Katatonia : entretien avec le batteur Daniel Moilanen

Les maîtres de la mélancolie Katatonia sont de retour avec Sky Void Of Stars, leur douzième opus à paraître ce vendredi 20 janvier. À cette occasion, nous avons pu échanger avec Daniel Moilanen à propos de cette nouvelle sortie et de la tournée que le groupe s’apprête à entamer aux côtés de Sólstafir en Europe. Rencontre avec un musicien passionné, animé d’un besoin viscéral de jouer.

Bonjour Daniel, et merci de nous accorder cet entretien. À quelques jours de la sortie du nouvel album de Katatonia et de votre retour sur scène en Europe, quelles sont les émotions que tu traverses actuellement, entre la hâte, l’anxiété, le soulagement … ?

C’est un peu tout ça à la fois, à vrai dire. Mais je me sens surtout confiant à propos de la sortie de l’album, grâce aux réactions positives aux singles déjà sortis. Évidemment je suis aussi un peu nerveux, car l’album sort le 20 janvier, et cette date est également la première de la tournée à Tampere en Finlande. En réalité, nous avons déjà joué quelques morceaux du nouvel album en live pendant la tournée aux Etats-Unis qu’on a faite en novembre et décembre dernier, et le public a eu l’air d’apprécier ces titres en live, donc je ne me fais pas trop de souci, je pense que ça va aller !

 

Parle-nous de la naissance et de la particularité de ce nouvel album, Sky Void Of Stars. Je le trouve assez différent du précédent, City Burials, alors que c’est Jonas qui a composé l’ensemble de l’album comme sur ce dernier, n’est-ce pas ?

Oui tout à fait, Jonas (Renkse, vocaliste et membre fondateur ndlr) a écrit tous les morceaux de l’album, comme l’album précédent. Je dirais que Sky Void Of Stars est plus direct que City Burials, plus dense. C’est presque comme si on remontait le temps, vers des albums comme Last Fair Deal Gone Down (2001, ndlr) ou The Great Cold Distance (2006, ndlr). Le son de l’album lui-même raconte le contexte dans lequel il a été composé. C’est un album écrit en réaction directe à City Burials. Nous nous sommes retrouvés confinés pendant la pandémie de covid, et par conséquent ce nouveau disque, pour moi, sonne davantage comme une expérience live. En tout cas c’est comme ça que je l’ai ressenti au moment d’enregistrer ces morceaux. Ça a été plus direct, moins technique, avec ce sentiment d’aller en studio pour jouer et non pas essayer de me débrouiller et de comprendre des compositions à distance. Ça a été la même expérience pour l’enregistrement des guitares, de la voix, de la basse, quelque chose de bien plus direct.

Est-ce que les conditions d’enregistrement ont été différentes pour cet album ?

Plus ou moins. Jonas et moi sommes allés au Danemark pour enregistrer la batterie, au lieu de faire ça comme habituellement à Stockholm, mais à part ça, tout sur l’album a été fait par nous, à Stockholm, avec assez peu d’aide extérieure, un peu comme on avait pu faire pour City Burials et Fall Of Hearts. Ça a été un peu le même processus, mais cette fois-ci, on a été plus efficaces. On voulait vraiment que l’album soit terminé rapidement, puisse sortir, pour pouvoir partir en tournée. Il y avait plus d’impatience, en quelque sorte, un élan plus fort sur cette session d’enregistrement que sur City Burials.

 

C’est vrai que pour cet album, sorti en 2020, vous n’avez pas pu partir en tournée pour le présenter au public. Comment abordez-vous la future tournée en termes de choix pour la setlist, allez-vous privilégier tout de même des morceaux de City Burials ?

Nous avons quand même réussi à faire une tournée nord-américaine pour City Burials, en novembre dernier. D’ailleurs, il y a des titres de cet album que nous avons joué là-bas et que nous ne rejouerons sûrement plus. Les gens qui nous ont vus au Canada et aux Etats-Unis ont finalement été les seuls chanceux à avoir eu cette occasion. Mais pour ce qui est de la tournée à venir (en janvier et février 2023, avec Solstafir et SOM, ndlr), je suis vraiment excité et impatient de jouer en live le nouvel album. Je peux même vous dire qu’il y aura quelques surprises dans la setlist, et j’ai vraiment hâte !

