Motocultor 2022, jour 4 : un final tout en nostalgie et en éclectisme

Les corps sont fatigués, les traits tirés, les cashless vidés, mais rien n'arrête les festivaliers du Motocultor en ce quatrième jour. Il faut dire qu'une belle affiche les attend, entre poids lourds attendus, come-back réjouissants et bonnes découvertes. Retour sur une dernière journée marquée par le choc des générations ...

Rivers Of Nihil

Massey Ferguscène, 14h10

Sur la Massey Ferguscène, second chapiteau du Motocultor, le quintette Rivers Of Nihil fait son entrée devant un public assez fourni. Le groupe américain attaque une musique assez prenante, post metal, qui oscille, comme dans beaucoup de formations de metal modernes, entre des accès de brutalité agressifs à souhait et des passages beaucoup plus planants, voire éthérés. Le chanteur Jake Dieffenbach fait à ce niveau bonne impression, entre ses différentes formes de chant saturé et son chant clair très aérien. Ça part assez rapidement en pogo, avec des premiers titres plus agressifs, mais ça se calme un peu sur les derniers morceaux, globalement plus planants, même si un circle pit éclate vers la fin.

En revanche, le groupe utilise énormément de bandes enregistrées, et cela nuit à l'authenticité de la prestation. Des claviers, un saxophone, on a même un doute sur certaines voix... Pour un peu, on aurait presque l’impression qu’il y a plus de musique sur bandes que vraiment jouée en live. En dépit de cela, la prestation reste intéressante, le public semble conquis, mais ce gros point noir ternit tout de même le set.

En début d’après-midi, le quatuor américain Valley of the Sun anime la Bruce Dickinscène avec son heavy / stoner rock entraînant et sa bonne énergie. Mention spéciale à l’espiègle batteur Aaron Boyer, aussi à l’aise derrière les fûts qu’en grimaces et nombreuses plaisanteries avec le public du Motocultor, ainsi qu’au duo de guitaristes faisant preuve d’une solidité impressionnante et d’une belle complémentarité. Belle découverte que ce groupe montant de la scène stoner moderne, dont le cinquième opus intitulé Chariot est sorti en juin dernier.

Bloodywood

Massey Ferguscène, 15h45

Depuis quelques années, Bloodywood commence à se faire un nom. Déjà parce que des formations de metal issues d’Inde, ce n'est pas extrêmement fréquent, mais en plus parce que le groupe développe un son unique. Le chapiteau de la Dave Mustage, la scène principale, est donc plein plusieurs minutes avant le début du set, et il est impossible de se frayer un chemin jusque devant la scène.

A l'heure dite, les musiciens investissent la scène. Le groupe se compose d'un batteur (Vishesh Singh), un bassiste (Roshan Roy), un guitariste (Karan Katiyar), deux chanteurs (Jayant Bhadula et Raoul Kerr) et un percussionniste (Sarthak Pahwa) utilisant des instruments traditionnels indiens, notamment le dohol, grand tambour joué aux mains et aux baguettes.

Le groupe attaque d'emblée un morceau extrêmement agressif et rapide, dans un style très neo-metal, où les deux chanteurs se répartissent le chant saturé, le chant traditionnel et le rap. Bloodywood enchaîne sur un titre au début explosif, qui ralentit sur le couplet où les synthés prennent le dessus et où le chant se fait rappé. Il y a beaucoup de breaks sur le morceau, les hurlements abondent, le batteur est déchaîné, se lève de son siège et saute avant de se rassoir.

Après ce début ébouriffant, tout le concert va être à l'avenant. Le groupe s'inscrit clairement dans un courant neo-metal, avec des titres à la fois agressif et efficaces, beaucoup de breaks et de claviers, une alternance entre harsh vocals, voix claire et rap. On songe, parmi d'autres, aux premiers Linkin Park plus d'une fois - les Indiens citent d'ailleurs les Américains dans leurs influences.

Mais le combo est loin de se limiter à ça, et la profusion d'influences au sein du groupe est impressionnante. Outre des parties hip hop (avec du rap parfois scandé si rapidement par Raoul Kerr qu'il pourrait presque tenter de concurrencer Eminem) et electro, courantes dans le neo-metal, on trouve des sonorités de metal extrêmes, de blast de batteries en guitares très saturées, mais aussi un jeu très groovy par moments.

