Entretien avec Thobbe Englund de Sabaton

Sabaton sort un nouvel album et c'est toujours un événement. D'autant plus qu'il marque le retour de Thobbe Englund après une longue pause. Le guitariste s'est entretenu avec nous. On en a profité pour évoquer son absence, ses projets solo et bien sûr son comeback.

Sabaton, Legends, Power Metal, Joakim Brodén, Pär Sundström, Chris Rörland, Hannes Van Dahl, Thorbjörn Englund

La Grosse Radio : Bonjour Thobbe et merci de nous accorder de ton temps. Nous sommes ici, bien sûr, pour parler du nouvel album de Sabaton, intitulé Legends. Mais avant de parler de cet opus, j'aimerais qu'on parle de ton retour dans le groupe. Tu as quitté Sabaton en 2016. Maintenant que tu as eu le temps de réfléchir à cette décision, tu penses que c'était la meilleure chose à faire ?

Thobbe Englund [guitare] : Oui, bien sûr. À l'époque, quand j'ai rejoint le groupe en 2012, on tournait sans arrêt, et les années 2014 2015 étaient très intenses.. Et pourtant… J'aimais tout ce qu'on faisait et être constamment en tournée, c'était un rêve d'enfant. Jouer de la guitare dans un groupe de rock international avec mes meilleurs amis, que demander de plus ? Mais je me souviens un jour, alors qu'on était en tournée en 2015, j'avais du mal à m'endormir dans le bus. Et je me disais : « Qu'est-ce qui me manque ? J'ai tout ce dont je peux rêver ».  Je me suis rendu compte que ce qui me manquait, c'était d'avoir un enfant. Six, presque huit ans plus tard, le groupe m'a demandé si je voulais revenir après le départ de Tommy. C'était une évidence car mon fils a sept ans et son groupe préféré, c'est Sabaton

 

Tu étais parti pour te concentrer sur ta famille et maintenant que tu es de retour, as-tu demandé au groupe de changer quelque chose pour gérer ta vie de famille ?

Avant 2016, aucun de nous n'avait de famille ni d'enfants. Maintenant, on a tous des familles et des enfants. Je n'ai donc pas eu besoin de poser cette question, parce que forcément, tous les membres veulent être avec leur famille. En plus durant les sept dernières années, Sabaton a énormément grandi, et les concerts sont plus imposants. On n'a plus besoin d'être constamment sur la route comme à l'époque, même si c'est sûr qu'à nos débuts, faire des concerts de façon intensive, c'était nécessaire pour amener le groupe où il se trouve aujourd'hui. Alors certes, c'est une organisation plus complexe mais c'est beaucoup plus fluide maintenant. 

 

Est-ce que, quand tu es reparti en studio avec le groupe, tu as eu des craintes ?

Non car pour ainsi dire, j'avais encore "la dalle" [rires]. Dès que j'ai rejoint Sabaton, on a commencé directement à travailler sur le nouvel album. J'étais là dès le début de l'enregistrement et j'avais tellement envie de rejouer. Pendant cette pause, j'ai eu certes une période en solo, j'ai fait une tournée européenne, quelques festivals, quatre albums et d'autres choses. J'ai fait de la musique, même après avoir quitté Sabaton, mais je savais que je n'aurais pas une carrière solo viable. Mais ces dernières années, je n'ai pas beaucoup joué de guitare donc je leur ai dit : " donnez-moi quelques semaines pour me remettre". J'avais envie de me poser en studio avec mes guitares. Et ça m'a redonné encore plus envie de faire de la musique.

 

Penses-tu que ton style a changé entre 2016 et aujourd'hui ?

Ouais, un peu, je dirais. Je joue de la guitare depuis très longtemps. Je crois que j'ai commencé à m'entraîner sérieusement vers 14 ou 15 ans, huit heures par jour jusqu'à mes 20 ans. J'ai donc passé plus de 10 000 heures. En tant que musicien, quand on commence, il faut commencer par se constituer une boîte à outils qui devient son propre style de jeu. Maintenant j'essaie d'affiner ce que j'ai. Je me pose plus, je décortique les choses et je me demande ce que j'ai fait et je commence à peaufiner ma technique.

