Pär Sundström est le touche à tout de Sabaton : bassiste, membre fondateur, manager, parolier, le suédois y est pour beaucoup dans le succès de la formation. A l'occasion de la sortie de leur album intitulé Legends, il est revenu avec nous le retour du guitariste Thobbe Englund, la production du nouvel opus et bien sûr la tournée qui s'annonce monumentale.

La Grosse Radio : Bonjour Pär et merci de nous accorder cette interview. Il y a quelques heures, on discutait avec Thobbe de son retour dans le groupe. Peux-tu nous en dire plus ?
Pär Sundström [bassiste, producteur] : Ca a été une transition très facile car Tommy Johansson est un type génial. On est restés très amis et quand il nous a annoncé son départ, il nous a affirmé qu'il ne laisserait pas tomber l'album et la tournée en cours. On s'est alors posé la question de son remplaçant et on a même dû retarder l'entrée en studio. Puis on a passé le réveillon du Nouvel An avec Thobbe et on en a parlé de façon un peu implicite. Le lendemain, on s'est appelé avec Joakim et Chris et c'était plié.
Donc ce n'était pas du tout dans un coin de ta tête depuis un certain temps. Tu sais parfois, certains groupes réunissent les anciens membres etc ...
Pas du tout. On savait que Thobbe était heureux sans faire partie du groupe et qu'il faisait ses propres trucs. Il avait juste besoin de prendre du temps pour lui, pour sa famille et ensuite il a pu revenir dans Sabaton. Vraiment, on n'a jamais envisagé son retour même s'il est toujours resté proche de nous : il nous aidait à écrire des chansons, il venait parfois sur scène avec nous et on se voyait régulièrement.
Je suppose qu'il y a dû y avoir une atmosphère particulière lorsque vous êtes tous rentrés en studio pour écrire ce nouvel album intitulé Legends ?
Ce qui est assez marrant, c'est qu'il avait déjà commencé à travailler sur l'album avant même d'être de retour car on bossait sur le morceau "Lightning at the Gates" sans savoir qu'il allait revenir. Sur ce titre, la star, c'est vraiment la guitare. Et on s'en est servi pour son retour ...
... Tu parles de la vidéo où vous avez révélé son comeback : on le voit jouer un solo puis ensuite on voit son visage ...
... Exact, c'était pendant qu'on enregistrait le solo. Et c'est assez marrant de voir que les fans maintenant savent que c'était lui depuis le début. On s'est bien amusé à tourner la vidéo.
En tant que producteur, quelle est la différence entre le Sabaton de 2016, lorsque Thobbe est parti et celui d'aujourd'hui ? Après tout, tu es le mieux placé pour juger vu tes multiples rôles.
Oui c'est vrai ça fait un certain moment car Tommy est resté pendant une dizaine d'années quasiment. Quand Thobbe est parti, c'était une période assez difficile et très épuisante au niveau des tournées notamment. A présent, on est plus organisé et puis on apprend au fur et à mesure. On gère tout nous même et puis on est financièrement plus à l'aise aujourd'hui qu'à l'époque où il était dans le groupe. Quand il a rejoint le groupe, on était dans une situation très délicate. On n'avait absolument pas d'argent. C'était difficile de s'entendre sur ce point là à l'époque, mais tout est bien mieux organisé et on est plus efficace. Au début, à la production, il y avait deux personnes dont moi. Maintenant, on est une équipe de douze. L'organisation a un peu changé, ce qui simplifie beaucoup les choses. On a une superbe équipe et c'est vraiment plus facile et plus agréable.
Parlons un peu plus de Legends, le nouvel album : vous avez composé onze titres qui portent sur onze personnages historiques différents. Comment avez-vous sélectionné ces figures légendaires ?
Quand on a commencé à parler du concept de Legends, la liste était énorme. Qui dit "légende" dit "période de plusieurs milliers d'années". Mais c'était génial car lorsqu'on a travaillé sur nos albums basés sur les deux guerres, on ne pouvait pas inclure des personnes comme les templiers ou faire une chanson comme "A Tiger among Dragons". Finalement c'était plus facile avec ce thème, mais ensuite, il fallait l'associer à chaque personnage, chaque mélodie. On a donc laissé la musique nous guider. Si tu prends par exemple la chanson que je viens de citer, on s'est dit qu'elle ressemblait à un chant de guerriers chinois. Alors je me suis dit "bon, on va partir du côté de la Chine". Même chose pour "Templars", on se croyait dans un temple. Pour "Lightning at the Gates" on a eu un peu plus du mal car je trouvais que la musique était aiguë, un peu comme des avions, comme si on parlait d'un pilote. Mais forcément, on ne pouvait pas trouver de thème historique ancien en lien avec ce thème. Alors on s'est dit que ça allait parler de quelque chose d'aérien, de haut dans l'atmosphère et on a pensé à Hannibal qui a traversé les Alpes avec les montagnes, l'air pur autour de lui.
C'est un thème qui te trottait dans la tête depuis un certain temps car j'ai le souvenir d'une interview en 2014 où vous étiez intéressés par Alexandre le Grand ou Napoléon.
On ne pouvait pas vraiment l'inclure dans nos albums sur les deux guerres mondiales, c'est sûr. Mais Napoléon est l'un des personnages les plus emblématiques et les plus connus. Ca collait assez naturellement. C'était plus simple pour nous pour le cerner : lorsqu'on associe les morceaux avec les différentes "légendes", on essaie de voir lesquels correspondent à la musique, et ensuite on peut les intégrer en se posant des questions du genre : "c'est assez grandiloquent ? on évoque l'artillerie ? on doit aborder le côté émotionnel ou la puissance et l'impérialisme ?". Ca a été plus difficile pour "A Cycle of Songs", car le sujet était plus complexe. Par contre pour Napoléon ou même Jules César, il y avait plein d'aspects qu'on pouvait traiter.
Vous composez donc toujours la musique avant les paroles et jamais l'inverse.
Oui c'est très rarement l'inverse sauf pour "Christmas Truce" par exemple. Alors on n'avait pas composé les paroles mais on avait une idée du thème : cela parle d'une trêve de Noël donc il fallait que ce soit beau et émouvant.

