Gorod / Kronos : l’interview croisée !

A quelques heures d’un concert en co-headline, nous avons pu discuter avec Grams, guitariste de Kronos, et Mathieu Pascal, au même poste chez Gorod, pour une interview croisée. L'occasion de mieux connaître les deux musiciens qui partagent la scène pour une belle date 100% française, et de revenir sur l'histoire de ces deux formations aujourd'hui incontournables dans le paysage death metal hexagonal.

Bonjour à tous les deux et merci de nous accorder cet entretien pour LGR. La dernière fois que je vous ai vus tous les deux fouler les planches d’une même scène, c’était au Divan du Monde à Paris en décembre 2015. Quel souvenir gardez-vous aujourd’hui de cette date ?

Grams : C’est déjà loin ! De mémoire, c’était une grosse date avec du monde. Et puis il faut reconnaitre que c’était une soirée assez speed pour nous et que les deux groupes ne s’étaient pas trop croisés, désolé (rires).

 

La reformation de Kronos avec le line-up de Colossal Titan Strife a surpris beaucoup de monde. Mathieu, comment as-tu réagi en apprenant cette reformation du groupe ?

Mathieu : Ah bah moi j’étais ultra content. Car avec les musiciens de Kronos on s’est connu en 2011 ou 2012 [Grams confirme NDLR] On a fait une tournée ensemble et puis j’écoutais leur musique depuis un bon moment également. Donc, oui, j’étais très content que le groupe se reforme, qui plus est avec cette équipe, c’est cool !

 

Grams, comment les choses se sont déroulées en interne ?

Grams : Depuis la séparation officielle du groupe, on continue de se voir au moins une fois par an pour faire la chouille ensemble, mais également avec nos copains de Benighted. A chaque fois qu’on se voyait à cette occasion, on en parlait un peu. A force d’en parler, on a réalisé que ça faisait presque 20 ans que Colossal Titan Strife était sorti. C’était donc le moment de faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard et qu’on finisse par ne rien faire et le regretter. Ça faisait au moins deux ans qu’on évoquait le sujet, pas forcément de façon très sérieuse au début, mais là on s’est dit « Allez, on y va ! » et nous voilà sur scène ! (rires)

Colossal Titan Strife a été une sacrée claque à l’époque dans le monde du metal extrême français. Mathieu, que retiens-tu de cette sortie ? A l’époque, Gorod était à ses prémices sous le nom Gorgasm. Est-ce que ce genre d’album t’a poussé à aller au bout et au même niveau qu’était Kronos à l’époque ?

Non, car de mon côté, j’ai connu Kronos bien plus tard. Je n’ai pas vécu la sortie de Colossal Titan Strife. Ils n’ont pas l’air, mais ils sont beaucoup plus vieux que nous en fait ! (rires)

 

Et entre Bordeaux d’où vous venez et les Vosges d’où est originaire Kronos, c’est la diagonale du vide, ça n’aidait pas à la diffusion des groupes locaux ?

(rires) Oui, c’était une époque où je ne connaissais pas beaucoup de groupes français. Je crois qu’on connaissait surtout Benighted et Carcariass. Grams] Vous les connaissez aussi non ?

Grams : Oui, on a déjà joué plusieurs fois avec eux ! Au moins quatre ou cinq fois si ce n’est pas plus !

 

Aujourd’hui, Gorod et Kronos sont deux formations reconnues au sein du metal extrême français, aux côtés également de Benighted que vous mentionniez. Surtout, ces trois groupes ont une identité propre et un son reconnaissable, ce qui n’est pas toujours le cas pour les groupes de votre génération. Cette recherche d’une identité sonore, c’est conscient lorsque vous composez ?

Grams : Pour ma part non. Après, cela fait longtemps que je n'ai pas composé seul. Au moment où l'on a composé Colossal Titan Strife, nous l'avons fait avec un autre guitariste, Tems, qui ne fait plus partie de la formation, il est parti juste avant l'enregistrement de l'album. Pendant cette période, les choses se sont faites naturellement. Il amenait ses riffs, je proposais les miens et c'est vrai que l'on ne se posait pas trop de question finalement.