 

Nous avons aussi hâte de découvrir ça, alors ! Peux-tu nous parler des paroles et des thématiques développées sur Sky Void Of Stars. Peu de joyeusetés, vu le titre…

Oui, c’est du bon vieux Katatonia qu’on retrouve dans les paroles (rires). L’album traite du deuil, de la perte, le vide, la mort et l’amour. Les paroles portent aussi sur le temps qui passe, nous prenons tous de l’âge et ça nous influence forcément. Mais à part ça, si tu connais Katatonia, tu sais ce que tu vas trouver dans l’album, ce que j’appelle une sorte de mélancolie optimiste.

 

Effectivement, la mélancolie est toujours là, mais on ressent aussi un certain dynamisme, une approche progressive et un élan qui fait que les émotions sont comme décuplées. Qu’en penses-tu ?

Oui, je suis d’accord. Pour moi, cet album va un peu plus dans l’émotion que l'album précédent. Aujourd’hui, avec le recul, je vois City Burials comme un disque un peu plus froid, stérile même, plus technique. Cet album pour moi luit comme une lumière bleue dans une pièce vide, alors que Sky Void of Stars serait plutôt une lumière verte ou rouge dans une pièce meublée. Il n’y a personne non plus dans cette pièce, mais elle a une histoire, une âme. Je pense que cette différence s’explique par cet appétit, cette impatience qu’on a ressenti au moment de faire l’album : on avait vraiment cette envie de repartir sur la route et de faire de la musique.

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Crédit photo : Mathias Blom. Katatonia : Jonas Renkse (chant), Roger Öjersson (guitare), Daniel Moilanen (batterie), Niklas Sandin (basse), Anders Nyström (guitare)

Ce côté lumineux se retrouve également dans l’approche rythmique qui est incroyable sur ce nouveau disque, plein de syncopes et de polyrythmies, et une omniprésence de la batterie dans le mix et dans les compositions. Comment as-tu abordé ce travail ?

Le travail de préparation et l’enregistrement des parties de batterie ont été vraiment différents sur cet album si l’on compare aux deux précédents (Il s’agit du troisième album auquel participe Daniel, depuis son arrivée dans Katatonia en 2015, ndlr). Pour ce nouvel album, il a fallu beaucoup moins de prises pour l’enregistrement de la batterie, beaucoup moins de modifications, avec une insistance sur le son live et sur le groove. Mon jeu est vraiment plus direct. En revanche, pour ce qui est de la composition des morceaux, Jonas a eu une approche complètement similaire à ce qu’il fait habituellement. Il écrit ce qui lui vient naturellement, et il intègre des choses que je sais jouer, mais il ajoute aussi des choses qui sont, il le sait bien, totalement inédites pour nous. Ensuite on se familiarise avec ce qu’il a composé et on fait en sorte que ça fonctionne. C’est rare que ça ne fonctionne pas, généralement, on y arrive ! (rires) Donc oui, l’album est effectivement assez centré sur la batterie, mais tu sais, Jonas est aussi un batteur, il a joué tout au début du groupe, et c’est finalement quelque chose qui est en lui.

 

Comment vous est venue l'idée d'inviter Joel Ekelöf, le vocaliste de Soen, sur le très beau titre "Impermanence" ?

En fait tout a commencé lors de la préparation de City Burials. Nous recherchions un artiste à inviter pour le morceau "Vanishers" (c’est la chanteuse suédoise Anni Bernhard qui apparaît sur ce morceau, ndlr) et nous avons parlé collaborations. Anders (Nyström, ndlr) a évoqué le nom de Joel en disant qu’il fallait absolument qu’il apparaisse sur une chanson de Katatonia. Jonas et Joel sont amis donc ils ont commencé à parler de cette collaboration. Il me semble que "Impermanence" est le morceau idéal pour cela, et il rend vraiment bien.

