Entretien avec Janne Wirman (Warmen, ex-Children of Bodom)

Après deux années de dépression musicale suite à l'arrêt de Children of Bodom et la mort d'Alexi Laiho, Janne Wirman, le claviériste a décidé de revenir sur le devant de la scène. Poussé par ses camarades de Warmen : son frère Antti et le bassiste Jyri Helko, Janne a dégagé du temps entre ses études d'architecture pour enregistrer le premier album de son projet parallèle depuis neuf ans. A l'occasion de la sortie de Warmen are Here for None le 18 août, nous avons pu nous entretenir longuement avec le claviériste qui nous parle en toute honnêteté de la fin de Children of Bodom, de sa vision de la musique et de ce nouvel opus.

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La Grosse radio : Bonjour Janne, merci de prendre du temps pour évoquer avec nous Warmen are Here for None, le premier album de Warmen depuis neuf ans ! Pourquoi avoir mis autant de temps entre ces deux albums ?

Janne Wirman : Après la fin de Children of Bodom en 2019, j'ai décidé de me focaliser sur autre chose et de ne plus travailler dans le milieu de la musique. J'ai commencé des études et même un an après, lorsqu'Alexi est mort, je n'avais toujours pas cette envie de faire de la musique. Mon frère et Jyri m'ont alors demandé si on pouvait refaire quelque chose avec Warmen alors je me suis mis à écrire à nouveau et je me suis senti vraiment à l'aise : j'arrivais assez facilement à composer des chansons. Et puis en 2019, cela faisait déjà cinq ans que nous n'avions pas fait d'albums avec le groupe.

 

Tu as donc repris tes études, dans quel domaine ?

Dans l'architecture ...

 

... et c'est quelque chose que tu poursuis actuellement ?

Oui, j'ai eu ma licence au printemps dernier et je me dirige vers un master donc j'en ai encore pour deux ans.

 

Tu dirais donc qu'à présent, ton objectif principal c'est la musique ou l'architecture ?

Sans aucun doute, l'architecture.

 

Après ces deux années sans musique, qu'est-ce qui t'a permis de revenir à la composition ?

Mon frère et Jyri : ils m'ont dit d'essayer de refaire de la musique et après ce long break, ça m'a fait du bien. Je m'étais essayé à la synthwave avec des compos un peu bizarres néanmoins mais rien de plus.

 

Puisque tu parles de ces compos synthwaves, j'avais vu en 2019 que tu avais posté une image de toi avec un gros synthétiseur modulaire et tu parlais justement de ce style. Qu'as-tu fait de ces compositions ?

J'ai écrit quelques chansons et d'ailleurs l'une d'entre elles a fini sur l'album. Il s'agit de "Too Much, Too Late". Alors bien sûr l'arrangement est complètement différent. Pour les autres, je ne sais pas du tout. Je ne les ai pas écoutées depuis des années. Je ne ferme pas la porte à une éventuelle sortie mais pour l'instant, je me concentre principalement sur Warmen. Après tout, j'ai deux jeunes enfants, j'ai repris les études donc je n'aurais pas le temps de me focaliser sur autre chose que Warmen.

 

La musique de Warmen est devenue bien plus violente sur cet album. Alors bien sûr elle l'était déjà sur certains morceaux avec Alexi au chant, mais avant vous faisiez plus une sorte de power metal mélodique et technique. C'était un moyen d'exorciser toute cette période compliquée ?

En fait, même avant la fin de Children of Bodom et la mort d'Alexi, on s'était dit, avec Jyri et mon frère, que les chansons qu'on avait faites avec Alexi au sein de Warmen représenteraient le futur du groupe. On voulait vraiment explorer cette facette. Pendant très longtemps, on a fait du power metal car on trouvait ça fun : pourquoi faire de la musique plus agressive puisque j'en jouais déjà avec Bodom, ça n'était pas pertinent d'en faire sachant que Warmen représentait un side-project plus fun. Mais quand on a sorti First of the Five Elements, on trouvait que "Suck My Attitude" était le morceau le plus cool de l'album et on s'est dit qu'on allait partir dans cette direction.

 

Est-ce pour toi un moyen de ranimer la flamme de Children of Bodom ? Bodom after Midnight, même si tu ne faisais pas parti de ce projet, n'est plus, tu as ouvert le Bodom Bar à Espoo ...

