SOM : entretien avec Mike Repasch-Nieves (guitare)

SOM vient juste de sortir Let the Light In, son troisième album, qui marque une sorte de nouveau départ pour le combo américain de heavy shoegaze, passé de quintette à quatuor en 2023. Nous avons pu nous entretenir avec le guitariste Mike Repasch-Nieves qui s'est confié sur cette renaissance et le processus de création de ce nouvel opus, coup de cœur de ce début d'année.

Bonjour Mike. Avec ce nouvel album, commence une nouvelle ère pour SOM, désormais quatuor depuis le départ début 2023 de votre batteur Duncan, qui a entraîné un jeu de chaises musicales au sein du groupe. Est-ce que ce changement a bouleversé les choses, y compris votre façon de travailler sur la préparation de l'album, ou avez-vous déjà un rythme de croisière avec ces huit ans passés ensemble ?

Je pense que notre travail s'est déroulé de manière assez naturelle ces dernières années. Une grande partie de la musique a été composée alors que Duncan était encore dans le groupe. Il était donc toujours très impliqué, même s'il n’a pas joué sur l'album. C'est aussi un très bon ami, et nous sommes tous très proches. Je dirais que l'évolution de notre groupe s'est faite en quelques années. En partie parce que nous avons fait de nombreuses tournées pour notre dernier album et que Duncan n'a pas pu toutes les faire. Du coup, comme Justin [Forrest, ndlr], qui était à la basse dans SOM, est batteur de formation, il a naturellement pris la relève et s'est mis la batterie, et Will [Benoit, anciennement guitariste, ndlr] est passé à la basse. Puis nous somme partis en tournée à quatre. Nous avions donc déjà trouvé un bon rythme au fil des années et des tournées, et nous nous sommes même rendu compte que nous avions donné plus de concerts à quatre qu'à cinq. On s'est donc sentis très à l'aise dans cette dynamique.

Une fois qu'il est devenu clair qu'on allait faire l'album de cette façon, il a fallu un peu de réajustement. Will a retravaillé certaines de ses parties. Il avait initialement écrit des parties de guitare pour l'album parce qu'il jouait de la guitare. Il a retravaillé des parties de basse, et Justin a réenregistré la batterie. Comme il allait jouer les morceaux en live, il voulait les jouer sur l'album et apporter sa touche personnelle, se les approprier. Donc oui, ça a changé notre façon de travailler, et je pense que c'est positif, en partie parce que ça a laissé un peu plus d'espace, avec seulement deux guitares au lieu de trois. Ça nous a donné un peu plus de marge de manœuvre. Je pense que ça m'a obligé à être un peu plus méticuleux dans chaque partie que je jouais, pour en tirer le meilleur parti, la rendre aussi efficace que possible et remplir l'espace au mieux.

Je pense que ça a aussi contribué à apporter du dynamisme à l’album. Les morceaux sont un peu plus dynamiques musicalement car on a laissé de l'espace sur certaines parties, avec des passages plus calmes. Et je pense que c'est un meilleur produit grâce à ça. Je pense que sur les albums précédents, il se passait vraiment beaucoup de choses à chaque minute, à chaque seconde. On essayait de remplir chaque seconde de sons, d'énergie, etc.

SOM : Mike Repasch-Nieves, Will Benoit, Justin Forrest, Joel Reynolds. Photo : SOM / DR

Tu mentionnes avoir réalisé que vous avez fait plus de concerts à quatre qu'à cinq. Nous vous avons justement découvert en première partie de Katatonia et Sólstafir à Paris fin 2023, peu de temps après le remaniement du line-up.

