Ghost : rencontre avec Tobias Forge (1/2)

Dans un café parisien bien connu des amateurs de hard rock, Tobias Forge achève une longue journée d’interviews. Il faut dire que l’actualité est riche pour Ghost, entre la sortie d’un EP de reprises en mai et, quelques jours plus tard, le coup d’envoi d’une grande tournée européenne avec huit dates prévues dans l’Hexagone. Dans cette première partie d’interview, le frontman passionné évoque sa relation avec la France et se confie sur l’avenir, le sentiment de nostalgie et le temps qui passe…

Bonjour Tobias ! Dans quelques semaines Ghost entame en France la partie européenne du Re-Imperatour 2023, de la plus belle des manières : huit dates sont prévues à Rouen, Lyon, Toulouse, Rennes, Lille, Strasbourg, Nice et Nantes. Qu’est-ce qui t’a fait choisir autant de villes de province pour le coup d’envoi de cette tournée ?

L’idée m’est venue il y a quelques années, avant notre premier premier concert en tête d’affiche à Paris, à la Cigale je crois, il y a combien de temps de ça … six, sept ans déjà ? Je ne suis plus très sûr ! [Le concert de la Cigale a eu lieu en décembre 2015, ndlr]. Étant amateur et collectionneur de merch de beaucoup de groupes plus anciens, j’avais bien remarqué sur des posters et des tshirts de tournées de Motörhead, Metallica, ou Iron Maiden, qu’à une époque ils avaient donné énormément de concerts partout en France, et pas uniquement à Paris. Je me suis fait la remarque qu’ils ne le faisaient plus, et que plus aucun « gros » groupe ne le faisait d’ailleurs. J’ai demandé pourquoi à notre attaché de presse en France, il m’a dit que ces groupes, à ce moment-là de leur carrière, ne souhaitaient plus faire de grandes tournées partout en France comme ça. Alors je lui ai demandé si Ghost pouvait faire ça. Il m’a répondu « Bien sûr ! »

 

Tout simplement !

Et oui ! J’ai demandé à mon promoteur s’il pouvait nous organiser une tournée dans plusieurs villes en France, et il nous a booké 10 concerts en province ! Et cette tournée [en 2016, ndlr] a été, de loin, la meilleure qu’on ait jamais faite jusque là. Je ne parle pas juste de l’excellente cuisine [rires], mais surtout du fait que vous avez tellement de super salles de concert ici !

Si on baisse la jauge à 1000 personnes, il y a vraiment énormément de très bonnes salles en France, mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne. Le fait de pouvoir jouer devant mille personnes à plein d’endroits différents, c’est déjà formidable. Et vous avez aussi plusieurs Zéniths en France, ce qui veut dire aussi la possibilité de jouer plusieurs fois devant 5000 personnes. Donc ça permet aussi d’avoir l’étape suivante en tête : une tournée des salles moyennes, puis un peu plus tard, une tournée des Zéniths…

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Tu as d’ailleurs toujours été très clair sur tes ambitions avec Ghost et tes plans très précis pour l’avenir.

Je suis comme ça, j’ai besoin de planifier les choses, d’avoir un plan à long terme et de savoir pourquoi je fais les choses. Je veux avoir un but et des objectifs à atteindre, et savoir quelle est la prochaine étape, puis la suivante, etc. J’ai commencé Ghost comme ça il y a dix ans [plutôt 13, ndlr] et c’est comme ça qu’on a toujours fonctionné. Et s’il n’y avait pas eu le covid et tout ce qui a suivi, on aurait fait ces huit concerts dès 2020, je pense. En tout cas, on est super contents de faire cette tournée en France. Ça me tenait vraiment à cœur.

C’est un peu comme les tournées qu’on fait aux Etats-Unis, depuis les débuts de Ghost. J’ai dit à notre tourneur là bas que je ne voulais pas me limiter aux villes trop cool, ou aux salles soi-disant tendance, les micro-brasseries pour hipsters, ou les trucs dans le genre. Je voulais voir l’Amérique, la vraie, et c’est ce qu’on a fait. C’est juste une question de volonté et d’organisation, c’est tout.

Parlons de ton statut de chanteur au sein du groupe. Si en studio tu joues de (presque) tous les instruments, sur scène tu campes uniquement le personnage du vocaliste. Arrives-tu à te voir complètement en tant que chanteur, toi qui à la création du groupe, n’avais même pas prévu de te charger du chant ?

C’est presque deux choses différentes pour moi. Essayer de comparer le travail de création en studio et la performance scénique, pour moi, ce serait comparer deux métiers complètement différents comme le boulot d’un architecte et celui d’un … plombier ! [rires] Je ne compare pas la scène avec le métier de plombier, bien sûr, mais je veux dire que c’est deux états d’esprits complètement différents.