Les sonorités indiennes ne sont pas ce qui prédominent dans la majorité des morceaux, mais elles se font entendre et prennent ponctuellement le dessus. Elles proviennent notamment du chant de Jayant Bhadula et des percussions traditionnelles de Sarthak Pahwa, mais aussi de la flûte jouée ponctuellement par le guitariste et par le chanteur Karan Katiyar, et par certains sons enregistrés. On pourra regretter que ceux-ci soient assez conséquents, mais les sonorités du combo sont tellement multiples et apportent tellement à l'identité du groupe qu'il serait difficile de s'en passer - surtout, elles ne prédominent pas sur la musique jouée en live.

Mais au-delà de jouer une musique formidable, le groupe utilise la scène pour porter des messages sérieux, que ce soit pour dénoncer les agressions sexuelles, universelles mais particulièrement endémiques en Inde, ou évoquer les problèmes de santé mentale.

Le public est particulièrement réactif jusque très loin dans la fosse, et les musiciens le lui rendent bien, se retrouvant par moments à sauter à cinq en rythme sur le devant de la scène. Après un dernier morceau tout aussi saisissant que les autres, Blodywood quitte la scène sous les acclamations.

C'est là qu'une membre du staff du festival vient prendre la parole. On ne comprend pas ce qu'elle dit, mais le groupe revient sur scène, le chanteur rugit, et le groupe lance un de ses anciens titres, avec énormément de groove et des sonorités indiennes très présentes. Les musiciens sont une fois de plus à fond, la foule est en délire, et cette prolongation impromptue est la dernière des bonnes surprises de ce concert. Les Indiens sont peut-être LA révélation du festival, et ils devraient confirmer leur statut lors de leur passage en salles en mars prochain.

Hangman's Chair

Bruce Dickinscène, 16h35

Sans un mot, l’air grave, concentré, complètement dans leur set, les quatre musiciens prennent possession de la scène devant une fosse bien remplie. D’année en année, Hangman’s Chair prend du galon et s’impose comme une formation incontournable de la scène française depuis la sortie de ses deux derniers opus et la signature chez Napalm Records. C’est d’ailleurs A Loner qui est à l’honneur sur la première partie du set, avec l’enchaînement "An Ode to Breakdown", crescendo d’ouverture tout en puissance, "Cold & Distant" et l’excellent "Who Wants to Die Old".

Du chant mélancolique et inspiré de Cédric aux boucles de guitares si caractéristiques, des explosions rythmiques de Mehdi aux ralentissements ravageurs, Hangman’s Chair prend aux tripes, captive et entraîne le public un (court) moment dans son univers fait de solitude, de terrains vagues et de tristesse. Les titres plus anciens, devenus classiques comme l’incontournable "Naïve", sont repris par le public en symbiose complète avec le combo mobile et généreux, visiblement heureux d’être là.

Les patrons déroulent un set propre, parfait même, monstrueux au niveau du son, confirmant nos premières impressions de qualité sonore sur cette nouvelle scène extérieure du Motocultor décidément bien agréable. Aucun bémol, aucun regret, à l’exception bien sûr de l’horaire et du temps de set. La formation a depuis bien longtemps prouvé qu’elle avait la carrure pour remplir une main stage bien plus tard dans la journée.

Setlist Hangman’s Chair :

- An Ode to Breakdown
- Cold & Distant
- Who Wants to Die Old
- Naive
- 04/09/16
- Dripping Low

Groupe iconique du heavy new-yorkais des années 1990, Life of Agony offre à la Massey un moment revival des plus efficaces, à coups de gros riffs grungy, de cris déchirants, et d’accélérations redoutables. Ça groove, ça chante, et même si les thématiques sombres des débuts sont toujours là, l’ambiance est plutôt euphorique dans la fosse (la tente est pleine) et même sur les côtés de la scène, où on peut apercevoir plusieurs musiciens d’autres groupes, dont Hangman’s Chair au complet, apprécier le show. Deux séparations dans le parcours des Américains, et le changement de genre de la chanteuse Mina Caputo, n’ont entamé en rien la force et l’intensité des compositions du groupe qui fait preuve d’un dynamisme à toute épreuve, et l’énergique frontwoman ne ménage pas ses efforts en allant chanter debout à la barrière, au plus près des fans du Motocultor, concluant parfaitement ce set des plus solides.

Sur la Bruce Dickinscène, Truckfighters continue la journée stoner planant avec du gros rock à la basse ultra groovy. Il y a un côté stoner très plaisants, de la distorsion à foison, de longs ponts instrumentaux, et dans le trio, le guitariste et le bassiste se partagent le chant. Si on entend de jolies choses, cela manque aussi parfois de puissance et de justesse. Le groupe offre tout de même une prestation dans l'ensemble agréable, saluée par le public.