Non pas du tout : les membres restant de Children of Bodom, moi inclus, sont très actifs en ce moment : on écrit un livre, on pense sortir des morceaux et des vidéos qui n'ont jamais été divulguées. C'est marrant car actuellement, je suis plus impliqué dans Bodom que je ne l'avais jamais été. J'adore ce groupe, j'adore travailler avec Henka et Jaska mais musicalement, je ne pense pas avoir repris le flambeau. Ce n'est pas ce que je veux : avec Warmen, je compose de façon naturelle et je crée des morceaux dans un style où je suis expert. Par contre, avec Petri au chant, quand on a enregistré les compos, on s'est rendu compte que ça sonnait plus Children of Bodom qu'on l'avait souhaité au départ. Au départ, on voulait qu'il y ait des lignes de chant mais avec Petri et ses growls, je me suis dit "putain, on dirait du Children of Bodom" et j'ai réalisé rapidement ce n'était pas grave.

 

A propos, comment as-tu choisi de travailler avec Petri Lindroos (Ensiferum) ?

Je connais Petri depuis une vingtaine ou une trentaine d'années. On avait vraiment des idées différentes pour le chant au départ mais quand on a vu que les riffs qu'on composait, étaient hyper agressifs, on s'est dit qu'il nous fallait un "hurleur" car un chant normal ne marchait pas. On a alors réfléchi aux chanteurs gutturaux qu'on connaissait et on a choisi Petri.

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Est-ce que le recrutement d'un seul chanteur est un moyen d'avoir un groupe plus solide ? Sur les albums précédents, il y avait des invités donc c'était plus compliqué pour les concerts.

Oui clairement : on se sent plus comme un vrai groupe puisque Petri chante sur toutes les chansons. Pour les concerts, il n'y aura pas d'invités. Warmen n'est plus un simple projet parallèle.

 

Comme le groupe est plus solide, est-ce que cela veut dire qu'il va perdurer à l'avenir ? En résumé, est-ce que cet album était juste un moyen de voir si tu pouvais refaire de la musique ou est-ce que tu veux t'investir davantage ?

On verra : on a quelques concerts de prévu et on verra comment ça fonctionne. On n'a même pas encore pensé à la setlist, on n'a pas encore fait notre premier concert donc je n'arrive pas à me projetter à long terme. Si on s'éclate au Summer Breeze Festival, on pourra peut-être faire plus de dates.

 

Pendant ces deux années sans composer, as-tu quand même gardé un pied dans la musique ?

La première année, j'ai complètement arrêté. J'ai juste joué une chanson pour le mariage d'un ami. C'est à ce moment là que je me suis rendu compte que j'étais "déprimé musicalement" par la fin de Children of Bodom : à cause de la façon dont ça s'est fini avec les problèmes d'alcool et de drogue d'Alexi.

 

Et ce fut difficile de rejouer après deux ans sans s'entraîner ? D'autant plus que le style de musique de Warmen est très technique ...

... Ce qui est génial avec les synthétiseurs, c'est que c'est que, contrairement à la guitare, si tu arrêtes d'en jouer, tu ne perds pas ce "toucher". J'ai mis quelques jours seulement à retrouver mes sensations. Heureusement ! J'ai eu de la chance que tout l'entraînement que j'ai pu pratiquer depuis que je suis gamin et avec Children of Bodom ne disparaisse pas. Donc ces deux années n'ont pas vraiment posé de problème. Alors c'est sûr qu'il faut que je m'entraîne beaucoup pour les concerts à venir. En tout cas ce n'est pas ce qui a posé le plus de problèmes.

 

Le nouvel album est beaucoup orienté vers les riffs et la guitare. Etait-ce quelque chose de conscient ? Un moyen de revenir de façon progressive aux claviers ou une envie d'être moins sous le feu des projecteurs ?

Pas vraiment, cela vient surtout du style global des morceaux. En composant l'album, on s'est rendu compte qu'il se basait plus sur les riffs et je ne me suis jamais dit consciemment que j'allais mettre moins de claviers dans cet album. Je pense qu'il y a juste ce qu'il faut.

 

Comment avez-vous composé ces morceaux ? 

Si je prends par exemple le premier titre "Warmen are Here for None", j'avais déjà l'idée de l'intro dans ma tête et on a continué ensemble. Pour le deuxième morceau "The Driving Force", on s'est basé sur un riff. Et la plupart des compos a été écrite en se posant tous ensemble simplement et c'était vraiment génial.

 

Avez-vous changé quelque chose lorsque vous avez choisi Petri ?

Pas du tout. L'intégralité était déjà écrite et la quasi totalité de la musique avait été enregistrée lorsque Petri nous a rejoints. D'ailleurs c'était notre volonté : on ne voulait rien changer donc Petri est venu et il a simplement enregistré le chant.

 

Avez-vous dû mettre des morceaux de côté?

Pas vraiment, un morceau et demi, je dirais (rires). Un titre n'était pas assez puissant pour l'album. Je trouve que les compositions sur cet opus sont solides et cette démo était plus faible.

 

Alors aujourd'hui avec cet album comment te sens-tu au niveau musical ?