 

Et pour Hellenic Terror (2007), c'était un peu la même chose ?

Alors pour Hellenic Terror, j'ai un peu moins composé car j'avais moins de temps. Mais Tom (basse) et Richard (guitare) ont pas mal proposé de choses. C'était donc un peu différent, chacun a amené ses influences. C'est aussi pour cela que les deux albums ne se ressemblent pas non plus. L'évolution du groupe elle vient aussi de là, du fait que chacun amène sa patte et qu'on ne soit pas seulement deux à composer comme au départ.

Mathieu, de ton côté, tu es le seul compositeur au sein de Gorod...

Mathieu : Oui, du coup concernant mon propre style, je n'ai pas d'autre choix que de le mettre dans les compositions. Après, je fais ce que je sais faire. Lorsque je compose, j'essaye surtout de chercher des trucs originaux mais vu que cela vient de moi, cela va forcément s'entendre. Pour un groupe, on ne se rend pas forcément compte que ce que toi tu entends en tant qu'auditeur. Il y a plein de fans qui viennent nous voir régulièrement pour nous dire « ce riff ou ce morceau renouvelle complètement le groupe ». Alors que pour être honnête, j'ai un peu l'impression de toujours faire la même chose depuis le début ! (rires)

 

Du coup, lorsque vous composez, vous n'êtes pas non plus influencés par ce que vous pouvez lire dans la presse à propos de vos albums précédents ? Vous y allez sans pression ?

Alors, ça peut arriver qu'on lise parfois certaines critiques, ce qui a comme bon côté de se remettre en question. Mais je pense pas que ce soit une bonne chose de toujours se remettre en question. A un moment donné, il faut y aller, composer du death metal, sans aller chercher midi à quatorze heure. Dans ce style, on sait très bien qu'il y a des trucs qui marchent, qu'il faut faire et qui plus est, ce sont aussi les choses que le public attend et pour lequel il est ravi la plupart du temps. Dès que tu prends des risques, c'est bien, mais il faut savoir doser aussi !

Grams : Il faut que ça soit aussi instinctif dans ce style effectivement. Si tu commences à trop intellectualiser la démarche et la composition, tu n'y arrives jamais.

Mathieu : Oui et si tu te forces, les gens le ressentent en plus.

 

Vos deux groupes ont connu parfois d’importants changements de line-up. Chez Kronos, cela s’est marqué par le départ de Kristof, votre chanteur emblématique. Chez Gorod, même si le line-up est aujourd’hui stable, vous avez subi le départ de Guillaume avant A Perfect Absolution. Comment on se relève du départ d’un vocaliste pour un groupe ? Comment avez-vous envisagé les choses chacun de vos côtés avec Triv (qui a remplacé Kristoff dans Kronos) et Julien (qui est toujours dans Gorod) ?

Grams : De notre côté, on a eu beaucoup de mal à trouver un remplaçant à Kristof. On en a auditionné deux ou trois [Kronos a eu Chris Lewis de Cancerous Womb derrière le micro durant une période de deux ans entre 2011 et 2013 NDLR]. Et c'est l'aspect humain est aussi très important. C'est déjà difficile de trouver quelqu'un qui colle avec le style musical, mais humainement, le but c'est aussi de se faire plaisir, de jouer entre copains, il faut que ça reste comme ça !

Mathieu : c'est même l'aspect principal je pense !