Cattle Decapitation

Supositor Stage, 19h25

Le combo de grind / death américain n’était pas venu au Motocultor depuis 10 ans, et ce sont donc des retrouvailles tout en violence et en blast beat qui sont scellées sur la Supositor Stage, théâtre idéal de ces démonstrations de tendresse. Cinq petites minutes de retard nous permettent d’apprécier le backdrop représentant une mappemonde et les terres encore visibles après l’inéluctable montée des eaux. En effet, le death metal de Cattle Decapitation ne respire pas l’optimisme quant à l’espèce humaine et les dommages irréparables que sa présence entraîne.

C’est d’ailleurs avec le titre "Geocide" que les Californiens entament le set, et une dizaine de seconde suffisent pour lancer les hostilités du côté de la fosse. Les pogos se déclenchent sans difficulté, au son du double blast redoutable, qui fera vibrer toute la fosse plus d’une fois. De son côté, le vocaliste Travis Ryan envoie du très lourd en alternant des cris perçants et des growls profonds et en échangeant avec le public, tandis que ses acolytes donnent dans le headbang synchronisé. Le dernier opus sorti en 2019, Death Atlas, sera largement représenté dans la setlist de Cattle Decapitation ce soir. Le groupe signe une performance impeccable, alternant dans ses compositions des passages aux décrochages très techniques et des moments impitoyables de fièvre et de rage.

Du côté de la fosse, on assiste à des moshpits qui n’en finissent pas, un flot incessant de slammeurs, de quoi labourer la fosse de la Supositor en bonne et due forme – sans non plus atteindre le niveau d’enlisement de l'édition 2019 du Motocultor (avec notamment l’épique bataille de boue du set de Gronibard), le sol étant cette année bien trop sec. C’est l’occasion encore une fois de saluer le travail impressionnant du personnel de sécurité, largement mis à contribution, qui garantit encore une fois le bien-être de tous en dirigeant à distance les slams, récupérés dans l’hilarité et la bienveillance générale.

Sur la Massey Ferguscene, Combichrist attire du monde avec son metal indus dansant et agressif. C'est ultra entraînant et efficace, il ne révolutionne pas grand-chose – mis a part une esthétique improbable de maquillage noir et blanc très black metal, improbable sur ce genre de musique – mais c'est extrêmement jouissif. Le public se déhanche avec entrain avant la suite des hostilités. Le claviériste est tellement galvanisé par l'ambiance qu'il fait tomber son clavier de ses tréteaux.

Swallow the Sun

Bruce Dickinscène, 20h20

Le groupe finlandais a enchaîné de nombreuses dates en festivals cet été, reprenant la route pour la première fois depuis la sortie de son dernier opus, Moonflowers, dont l’artwork décore le fond de la scène ce soir. Swallow the Sun va délivrer un set poignant et intense, plongeant la Bruce Dicksinscène dans son univers morose de doom et de mélancolie, et démontrer ce soir un professionnalisme rare. On apprend en effet que tout le matériel du groupe – instruments compris – a été perdu la veille par une (certaine) compagnie aérienne (allemande) pendant leur trajet depuis l’Autriche. Qu’à cela ne tienne, le Motocultor leur a trouvé des instruments de remplacement auprès d’un luthier local, Beardy’s Guitars (également guitar tech sur le festival) et c’est donc armé de customs made in Morbihan que le groupe délivre une prestation sans fausse note qui force l’admiration.

La variété de la setlist permet de retrouver les différents univers musicaux accompagnant les textes remplis d’émotions de Swallow the Sun. Les moments contemplatifs du début de la setlist (la lenteur de "Enemy", le doom ambiant sur "Falling World" ou "Woven Into Sorrow") laissent place à des morceaux pleins de lourdeur comme sur l’énorme "This House Has No Home", le tournant du set ce soir, tout en puissance et en blast beat. Le son est excellent sur la Bruce, mettant en avant chaque instrument et la voix de Mikko Kotamäki de façon équilibrée dans les moments lourds de distorsion ou plus lents et introspectifs.