Quand je suis sur scène, il y a tellement d’autres choses qui entrent en compte, la synchronisation avec la musique, avec le reste du groupe, les déplacements sur scène, etc. Je me mets en mode chanteur, je m’efforce de penser comme un chanteur, alors qu’en studio, je suis plein de choses à la fois. L’équilibre entre ces deux choses me convient, je suis très heureux de faire tout ça avec Ghost, bien sûr. Mais je dois t’avouer que si je devais commencer un nouveau groupe, j’apprécierais vraiment de n’être « que » le guitariste ou que le batteur… Ce serait un changement assez agréable, ne serait-ce que pour ne pas avoir à redouter en permanence de tomber malade !

Cette tournée Re-Imperatour 2023 semble, déjà, être la dernière partie du cycle Impera, avec la sortie de l’EP Phantomime dans quelques jours. Est-ce que cela veut dire, si l’on suit l’arc chronologique de Ghost, que les jours du frontman Papa Emeritus IV sont comptés ?

Comme pour beaucoup de monde, oui. Mais qui peut dire qu’il n’a pas une épée de Damoclès au-dessus de la tête ? Il est important de rappeler que chaque chose doit arriver à un certain moment, à un certain lieu. Les gens doivent comprendre que même si une fin arrive, cela veut dire que quelque chose – ou quelqu’un de nouveau arrive.

 

L’histoire de Ghost est indissociable de cette narration particulière, avec un changement de personnage à chaque cycle d’album, comme si une ère nouvelle commençait à chaque sortie. C’est aussi ce qui fait que les fans sont aussi fortement attachés au groupe et à son univers unique.

Je suis moi-même très nostalgique de façon générale. J’essaie aussi de profiter des choses au moment où elles sont là, évidemment, mais j’ai vraiment du mal à vivre complètement dans le présent. Bien sûr, les jeunes de 15 ans, eux, peuvent être nostalgiques de ce qui se passait en 2018. Mais pour tous ceux qui sont plus âgés que ça, dont je fais partie, je pense qu’on ressent tous une certaine forme de nostalgie pour cette période avant l’apparition d’internet. Il y avait quelque chose de magique dans tout ce qui se passait dans le monde pré-internet, et ça n’est plus le cas aujourd’hui, en tout cas plus de la même façon. Le temps semble passer beaucoup plus vite. Bien sûr, intellectuellement parlant, on sait bien que ce n’est pas le cas, mais si tout le monde ressent ça, c’est bien qu’il y a quelque chose.

Juste avant de sortir notre premier album [Opus Eponymus, en 2010 ndlr], on s’apprêtait à se présenter au public et au monde, ainsi qu’aux quelques journalistes qui s’intéressaient à nous à l’époque, et il a fallu discuter pour décider si on ferait des interviews ou pas. Personnellement, je ne voulais pas faire d’interviews du tout, je voulais juste « laisser notre musique parler ». Et même notre tout petit label indépendant de l’époque, qui faisait très peu de promotion, nous a dit : Vous ne pouvez pas ne pas faire de promo du tout ! [Rires] Donc, je me suis mis à la promo, et c’est comme ça qu’a commencé ce que je vis un peu comme un épreuve, c’est-à-dire le fait de devoir être le commentateur de mon propre travail, alors que j’étais plutôt pour laisser ce travail parler de lui-même.

Mais même à l’époque, j’étais déjà conscient d’une chose, c’est qu’en tant que « nouvel artiste » aujourd’hui, quand tout est nouveau, on peut exister depuis 13 ans et être toujours considéré comme un « nouveau groupe ». C’est comme ça, car le groupe est né dans cette nouvelle époque, cette nouvelle ère, alors que pour des groupes « d’avant », c’était complètement différent. Metallica ou Iron Maiden étaient déjà des vétérans au bout de 13 ans de carrière. Tu regardes les Rolling Stones dans les années 70, ils passaient déjà pour des vieux, de vrais dinosaures ! Aujourd’hui, c’est un peu comme si on restait tout nouveau, tout jeune, pendant une éternité !

J’en suis donc arrivé à la conclusion que le seul moyen de créer une sorte de capsule temporelle était de délimiter très précisément des sortes de périodes, en inventant quelque chose qui pouvait marquer très nettement un début et une fin, de faire une séparation claire entre hier et aujourd’hui. Et c’est ce que nous avons toujours fait avec Ghost : quelque chose arrive à sa fin, meurt, et c’est le commencement d’autre chose.

 

Retrouvez la suite de cette interview le mois prochain dans nos colonnes. Tobias Forge y parle de l'EP Phantomime, des groupes qui l'ont inspiré, et des raisons pour lesquelles Tik Tok est venu contrarier ses plans ! 

Entretien réalisé à Paris en mars 2023. Merci à Olivier de Replica Promotion et à Adeline de Gerard Drouot Productions. 

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