Grams : Oui, effectivement. C'est vrai que c'est la première question que l'on se pose. Si on ne s'entend pas, c'est sûr que ça ne peut pas aller. C'est pour cela qu'on a longtemps cherché, on a testé des gens, ça l'a fait ou pas... Et on a fait comme on a pu j'ai envie de te dire ! (rires)

Mathieu : Avec le départ de Guillaume, de notre côté, on s'est dit qu'il fallait absolument trouver quelqu'un rapidement. Guillaume, on l'adorait, il est parti car ce n'était plus possible pour lui de continuer par rapport à sa vie perso. Il n'y avait pas de tristesse ou d'abattement, car il nous en a parlé pour qu'on anticipe. Ce n'était pas une annonce brutale, ce qui nous a permis de tous repartir à la recherche de quelqu'un d'autre. Mais on savait pertinemment qu'avec un autre frontman, ça ne serait pas pareil, c'était clair dans notre tête. Pour Julien, c'était d'abord un copain, on savait qu'il chantait et on a vu que ça le faisait. Comme disait Grams, c'est le côté humain qui est venu en premier !

Grams : oui c'est vraiment le plus important. Il faut que ça suive derrière musicalement, c'est certain. Mais c'est vraiment le critère principal.

Mathieu : Surtout quand tu fais dix heures de camion pour aller donner un concert, tu as intérêt à être sûr que ça va coller ! (rires)

Mathieu, Gorod vient de sortir The Orb, le septième album du groupe. Ce dernier a été une fois de plus hyper bien accueilli, même s’il a été long à sortir, près de cinq ans après Aethra. Est-ce que tu as ressenti une forme de pression au moment de l’écriture ?

Mathieu : Oui, on s'est posé beaucoup de questions au moment de travailler dessus. Car on a fait une tournée en 2020 qui s'est terminée pile au moment du confinement. Mais sur cette tournée, on nous a dit « faudrait que vous fassiez ceci ou cela... Regardez, ça a réussi à Gojira ! ». Et je me suis beaucoup pris la tête, ce qui fait que pendant deux ans je n'ai absolument rien composé. A un moment donné, notre projet c'était surtout de sortir des singles, car on n'avait pas de label, on n'avait aucune structure derrière pour nous soutenir. On a tenté de s'y tenir et de sortir tous les deux mois un single...

 

C'est pour ça que "Victory" est sorti bien avant The Orb ?

Oui. Et à un moment on nous a dit « non mais les gars, vous ne pouvez pas fonctionner comme cela, il faut que vous sortiez un album, vous ne pouvez pas vous contenter de singles » (rires). Donc c'est comme ça qu'on s'y est mis...

 

Grams, de votre côté, Colossal Titan Strife vient de ressortir dans une version anniversaire, avec un nouvel artwork. Mais au delà de cela, il y aura d'autre chose derrière, ou... ?

Grams : Et bien si tu veux, heu...

[Kristof chanteur du groupe intervient et me dit] Mais pose ta question franchement !! (rire général!)

Grams : Dans un premier temps, la reformation c'était déjà un challenge. Moi du death metal j'en faisais plus depuis longtemps, donc il a fallu retravailler les morceaux, retrouver notre niveau... Et puis on savait pas trop si les gens allaient être réceptifs. Dans un premier temps, l'idée c'était surtout de rejouer l'album. Dans un second temps, il y a eu effectivement cette idée de ressortir l'album, avec une nouvelle pochette. Mais le but c'est avant tout de se faire plaisir et de jouer, sans penser à demain. La scène nous manquait c'était surtout cela qu'on voulait retrouver. Pour la suite, on verra, on n'en a pas du tout reparlé, il n'y a pas de projet d'album à l'heure actuelle

Mathieu [à Grams] : Ou en tout cas, il ne t'ont pas encore parlé ! (rires général) Tu n'es pas encore au courant !

 

Vu que nous avons la chance de vous avoir en interview croisée, Grams, quel et ton album préféré de Gorod et Mathieu, même question à propos de Kronos ?

Mathieu : Alors moi, c'est surtout The Hellenic Terror qui est vraiment mon album préféré de Kronos.