Le public n'hésite pas à entonner, les yeux fermés, les paroles des morceaux emblématiques ("Stone Wings") puis se lance dans des mouvements énergiques, motivés par les guitaristes assez mobiles sur les parties plus puissantes. La fin du set est marquée par des titres redoutables tirant vers le death, à la lourdeur déchirante, datant des débuts du groupe : "Descending Winters" et surtout "Swallow (Horror, Part1)" issu de The Morning Never Came, le tout premier opus, sorti en 2003. Une conclusion de haut vol, qui laisse augurer de très bons moments lors du retour du groupe en salles au printemps prochain.

Setlist Swallow the Sun :

- Enemy
- Falling World
- Woven Into Sorrow
- Stone Wings
- This House Has No Home
- Descending Winters
- Swallow (Horror, Part 1)

Electric Callboy

Massey Ferguscène, 21h20

Depuis le début d'après-midi sur le site du Motocultor, de nombreux festivaliers arborent des tenues un peu particulières constituées de micro shorts de sport, de perruques à mulet et de bandeaux fluo. Cette foule au look toutouyoutou s’agrège sous la Massey en début de soirée ce dimanche, attendant avec impatience son rendez-vous avec le phénomène allemand de metalcore / électro Electric Callboy, stars de Youtube et aspirants malheureux à la représentation de l'Allemagne au dernier concours de l'Eurovision. C’est justement en tenue d’aérobic que les six membres du combo font leur apparition pour la pépite metalcore survitaminée "Pump It", aux relents d’eurodance.

La scénographie fait son effet, avec un mur d’écrans et des jeux de lumières très travaillés, des canons à serpentins et confettis utilisés à profusion pendant le set. La fosse réagit au quart de tour, encouragée par la démonstration d’énergie débordante de la part du combo qui joue la carte de l’humour et multiplie les costumes. Les circle pits se succèdent, les slams se multiplient, car les musiciens envoient du très lourd, à coups d’énormes breakdowns et de refrains imparables emmenés par l’alternance de chant clair et de cris des deux vocalistes Nico Sallach, récemment arrivé, et Kevin Ratajczak, parfaitement complémentaires et véritables piles électriques.

Parmi les morceaux joués ce soir, les morceaux récents issus de l’EP MMXX (devinez la date) et Tekkno (2022) figurent en bonne place. Ces titres connus du public fonctionnent très bien et plongent le Motocultor dans une ambiance de folie généralisée. C’est la fête sous la Massey qui saute ou pogo-danse comme un seul homme, et même en-dehors, car la foule est en nombre ce soir. Ce moment assez surréaliste, défouloir géant aux couleurs fluos, s’achève avec le morceau "Vamos a la Playa" joué en musique d’ambiance. Sans transition …

Setlist Electric Callboy :

- Pump It
- My Own Summer
- Hate/Love
- MC Thunder II (Dancing Like a Ninja)
- Best Day
- Hypa Hypa
- Crystals
- Spaceman
- Hurrikan
- MC Thunder
- We Got the Moves

Testament

Dave Mustage, 22h15

La formation iconique formée en 1983 prend d'assaut la Dave Mustage dans la soirée. Testament n'est pas là pour faire dans la dentelle et offre ce qu'il sait faire de mieux, du bon gros thrash des familles. Ce n'est pas entièrement plein mais il y a quand même du monde. Le combo est par ailleurs l'un des rares à avoir fait l'effort d'un décor sur scène, avec divers éléments disposés, un backdrop avec la pochette du dernier album en fond de scène et une machine à fumée qui orne la scène de ses volutes.

Les premiers titres sont très rapides et agressifs, et le chanteur Chuck Billy fait scander des "hey hey" au public. Le chant est un peu éraillé, il sature parfois un peu mais il reste souvent à peu près clair. On peut lui reprocher d'être un peu monolithique, mais clairement, il envoie.

Certains morceaux calment un peu le jeu, mais cela ne dure jamais très longtemps. Le quintette balaye sa discographie, en mettant l’accent sur son début de carrière – six titres sur onze sont issus des trois premiers albums – et dans une moindre mesure des efforts plus récents – quatre titres viennent des trois derniers disques, les six albums du milieu de carrière étant quasiment oubliés. Les musiciens se servent des éléments sur scène, se juchent sur des promontoires, ce qui rend un effet visuel assez jouissif quand ils le font tous en même temps.

Le set suit son cours de façon homogène. Les titres sont souvent rapides, incisifs, nerveux, agressifs, bref tout ce qu'il faut pour réveiller une foule un dimanche soir quand elle ne veut pas que le week-end se termine. Les musiciens sont pleins d'énergie, et le frontman n'hésite pas à interagir avec le public et lui faire reprendre des passages en chœur, ce qui marche assez bien.