Oh, ce concert était vraiment spécial. C'était un moment fort de la tournée. Le Trianon, c’est une salle magnifique avec tant d'histoire, et on l'a vraiment ressenti sur scène. On avait envie de donner le meilleur de nous-mêmes, parce qu'on avait l'impression de devoir honorer le lieu dans lequel on se trouvait. Et la salle était pleine à craquer. Le public était vraiment génial. L'énergie était vraiment bonne ce soir-là. Et les deux groupes, Katatonia et Sólstafir sont des groupes avec lesquels nous avons déjà tourné à plusieurs reprises, et ils sont devenus de très bons amis. Donc oui, c'était vraiment spécial.

L'album est chargé d'émotions, presque de vulnérabilité avec la douceur du chant, les moments de calme dont tu parles, et des paroles assez personnelles, et quelques petites lueurs d’espoir. 

Absolument. Les paroles sont de Will, notre chanteur. Mais vu ce qui se passe dans le monde, dans le paysage sociopolitique actuel, et vu à quel point toute cette énergie négative est alimentée par la peur et la colère, je peux dire que la dernière chose que nous voulions, c'était d’insuffler quelque chose d'agressif, de colérique ou de négatif. Nous essayons donc de partir d'une attitude positive et introspective, sans forcément être hippies ou idéalistes. C'est une sorte de réponse au monde qui nous entoure, d'une manière assez réaliste. Et je pense que ça reflète notre parcours à tous ces cinq ou six dernières années, face à un monde qui a beaucoup changé et aux changements que nous traversons tous. C'était donc une réponse, un reflet de cela, une sorte de témoignage de notre traversée de cette période, émotionnellement et personnellement.

J'en suis fier, et je pense qu'il y a toute une gamme d'émotions qui sont tissées dans chaque morceau. Une sorte d'espoir, que ce soit dans le choix des paroles, d'une mélodie, d'un accord ou autre, pour donner ces moments de légèreté et de positivité. Ça peut sembler très facile de se concentrer sur une émotion et de se laisser porter par l'obscurité, la colère, la tristesse. Il faut un peu d'effort et de travail pour insuffler ces petites touches d'espoir et de positivité. Et je pense que c'était vraiment intentionnel.

Le titre serait donc une métaphore de votre son, comme une invitation à laisser entrer la lumière dans la morosité ?

Bien sûr. On vient tous les quatre d'horizons musicaux légèrement différents, mais on a beaucoup de points communs dans nos goûts et influences. Et je trouve que le grunge des années 90, le mouvement shoegaze, ce son onirique et aérien, c'est quelque chose qu'on a tous intégré à notre son depuis qu'on fait de la musique, que ce soit dans ce groupe ou dans nos anciennes formations. On a donc établi un langage musical commun, avec notre façon d'écrire et nos sensibilités, que ce soit dans le choix des notes, des timbres ou des sonorités qui nous attirent. C'est quelque chose qui nous semble naturel, car on fait de la musique ensemble depuis plus de vingt ans. Même si SOM est un groupe assez récent, nous avons tous déjà évolué et collaboré ensemble avec différents groupes dans le passé. Nous partageons donc tous une identité musicale et une sensibilité, dont SOM est, je pense, le fruit. C'est une sorte de condensé de toutes ces choses qui nous donnent de la force. Nous réunissons tout ça pour créer cette soupe musicale qu'est le son du groupe.

De la soupe, peut-être, mais très comestible, je te rassure !

[Rires] C'est ce que nous recherchons : la comestibilité.

Justement, en tant que groupe avec pas mal d'expérience, comment fonctionnez-vous pour l'écriture ? Profitez-vous d'être ensemble en tournée pour attendez-vous plutôt d'être chez vous, au calme, pour composer ?

Personnellement, j'habite à New York, et Joel [Reynolds, guitariste ndlr] aussi. Will habite dans le Connecticut, à quelques heures au nord de chez nous. Il a un studio d'enregistrement là-bas. C'est donc là qu'on se retrouve généralement. Justin vit à Denver, à l'autre bout du pays. Du coup, on ne se voit pas régulièrement. On ne se voit vraiment que pour les enregistrements ou les tournées. On a donc appris à bien gérer cet éloignement, et on a par exemple écrit à distance et échangé efficacement des idées pendant le confinement. Ça a plutôt bien fonctionné. Mais quand on se retrouve en studio, on a parfois l'impression qu'on a besoin de tout optimiser très vite, parce qu'on ne se voit pas aussi souvent que si on vivait tous au même endroit.