Grams : Alors moi euh.. J'avoue que je ne connais pas le nom des titres de Gorod ! (rires) La question piège ! La chanson deux du troisième album ! (rires)

 

Outre votre musique, on trouve des thématiques qui diffèrent des autres groupes de death chez Gorod comme Kronos. Pour Gorod, les albums récents du groupe sont axés sur des concepts parfois mythologiques ou philosophiques que Julien écrit (The Orb ou Aethra). Pour Kronos, c’est du côté de la mythologie grecque qu’il faut chercher. Pourquoi ce choix de se démarquer et de ne pas proposer des thématiques plus classiques autour du gore ou de l’horreur ? Une façon de montrer que le death peut être intelligent ?

Grams : Nous de notre côté, on n'a rien de spécial à revendiquer. C'est Tems, l'ancien guitariste qui écrivait toutes les paroles (et d'ailleurs, il a fait pareil sur Arisen New Era, sorti en 2015, c'est lui qui a proposé les textes). Il s’intéressait beaucoup à la mythologie et on s'est rendu compte que c'était un concept qui collait bien à notre musique et qui plaisait à tout le monde. Et c'est comme cela qu'on a continué avec ces thématiques tout simplement. On a pas pensé du tout à se démarquer des autres groupes, on a juste commencé là dessus et c'est tout.

Mine de rien, Kronos a été formé en 1994, Grams tu avais 14 ans. Mathieu, tu as fondé Gorgasm en 1997 (avant que Gorod ne voit le jour en 2005). Quel souvenir gardez vous de vos tout débuts ?

Grams : Au départ, c'était surtout l'envie de s'éclater avec les copains dans le garage. Mike [batteur de Kronos NDLR] habitait à 50 m de chez mes parents, pas plus. On peut presque prendre un mètre pour vérifier (rires). On avait juste envie de faire de la musique. Au départ, on ne se connaissait pas trop, on s'est juste mis à jouer ensemble comme ça. C'est parti de rien mais petit à petit on a continué car on était passionné avant tout ! Et aujourd'hui on est arrivé là.

 

Sortir un disque ce n'était pas l'objectif premier ?

Grams : Ah si, on avait quand même envie que ça aboutisse et c'était un peu l'aboutissement de pouvoir le faire.

Mathieu : Oui, nous c'est pareil. On sortait voir des concerts et on avait vraiment cette envie d'être à la place des mecs qui étaient sur scène, qui étaient les grands frères de nos potes de l'époque (rires). Les groupes locaux de l'époque on trouvait ça carrément cool, je pense notamment à Disabled [combo de Bordeaux, actif entre 1992 et 1998 NDLR]. Aujourd'hui quand je réécoute... [il chuchote] je me dis que ce n'était quand même pas terrible (rires). Je le dis sans méchanceté tu vois mais quand j'étais gosse j'avais des grands yeux ronds en me disant « whaou, je veux faire ça ! »

Grams : Oui, je connais ce sentiment car on était aussi acharné, on ne pensait qu'à la musique. On a fait des concerts dans des bars tout autour de chez nous, ça se compte peut être en centaine ! Et puis petit à petit, on a gravi les échelons, à sortir un premier album puis à aller jouer un peu plus loin de chez nous, jusqu'à arriver là aujourd'hui...

Mathieu : en gardant notre passion pour la musique surtout !

 

La Grosse Radio vous suit depuis longtemps et vient de fêter ses 20 ans. Il y a 20 ans, Colossal Titan Strife voyait le jour, et Neurotripsick s’apprêtait à sortir. On se voit où dans 20 ans ?

Mathieu : Attends, ça nous fera quel âge ça surtout ? (rires)

Grams : 64 ans pour moi ! Moi je ne pense pas que je ferai encore du death metal... plutôt du rock, je suis un grand fan de rock. Donc oui, je ferai toujours de la musique, mais du metal non ! (rires)

Mathieu : Barby, notre bassiste, il nous dit toujours « ah quand je serais vieux je ferai du blues ! ». (rires). Il aura une contrebasse et ne portera plus sa basse à ses genoux !

Merci à tous les deux !

De rien, merci à toi et à La Grosse Radio !

Interview réalisée le 27 octobre 2023 à Petit Bain.
Merci à Mathieu et Grams pour leur disponibilité
Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans autorisation de la photographe

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