Vous avez décidé de traiter de sujets plus anciens sur cet album mais vous avez déjà couvert des conflits plus récents. Comme à Sarajevo, Saddam Hussein etc ... Est-c que vous vous imposez une limite temporelle, des conflits à ne pas traiter ?
Tout ce qui est récent n'appartient pas vraiment à l'Histoire car c'est en cours de déroulement. Nous ne sommes pas un groupe politique, nous n'essayons pas de changer le monde. Nous écrivons simplement des histoires (avec un petit "h") et ce n'est pas à nous de juger ce qui se passe. On ne pousse pas les gens à penser ceci ou celà ou à voter pour telle ou telle personne. C'est juste un récit et les gens en font ce qu'ils veulent.
Avez-vous déjà des idées pour d'autres personnages légendaires pour une éventuelle suite ?
Oui, absolument. Et je dirais aussi qu'il y en avait plusieurs qu'on voulait vraiment inclure sur l'album, mais on n'avait pas la musique qui leur correspondait. On pourrait continuer dans cette direction car c'était vraiment cool de le faire mais on pourrait tout aussi bien partir sur autre chose. On vient à peine de terminer cet album, on va partir en tourner donc ça va nous prendre un certain temps avant de revenir en studio.
Vu tes multiples casquettes au sein du groupe, peux-tu nous en dire plus sur ton rôle sur cet album. Alors bien sûr tu as joué de la basse, tu as créé les paroles, mais qu'as-tu fait d'autre ?
Je suis impliqué dans absolument tout ce qui touche à Sabaton. Alors je ne suis pas forcément seul à décider car par exemple, il faut que la pochette nous plaise à tous. Mais c'est moi qui vais voir Peter Sallai, notre graphiste, qui lui donne les idées et qui discute avec lui. Je suis le seul du groupe à discuter avec la maison de disques et nos attachés de presse, à planifier les interviews, les meetings etc...
Tu aimerais parfois lever le pied et te concentrer sur certaines de tes fonctions ?
Oui et non car j'aime beaucoup ce que je fais. Si je trouve la bonne personne alors tant mieux et je n'aurais aucun problème à laisser ma place.
Thobbe nous a parlé un peu de la nouvelle tournée qui s'annonce légendaire avec le Sabaton Orchestra, que peux-tu nous révéler sur ce projet ?
Cet orchestre sera vraiment un spectacle à part entière : ils joueront des morceaux de Sabaton de leur côté lors de la première partie et ensuite nous jouerons d'autres morceaux avec le groupe. C'est comme deux artistes à part entière. On leur a composé une setlist unique et plus important encore, nous voulions vraiment avoir un orchestre avec des artistes triés sur le volet : des musiciens qui veulent vraiment être là et jouer du Sabaton. Nous n'avions pas envie d'engager un orchestre qui se contentait de jouer sans vraiment prendre du plaisir, nous voulions des musiciens avec une vraie personnalité et qui se démarqueraient en tant que soliste. Nous, on a déjà pu voir ce qu'ils faisaient et nos chansons prennent une dimension supplémentaire et ça rend super bien au niveau du son. Vous n'imaginez même pas encore ce que ça va donner. Alors que moi, oui et c'est pourquoi j'ai autant confiance en ce projet, parce que je le trouve absolument génial. Peut-être que ce n'est pas pour tout le monde et que certains seront déçus, mais ce n'est pas grave. Quand Metallica a joué avec un orchestre, il y a eu des détracteurs, même chose pour Apocalyptica. Peu importe. Chaque concert sera l'occasion d'avoir encore plus de Sabaton que d'habitude et tant mieux, non ?
Dernière question : si vous pouviez organiser des concerts de Sabaton dans un lieu historique important, où serait-ce ?
Un lieu historique, je ne sais pas. J'adore les châteaux en général. Je ne sais pas lequel ce serait. Je crois qu'on a déjà joué sur des champs de bataille il y a longtemps, et c'était franchement très spécial et parfait pour notre groupe. Pourquoi pas sous l'eau [rires] mais ce serait difficile.

Un grand merci à Pär Sundström. L'album Legends sort le 17 octobre et vous pouvez vous le procurer ici.