Il y avait des soirs pendant cette tournée en 2023 où on avait quelques jours off, et on sortait nos guitares du camion pour les ramener à l'endroit où on logeait, quand on ne dormait pas dans le tour bus, et on travaillait sur des trucs. Et je dirai que ça n'en valait probablement la peine, car au final, je pense qu'on essayait de tirer le meilleur parti de chaque seconde passée ensemble, alors qu'on aurait probablement pu et peut-être dû simplement profiter un peu plus, mais on avait cette sorte de pression. Donc, oui, on a travaillé sur certaines choses ensemble, quand on était en tournée. Mais pour cette dernière tournée 2025, qu'on vient de terminer il y a quelques jours, je crois qu'on ne l'a pas fait cette fois-ci, et on s'en est bien sortis, parce qu'on a passé nos jours de repos ensemble, et on a passé plus de temps à profiter d'être ensemble, à se retrouver en quelques sortes. Et je pense que c'était probablement pour le mieux. C'est bien de faire ça.

C'est aussi très important de vivre ensemble en tant que groupe, en tant qu'équipe, et pas seulement pour le travail.

Exactement. Parfois, c'est tout aussi important de se retrouver quelque part et de préparer des burritos pour le petit-déjeuner ensemble, ou un grand plat de pâtes ou autre, ou encore un grand dîner ensemble, parce que c'est quelque chose qu'on aime. Ça renforce nos amitiés et nos liens en tant qu'amis et musiciens. C'est important d'en être conscient.

Parlons d'ailleurs de cette tournée américaine que vous venez juste d'achever. Avez-vous joué des morceaux de Let the Light In, avant même sa sortie ?

Oui, on a joué trois des nouvelles chansons, "Let the Light In", "Nightmares", et "Give Blood". Ces trois singles étaient déjà sortis, donc les gens les connaissaient déjà. On aurait aimé en jouer plus, bien sûr, mais on ne voulait pas jouer des chansons que les gens n'avaient pas encore entendues. J'ai toujours ce sentiment qu'on a ce moment spécial à partager avec les gens, et on ne sait pas quand on reviendra dans cette ville, face à ce public. Peut-être plus jamais, tu sais. Et j'ai toujours le désir de rendre ce court laps de temps, que ce soit trente minutes ou une heure, aussi spécial et aussi enrichissant que possible pour le public, autant que pour nous. On essaie donc d'en être toujours conscients quand on crée une setlist et de s'assurer que ce soit non seulement satisfaisant pour nous, simplement parce qu'on veut jouer les chansons qu'on a envie de jouer, mais aussi, on l'espère, agréable pour le public et satisfaisant pour lui aussi.

Ceci dit, on n'a joué que ces trois nouvelles chansons, mais je pense qu'elles ont été très bien accueillies, semble-t-il. Et c'était cool d'avoir cet accueil en live, parce qu'on ne les avait jamais jouées auparavant. On les a écrites à distance, et pour la composition comme pour l'enregistrement, on a tout fait séparément. Donc, quand on s'est retrouvés pour répéter pour la tournée, c'était la première fois qu'on jouait ces morceaux ensemble. Du coup, c'était un peu la panique en arrivant dans la salle la première fois, et on s'est dit : « J'espère que ça va marcher et que ça sonnera bien », parce qu'on ne les avait jamais entendues en live. Mais je pense que ça a marché, et on fait ça depuis assez longtemps pour anticiper ça, écrire nos parties et savoir ce qu'il faut faire pour que ça sonne bien, équilibré et puissant en live aussi. C'est aussi l'un des défis assez sympas qu'on a à force de travailler de cette façon.