 

Lorsque vous êtes rentrés en studio pour composer Legends, avez-vous parlé entre vous de ce que Tommy Johannson avait apporté ou alors êtes-vous repartis de zéro ?

Franchement, ce retour a été parfait car le reste du groupe savait à quoi s'attendre de ma part, car ils me connaissaient très bien. On était de retour là où on s'était arrêtés en 2016. 

 

Et justement concernant l'héritage de Tommy, comment fais-tu lorsque tu joues les chansons composées lorsque tu n'étais pas là ?

J'essaye d'être très fidèle : note par note pour les parties rythmiques. C'est comme ça que je travaille, parce que si ça a été écrit de cette façon, je me dit qu'il y a eu une idée derrière. Et comme on est deux guitaristes, c'est très important qu'on soit synchronisés. Mais pour les solos et l'interprétation, je le fais à l'instinct. On sent immédiatement si c'est une mélodie qui est censée être là pour servir le morceau ou un solo hyper rapide. Dans ce cas, j'ouvre ma boîte à outils et je l'utilise à bon escient.

 

J'ai entendu dire que chaque membre du groupe avait contribué au nouvel album. Tu peux nous en dire plus, notamment sur ta participation ?

C'était plutôt une coïncidence que ça se soit passé comme ça sur cet album. Parce qu'on avait tous d'assez bonnes idées de chansons. Mais ce qui est drôle c'est que même quand je ne faisais pas partie de Sabaton, j'ai écrit des morceaux pour le groupe comme "Fields of Verdun". Pour ce nouvel album, le travail de compo a démarré bien avant le studio. Parfois, lorsque Joakim était dans les environs, il m'appelait et me demandait ce que je faisais ce week-end. On écrivait et on buvait quelques bières. C'est marrant car en novembre 2023, on avait fini une chanson et deux mois après il m'annonçait que je pouvais revenir dans le groupe.

 

Mais quand tu es parti, il y avait une chance que tu reviennes ? C'est quelque chose que vous aviez déjà évoqué ?

Non on n'en parlait pas. J'étais heureux, mon fils est né en 2019 et à cette époque, je pensais qu'il était très important d'être présent en tant que père, surtout quand son enfant est tout petit et qu'il faut créer un lien. Les premières années sont très importantes, donc je suis très content que ça se soit passé comme ça. En fait, je n'avais jamais rien pris pour acquis, en plus Tommy est l'un de mes meilleurs amis. Ca marchait très bien pour lui et pour le groupe et j'étais ravi pour eux.

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Parlons à présent de ta façon de composer : quand tu écris, tu commences généralement par un riff, une mélodie ?

La plupart du temps, je trouve l'inspiration comme ça, au hasard : je peux passer devant la télé dans le salon et j'ai une idée dans la tête. Puis je pars de ça et ça me donne une mélodie ou alors un événement qui me donne une idée. D'ailleurs un jour, je me suis réveillé avec une mélodie en tête et c'était vraiment bizarre.

 

D'ailleurs, comment tu fais pour mémoriser une idée ? Tu prends ton téléphone et tu t'enregistres ou direct tu prends ta guitare ?

Mon portable : c'est plus pratique car tu l'as toujours à portée de main. Le seul problème, c'est quand tu dois en changer. Par exemple, je pense que je dois avoir des milliers d'idées stockées sur des anciens disques durs, des téléphones etc ...

Et justement, est-ce que tu es déjà tombé sur des idées d'il y a quelques années et que tu as reprises ?

Récemment, j'ai essayé d'organiser mes photos de famille et je suis tombé sur un dossier de mon ordinateur nommé « Idées ». Il y en a qui sont franchement bonnes mais il me manque un seul truc : le temps. 