Franchement, je me sens bien. Je sais que professionnellement, ce n'est plus ce que je veux faire mais j'aime faire de la musique comme un passe-temps. La pandémie a changé beaucoup de choses et je ne veux plus avoir cette pression d'avoir à gagner ma vie avec la musique. Cet album m'a vraiment aidé car pour la première fois, je n'étais pas anxieux. Je ne me suis jamais dit "oh bordel, que vont penser les fans". J'en n'avais rien à foutre. Alors certes c'est un hobby mais je m'y suis mis sérieusement et je suis sûr que les réactions seront positives.

 

Dans les albums précédents de Warmen, on pouvait t'entendre jouer du piano contrairement à cet album. C'est quelque chose que tu as abandonné ?

J'évoquais tout à l'heure ce break de deux ans et durant ce temps, je me suis rendu compte que mon "toucher" au piano avait disparu. Il faudrait que je m'entraîne pendant des mois. Le piano est un instrument beaucoup plus complexe que les synthétiseurs donc je n'envisage pas d'en rejouer. Je ressens la même chose que lorsqu'on a décidé d'abandonner le côté néoclassique avec Children of Bodom : je veux faire autre chose. Alors, je ne dis pas que j'en jouerai plus jamais, mais si je devais composer à nouveau au piano, il faudrait que je m'entraîne énormément pour que je sois capable de faire quelque chose qui me satisfasse.

 

Au niveau sonore, dans cet album, as-tu testé des choses différentes ?

Oui et non, on retrouve bien sûr les sons classiques mais j'ai testé des choses avec le synthé modulaire. Je l'avais déjà employé sur Hexed, le dernier album de Children of Bodom mais sur Warmen are Here for None, il y en a beaucoup plus, notamment des sons de basses ou de pad avec un filtre qui évolue en fonction du tempo. J'adore ce monde des synthétiseurs modulaires. A l'époque avec Bodom, je m'étais dit qu'il fallait que je m'empêche d'acheter des modules car sinon j'aurais une armoire chez moi. Bon tout compte fait, c'est ce que j'ai fait quand même (rires) mais j'adore créer des effets bizarres analogiques. On peut entendre ce type de synthé sur toutes les chansons de l'album de façon évidente ou plus cachée.

 

Votre premier concert sera au Summer Breeze Festival, c'est assez énorme pour un retour sur scène ! 

Alors là, il faut blâmer notre label allemand (rires). Lorsque je leur ai dit que je voulais faire un nouvel album, ils m'ont dit : "pas de souci, mais il faut qu'il soit sorti à temps pour que vous puissiez vous produire dans ce festival". J'ai accepté.

 

Pour en revenir à ce break de deux ans, j'ai l'impression qu'il a été un tournant dans ta vie.

Oui et non : lorsque j'ai arrêté la musique, je venais d'avoir mon premier enfant et durant cette pause, mon deuxième est né. Donc le fait d'être père m'a clairement changé. Cela se reflète dans la musique de Warmen : c'est une nouvelle ère. Mais en y réfléchissant bien, je ne peux pas dire que je suis une toute autre personne. Ma vision de la vie est différente, ma vision de l'industrie musicale est différente certes mais je suis toujours aussi excité notamment par cet album, par ce line up et par le fait de jouer sur scène.

 

Pendant cette pause, as-tu eu le temps de découvrir de nouveaux groupes, de nouvelles idées qui pourraient t'inspirer ?

Pas vraiment car lorsque j'étudiais, j'écoutais des groupes qui ne devaient pas trop me distraire. Donc c'était beaucoup de choses que j'ai découvertes dans les années 90 comme Bryan Adams. Récemment je me suis remis à écouter du metal mais c'est tout.

 

C'est intéressant que tu mentionnes tes racines musicales notamment celles des années 80 et 90 car avec Children of Bodom et Warmen, vous avez repris pas mal de morceaux assez kitsch et il y en a un aussi sur cet album.

Avec Bodom, on a fait un taff fantastique : bon certaines reprises ne sont pas géniales mais il y en plusieurs qui rendent vraiment bien avec Alexi au chant. Le seul problème c'est qu'on avait mis la barre tellement haute que je n'avais pas d'idées pour cet album. C'est Seppa, notre batteur qui nous a donné l'idée de reprendre "Dancing with Tears in my Eyes". Quand je l'ai écouté la première fois, je me suis dit qu'elle était vraiment bizarre. Mais avec les hurlements de Petri, ça en fait quelque chose de fou et ça rend bien.

 

Un grand merci à Janne pour sa disponibilité et sa franchise. Merci aussi à Valérie de jmtconsulting pour la mise en place de cette interview.

L'album de Warmen sort le 18 août et est disponible ici.

 

Images : DR Reaper Entertainement

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