Chuck Billy finit les bras en croix, la tête en arrière, dans une position qui évoque donc le Nouveau Testament - même si le dernier titre, « Alone in the Dark », vient du premier album du groupe, Legacy – mais d’une certaine façon, on reste dans l’héritage. Il explique que c'était le dernier concert européen du groupe, qui va retourner composer de la musique – en réalité, ce sont juste trois semaines de pause. Pour une fin de tournée, le groupe avait encore de quoi marquer les esprits.

Setlist

Rise Up
The New Order
The Pale King
Children of the Next Level
Practice What You Preach
WWIII
D.N.R. (Do Not Resuscitate)
First Strike Is Deadly
Over the Wall
Into the Pit
Alone in the Dark

22h15 - La nuit est tombée sur Saint Nolff et les Anglais de Orange Goblin envoient du très lourd du côté de la Bruce Dickinscène avec leur heavy metal aux teintes stoner, redoutable et efficace. Toutes les conditions sont réunies pour faire de ce concert un moment privilégié : un son très équilibré, une bonne énergie dégagée par les musiciens et de puissantes lignes vocales signée Ben Ward, le charismatique (et très grand) vocaliste. Un moment de qualité, apprécié par la foule venue en nombre malgré la fraîcheur ambiante sur le Motocultor.

23h20 - Le projet d’avant garde metal Igorrr mené par le Français Gautier Serre sillonne les routes depuis un an avec un nouveau line-up de musiciens live, covid oblige. Cependant, sur les dates d’août, dont celle de ce soir au Motocultor, la chanteuse Aphrodite Patoulidou est absente, et le groupe propose donc une setlist plus brutale même si toujours axée sur Spirituality and Distortion, dernier opus sorti en 2020. La présence fascinante du chanteur maquillé JB Le Bail crève la scène, en association avec le guitariste Martyn Clement et le frontman dominant la scène derrière ses platines ou occasionnellement à la guitare. Néanmoins, même si la foule semble apprécier le set, les passages de voix féminine sur pistes enregistrées font quelque peu redescendre l’ambiance. À noter qu’Igorrr sera de passage en France en mars 2023 pour un plateau quatre étoiles aux côtés de Amenra, Der Weg einer Freiheit et Hangman’s Chair.

Dark Tranquillity

Suppositor Stage, 23h20

La Suppositor Stage est très pleine en ce début de nuit pour accueillir les vétérans de Dark Tranquillity. Le sextette suédois est donc quasiment comme chez lui pour son dernier festival de l'été, et le chanteur Mikael Stanne dira à plusieurs reprises que le combo a une histoire spéciale avec la France, lui dédiant même une chanson et usant de formulations presque ampoulées. "Could you please introduce this song to this fine French audience ?" lancera-t-il à l’un de ses guitaristes avant l'attaque d'un morceau, aussi apprécié que les autres par la « fine French audience ». Il s'enthousiasme aussi pour le festival, le qualifiant d'extraordinaire, et est manifestement ravi de voir Behemoth juste après. En tous cas, il parle et bouge beaucoup sur scène, et entre les morceaux, il semble assez réjoui, ce qui jure un peu avec l'ambiance musicale.

Dark Tranquillity est donc à son aise pour dérouler son death metal mélodique, extrême juste ce qu’il faut, avec des parties très agressives, mais aussi beaucoup de mélancolie. L'ensemble est sombre mais pas non plus complètement obscur. Le chanteur alterne avec beaucoup de présence le growl caverneux, le chant aigu saturé et la voix claire aérienne, le tout étant de fort bonne tenue, même s'il n'a pas la voix la plus extraordinaire et que sur certains titres il vomit un peu ses fins de phrase.

La plupart des morceaux, plutôt tirés de la seconde partie de carrière, sont agressifs mais avec quelque chose de nostalgique, portés par des guitares tranchantes (Johan Reinholdz et Joey Concepcion qui remplace Christopher Amott), une basse vrombissante (Christian Jansson) et de grandes nappes de clavier (Martin Brändström). Il y a parfois un côté un peu gothique porté par ceux-ci. Mais quelques autres morceaux, surtout vers la fin, sont vraiment plus brutaux et rapides, et le claviériste se contente alors de headbanguer, presqu'à s'en cogner la tête sur son instrument. En revanche, le son n'est pas optimal, surtout au début, et le son de la caisse claire est absolument affreux, ce qui permet difficilement d'apprécier le jeu de Joakim Strandberg Nilsson à sa juste valeur.