 

Dès que tu penses à un riff ou à une mélodie, tu arrives à savoir si c'est plus approprié pour tes projets solo ou Sabaton ? Ou parfois tu hésites et tu te dis : "ça pourrait marcher mais il faut un peu modifier certaines choses" ?

Non, c'est instinctif en fait, c'est plus sur le moment.

 

Passons maintenant au thème de l'album qui est consacré à différents personnages et légendes de l'Histoire. Il y a donc différentes histoires et différents textes. Est-ce qu'il a fallu adapter ton style, tes sons pour coller aux différentes figures historiques venues du Japon, de Chine, de France ...

Oui, notamment pour les solos : quand on pose les bases d'une chanson, on commence par la batterie, la basse, les claviers, la rythmique, les guitares, etc. et généralement, en dernier lieu, on fait le chant et les solos de guitare. Les parties "solo" sont généralement assez libres et j'essaye de visualiser la chanson pour comprendre son sujet. Alors même si j'adore improviser, j'essaye vraiment de créer un thème qui va avec celui du titre. . Comment puis-je… comprendre le sujet de la chanson et… le relier à travers mon solo.

 

Tu as fait beaucoup de choses pendant ta pause notamment en solo ou avec Civil War. Alors, penses-tu que toute cette expérience a apporté quelque chose de spécial à ce nouvel album, notamment dans ton jeu ?

C'était très agréable d'être de retour en studio avec le groupe, parce que c'est là où nous avons commencé. Lorsque je suis revenu dans Sabaton, nous avons commencé direct par aller en studio. Puis nous sommes partis en tournée, puis nous y sommes retournés. C'était tellement agréable d'être de retour et d'avoir ce genre de contribution et d'influence, et aussi d'écouter leurs idées comme on le faisait à l'époque. Par exemple, il y a une fois où Chris Rörland jouait à 75% de son potentiel et je le lui ai fait remarquer. Il m'a répondu : "ok, laisse moi travailler là-dessus cinq minutes" et il est revenu après avec un truc énorme. On s'est encouragés mutuellement, comme avant et c'était hyper constructif.

 

Et tu penses que si tu avais créé cet album, disons en 2016, lorsque tu faisais encore parti du groupe, ça aurait pu sonner pareil, selon toi ?

Je n'en suis pas si sûr, car j'ai vécu pas mal de choses pendant mes sept ou huit années sans groupe et mon projet solo m'a permis de m'exprimer d'une autre façon. Être dans un groupe, c'est vraiment un environnement tellement agréable qui me rend plus détendu et plus confiant. J'ai peut-être un peu muri et je suis devenu plus sage, je n'ai plus besoin de jouer aussi vite que possible car j'ai l'impression que, ça y est, le monde est au courant. Quand j'étais gosse, c'est ce qui m'importait le plus, la technique. Et puis quand tu as de la chance de faire carrière dans le monde de la musique, tu te rends compte qu'il y a peut-être autre chose de plus capital.

 

Parlons pour finir de la nouvelle tournée car cela va être quelque chose de très spécial notamment avec le Legendary Orchestra ! Tu peux nous en dire plus ?

C'est marrant que tu poses cette question car on a eu, il n'y a pas longtemps, une réunion de groupe. On avait terminé les répétitions il y a quelques semaines, et on a parlé de ça, des visuels, de la production et tout ça. Et mon Dieu ! j'ai eu des frissons quand on a commencé à jouer "Templars". On a fait quelques changements pour adapter à la production et à l'idée générale et je me suis dit : "les fans ne vont jamais croire ce qu'ils voient". En tout cas, j'espère que vous viendrez nombreux aux concerts car sinon vous allez vous en mordre les doigts !

Sabaton, Legends, Power Metal, Joakim Brodén, Pär Sundström, Chris Rörland, Hannes Van Dahl, Thorbjörn Englund, Steve Bright

Un grand merci à Thobbe Englund. L'album Legends sort le 17 octobre et vous pouvez vous le procurer ici.



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