 

Tout à fait, c'est un morceau d'une grande intensité. Si tout s'est fait lentement depuis le dernier album, c'est surtout à cause de cette longue parenthèse qu'ont été les années covid. Comment avez-vous vécu cette période de mise à l’arrêt forcé depuis mars 2020 puis la reprise parfois chaotique des concerts depuis ?

D’abord, quand la pandémie a commencé, ça a été le début d’une période très étrange pour nous. On fait de la musique depuis tellement longtemps, et on s’est rendu compte qu’on considérait ça comme acquis. On n’aurait jamais imaginé que l’organisation même de tournées entières allait être remise en question. Rien jusque là n’avait justifié d’annuler des tournées ! Ça a donc été très étrange pour nous de devoir rester à la maison, et même de faire un concert en streaming (en mai 2020, ndlr). Ne pas jouer n’a jamais fait partie de nos habitudes, on ne peut pas s’habituer à cela en tant que musicien. Et quand on a enfin pu se retrouver sur scène, devant un public, en chair et en os, dès les premières mesures du premier morceau, on s’est vraiment dit : "ça y est, on y est. C’est ça, notre vie !"

 

C’est comme si c’était naturel pour vous.

Exactement. Bien sûr, on a eu un peu le trac avant de remonter sur scène la première fois, mais dès qu’on est montés sur scène, devant un public qui avait payé pour nous voir, prêts à jouer nos morceaux, il y a eu comme un déclic, et en un instant c’est comme si toute cette période de pandémie avait disparu, comme si elle n’avait jamais existé. C’était un sentiment nouveau et inédit pour nous, mais instantanément ça nous a encouragé et conforté dans l’idée qu’on était toujours bien à notre place et qu’on suivait toujours le bon chemin. Comme si rien n’avait changé. C’est un sentiment très réconfortant.

Vous vous apprêtez à partir en tournée européenne, en plein dans ce contexte difficile marqué par l’inflation qui affecte lourdement beaucoup de groupes en ce moment. Qu’en est-il de Katatonia ?

Je ne suis pas trop ce qui se dit dans le monde de la musique, mais ce que je peux te dire c’est que nous sommes touchés, oui, de la même façon que tous les autres groupes en Europe ou même aux États-Unis. Je sais que ce qui fait grimper les tarifs des tournées en Europe actuellement, c’est l’essence. Une tournée aujourd’hui coûte énormément d’argent, encore plus qu’avant à cause de cette hausse du prix de l’essence, donc évidemment, on est affectés, car nous avons un certain budget à ne pas dépasser. Et pourtant, dans un sens, c’est assez triste de penser comme ça. Ce sont des considérations qui concernent le « monde normal », tu vois, alors que nous, nous sommes des artistes, des musiciens, et ça ne devrait pas être notre problème. On devrait pouvoir faire de la musique sans avoir à se préoccuper des tarifs du carburant. Mais évidemment, on ne peut pas faire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. C’est assez ennuyeux de penser à ces choses-là, mais de toute évidence, oui ça nous touche de plein fouet.

Et le public qui vous attend depuis longtemps ne vous en sera que d’autant plus reconnaissant ! Justement, quels morceaux de Sky Void Of Stars es-tu particulièrement impatient de jouer live ? Et peux-tu nous en dire plus sur les petites surprises dans la setlist dont tu nous a parlé tout à l’heure ?

Ce que je peux te dire, c’est que nous prévoyons, à un certain point, de jouer tous les morceaux du nouvel album. Je ne veux pas en révéler trop mais tu comprends l’idée. Parmi les titres de Sky Void Of Stars, ceux que j’attends de jouer en particulier sont "Drab Moon" et "Impermanence". Je ne peux pas trop donner de détails, mais en tout cas nous sommes tous particulièrement impatients de jouer aussi des morceaux qui ne sont pas encore sortis, complètement inédits …

Quel teasing ! Nous avons hâte de vous retrouver sur les dates françaises pour découvrir cette setlist.

Nous aussi, nous sommes vraiment impatients de retrouver le public !

Interview réalisée par Skype le 12 janvier 2023.  

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