C'est donc important pour vous, en tant que groupe, de créer des morceaux que vous pourrez interpréter live par la suite, et ça intervient dans votre approche de l'écriture ? 

Oui. C'est une chose que nous faisons en tant que musiciens. Je travaille dans le milieu de la musique depuis longtemps, et c'est très facile, amusant et aussi très tentant lors d'un enregistrement d'ajouter une multitude de couches, des textures et peut-être de faire des choses qu'on ne pourrait pas faire en live, parce que ça sonne bien sur un enregistrement. Mais quand on réalise qu'il faut jouer devant un public, ça risque de ne pas fonctionner ou de ne pas sonner aussi bien, ou il faut juste avoir plusieurs pistes en arrière-plan, et on essaie d'éviter ça autant que possible. Nous, quand nous composons, nous nous posons souvent la question, comme une sorte de test. Je dois être capable de ne rien enregistrer que je ne me sente capable de faire en live. Et je pense que c'est une partie intégrante de notre processus d'écriture. Et ça a fait partie aussi des questions qu'on s'est posées quand on est passé de cinq à quatre musiciens, on voulait s'assurer que tout ce qui figure sur cet album pouvait se transmettre au mieux en live. Donc oui, c'est quelque chose auquel nous réfléchissons beaucoup et que nous prenons en compte.

Attention, ne crois pas que je trouve à redire sur les groupes qui font les choses différemment. J'ai vu beaucoup de groupes très impressionnants, qui adoptent une approche différente et présentent un style de show différent, mais chez SOM on a plus un background punk rock un peu à l'ancienne, un peu artisanal. C'est comme ça que beaucoup d'entre nous ont grandi, en faisant des concerts, en tournée et en adoptant une philosophie plus punk. Parfois, je me demande si quelqu'un se soucie encore vraiment de nos performances, de nos guitares, de nos pédales, de nos effets, etc. On fait tout ça en live, en concert.

Et la technologie pourrait faciliter grandement les choses. On peut acheter des appareils qui permettent de tout pré-programmer, sans avoir grand-chose à faire. Et beaucoup de groupes font ça, et ça ne me pose aucun problème que d'autres le fassent. J'ai juste l'impression que, pour moi, une partie du plaisir, c'est de d'appuyer moi-même sur les boutons des pédales et d'utiliser mes pieds pour déclencher différents effets sur scène ! Et ça veut peut-être dire qu'il y a plus d'erreurs. Mais ça fait aussi partie du processus, j'ai fini par l'accepter. C'est ce genre de choses que j'apprécie de plus en plus de voir quand j'assiste à un concert. Parce que ça me rappelle qu'ils sont humains, et que ça n'a pas toujours l'air d'être parfait. Quand je vois un groupe faire une petite erreur, je le vois transpirer. Je sais qu'il travaille vraiment dur pour que le spectacle ait lieu et qu'il fonctionne. Ça vous plonge dans la performance, ça vous permet de vous identifier davantage, je pense. Dans un avenir proche, on continuera probablement à faire les choses comme on les fait, même si c'est plus gênant et, vous savez, dépassé, mais je pense toujours que ça me convient.

C'est aussi peut-être plus honnête pour votre public. Justement, prévoyez-vous de revenir en France ou en Europe prochainement ?

Il y a quelques projets en préparation, je ne peux probablement pas encore en parler. J'espère que tout ça aboutira, car nous mourons d'envie de revenir. En tête d'affiche ou en première partie, je ne sais pas. Une tournée en headline, ça serait un grand pas en avant. Et je prendrais beaucoup de plaisir à jouer un set plus long, ce qui enrichirait l'expérience. Mais en tant que groupe, c'est toujours difficile d'évaluer ce sentiment et de savoir quand le moment est venu, et il ne faut jamais sauter le pas trop tôt.

Interview réalisée via Zoom en mars 2025. Let the Light In, nouvel album de SOM, est disponible via Pelagic Records.



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