal)
Contrairement aux apparences, ce n'est pas de Suède que nous vient Fäust, mais bien de France et plus précisément d'Isère. Mené de main de maître par le multi-instrumentiste Michaël Hellström, Fäust est donc un one-man band dont le premier album, Death From Beyond fleure bon le black death des années 90, Dissection en tête. Toujours mélodique (« When Death Spawns Fire », « Night Eternal »), un vent glacial et épique souffle sur les huit compositions de ce premier album, habitées par un chant écorché du plus bel effet.
Les titres sont variés, les tempi également. Tour à tour, Hellström passe de parties blastées typiquement black metal (« And All That is Evil » rappelle Immortal) à des ambiances sombres mais mélodiques (comme sur l'interlude « Ashes ») dans un savoir-faire qui peut également faire songer à Vampire, autre combo inspiré par les grandes heures du black death des 90s. On apprécie également le soupçon de heavy apporté par les leads de guitare que ne renieraient pas Andy Laroque (King Diamond), notamment sur le final épique de « Night Eternal ».
35 minutes, c'est court pour un premier album, mais ce Death From Beyond s'assimile très facilement et devient rapidement addictif, de par ses qualités évidentes (mélodies en tête et une production tout à fait correcte pour un premier opus). Une très belle découverte qui, espérons-le, n'en restera pas là.
Lugosi – inconsolable (dark hardcore)
Formé en 2015, le combo parisien Lugosi s’est d’abord fait un nom sur scène en ouvrant pour des groupes prestigieux comme Sick Of It All ou The Armed. Après un premier EP de deux titres, le groupe présente aujourd’hui son premier LP, inconsolable, exercice de style entre punk, hardcore et math / post-hardcore. C’est une évidence, la rage est bien là, destructrice et frénétique dans des morceaux au tempo redoutable ("PIGS" ou la bien-nommée "State of Emergency"), ou plus sourde et froide, dans des tonalités mélancoliques et sombres ("The Naked King, Part 1").
La production plutôt solide et bien que moderne met en valeur un côté brut (mais pas brute), dépouillé sur certains morceaux, rappelant les heures de gloire du punk des années 80, couplé à une lourdeur implacable des riffs et une rythmique irrésistible appelant clairement au headbang fiévreux. Le quintette ne se cantonne cependant pas à un registre, puisant sa force dans la profondeur et la subtilité, et une énergie folle. Les compositions sont efficaces mais complexes, construites autour de riffs et d’un groove imparables ("I Wish") ou de crescendos redoutables ("The Naked King") penchant plutôt du côté post hardcore.
Du point de vue des thématiques, l'ambiance se fait morose, et le combo laisse à entendre désespoir et rancœur par des attaques en règle, contre l'individualisme à outrance, les dérives de notre monde moderne, ou les heures les plus sombres des années Trump ("Blame it on the Weak"). Collectif ou plus intime, le message est porté par le chant inspiré de Pierre Yves. Dans des registres parlé, hurlé, chanté, en anglais et même en allemand ("Maskenfreiheit"), son cri du cœur fait mouche et ajoute à la dynamique de l'ensemble. Amoureux du hardcore moderne ou amateurs de punk à l’ancienne, on vous recommande chaudement cette pépite rageuse et désabusée d’un groupe qu’il faudra surveiller de près.
Gate Of Mind - The Beast Inside (groove / thrash / hardcore)
C’est un uppercut que nous adressent musicalement les quatre gars de Montpellier qui composent le groupe Gate of Mind depuis 2016, avec leur nouvel EP The Beast Inside. Thibaud, Guillaume, Tony, Sylvain et Benoit nous présentent quatre titres violents, servis par un thrash groovy aux influences core, qui sèment une envie de pogo furieux.
Leur clip “Buried” disponible ci-dessous annonce la couleur par le biais d’une petite balade dans les bois : les riffs lourds et la basse énervée installent ambiance et tension, la voix matraque, et la batterie nous fait même la grâce de rythmes jazzy sous stéroïdes .
L’impression déjà laissée par leur premier EP Uprooted, sorti en 2019, n’est que confirmée par The Beast Inside : Gate of Mind fait de la musique violente, et avec brio. Certes, quatre titres, ce n’est pas un gros échantillon, ça a comme un air de tapas et ça donne soif, mais ce sont quatre titres matures, forts en identité et qui ne demandent qu’à être joués très fort face à un public aussi énervé que leur titre “Face It”.
Vittra - Blasphemy Blues (melodeath / thrash)
Formé dès 2017, Vittra a attendu 2021 avant de sortir son premier EP, l'explosif Wardens. Déjà particulièrement porté sur l'efficacité des rythmiques, Wardens s'ouvrait sur l'intense "Necrotic Apocalypse", qui avait remporté l'adhésion de bien des critiques à sa sortie. Il faut dire qu'avec Simon Johansson (Soilwork notamment) à la production de l'album, on était largement en terrain maîtrisé. Tout juste un an plus tard, le groupe nous présente Blasphemy Blues, son premier album. Si plusieurs choses ont évolué, une écoute du single "Halls Of Ancients" suffit pour comprendre que les forces du groupe sont encore bien présentes.
Le combo est toujours aussi inspiré pour asséner du riff super speed: la double filiation melodeath/thrash est largement méritée. D'ailleurs, avec moins de 30 minutes, on est en face d'un album très concis. Aucune des compos ne se perd dans des fioritures inutiles, et même lorsque les compos se révèlent les plus riches ("Satmara", ou encore "Temptation") restent très brutes. Droit au but, en plein dans les esgourdes, le tout avec un mastering encore plus propre que celui du premier EP, Mike Wead (King Diamond, Mercyful Fate) et Lawrence Mackrory (Bloodbath, Lik, Firespawn) ayant participé à l'élaboration de ce nouveau cru.
Vittra évolue quelque part entre Dissection, At The Gates et Exodus. On ne dira pas que ce Blasphemy Blues est une agréable surprise vu la qualité du premier EP, mais clairement, Vittra devrait être un des nouveaux groupes à suivre dans la scène death mélodique.
Site / bandcamp
Chronique de Félix Darricau
The Riven - Peace And Conflict (hard-rock/proto heavy)
Trois ans après le premier album, éponyme, le proto-heavy old-school de The Riven est de retour. Et, dès les premiers accords de "On Time", on sait qu'on est partis pour passer un grand moment ! Les guitares vrombissent, chaque solo perce les enceintes, et cette voix est de retour. Et quelle voix ! Totta Ekebergh, avec son timbre puissant et chaleureux, assure. On en redemande.
Au registre des titres bien efficaces, qui donnent envie de taper du pied, on retrouve les brûlots "The Taker" et "Fly Free". Sur ces deux-là, on n'est pas loin de revisiter les groupes de la NWOBHM. "On Top Of Evil" lorgne lui un peu plus vers le doom, ou plutôt le proto-doom de Black Sabbath. On nage pas loin de ce que les années 70 ont fait de meilleur (à part le béton).
Si globalement, Peace And Conflict est plus rythmé que le premier album, quelques belles surprises sont au programme : un interlude flamenco "La Puerta Del Tiempo", introduisant le thème de "Sorceress Of The Sky" d'une belle manière. D'autres titres ("Death", "Peace And Conflict") offrent une large dynamique d'intensité, avec des pauses, crescendos et des climax. En bref, de quoi se faire plaisir avec ce second album, si pour vous la Delorean pointe toujours sur cette décennie. Ou si vous cherchez un bon groupe entre rock et heavy old-school.