Mais cela n'empêche pas le concert d'être très réussi, appuyé par un jeu de lumières du plus bel effet. Dark Tranquillity tire sa révérence, après un morceau qui équilibre encore une fois agressivité et mélancolie, et une prestation assez mémorable.

Lord Of The Lost

Bruce Dickinscène, 00h15

Pendant que Behemoth inflige une claque à la Dave Mustage, Lord Of The Lost doit clôturer la Bruce Dickinscène. Il y a peu de monde devant la scène, et le set prend du retard, à cause de problèmes de lumières, un membre de l'organisation vient sur scène demander de la patience, mais après dix minutes, le concert peut enfin commencer.

Le quintette attaque son metal protéiforme, gothique, indus, dark rock, avec des sonorités très electro. Les musiciens sont tout de cuir noir vêtus, pour un look très "soirée donjon". "It's so good to be back, clame le chanteur The Lord (Chris Harms), qui répétera à plusieurs reprises sa joie d’être de retour. Comment ça va Motocultor ?"

Il alterne de façon vraiment réussie entre une voix grave saturée et une voix claire beaucoup plus légère, et le temps des premiers morceaux, la fosse s'est considérablement remplie. Les musiciens remuent pas mal, et se retrouvent à tour de rôle sur les praticables. L'ensemble est très énergique, même si on a une nouvelle fois un problème de son sur la batterie - c'est dommage, car le batteur Niklas Kahl peut être assez impressionnant sur certaines accélérations.

A la troisième chanson, le frontman se saisit d'un martinet - la soirée donjon ne fait que commencer - qu'il lance dans le public. L'instrument se sépare en deux, et ce sont donc deux chanceux qui pourront désormais infliger des sévices en pensant aux Allemands. Le chanteur communique aussi beaucoup avec le public à qui il fait scander des "hey hey hey".

L'electro-metal du combo a quelque chose de très martial et agressif, et en même temps dansant. Sur le cinquième morceau, le chant attaque instantanément, devient de plus en plus saturé, et le rythme se fait irrémédiablement techno, tandis que le chanteur et le claviériste Gared Dirge (Gerrit Heinemann) prennent chacun une basse supplémentaire – inutile de dire que ça vrombit sur scène. Le morceau suivant ressemble plus ou moins à une ballade, mais à la sauce goth – indus, dans laquelle The Lord atteint des notes suraigües avant de repartir en scream.

Puis vient une batterie très martiale sur la chanson suivante, qui aura droit également à un pont aux percussions et un solo de batterie, ce qui donne un côté très entêtant à la chanson. Pour l’occasion, le chanteur a empoigné une guitare et se livre à un duel avec son guitariste π (Pi Stoffers) et son bassiste Class Grenayde (Klaas Helmecke) – un truel, donc. Lesquels bassiste et guitariste finissent par se courir après sur scène.

Car Lord Of The Lost, c’est aussi ça : beaucoup de mouvements sur scène, parfois très incongru. Les musiciens viennent se jucher sur les praticables à tour de rôle pour haranguer la fosse qui réagit avec vigueur. Ils dansent, courent, sautent, improvisent des chorégraphies seuls ou à plusieurs, ça n’arrête jamais. On verra même le bassiste lécher son manche (de basse, évidemment). Cela cadre bien avec la musique du groupe, lourde et dansante, gothique et indus, très premier degré et en même temps qui ne se prend pas au sérieux.

Sur l’avant-dernier titre, alors que le claviériste a empoigné un keytar, The Lord fait sauter le public à plusieurs reprises sur des rythmes toujours très indus et techno, entre un scream très saturé et un hurlement très aigu. La dernière chanson commence par un clavier presque jazz et avec en même temps une vibe sud-américaine, accentuée par les percussions. Le chanteur et les deux gratteux se retrouvent une fois de plus juchés à l’avant-scène et entament une chorégraphie assez latino. Le concert se finit de façon improbable, et le sentiment surréaliste augmente encore lorsque la sono diffuse le célèbre « YMCA » des Village People version rock, tandis que tout le monde danse dans la foule comme sur scène. Lord Of The Lost a offert une prestation complètement décalée et très intense, et le public semble ne pas regretter d’avoir terminé le week-end avec les Allemands.

Behemoth

Dave Mustage, 00h15

La Dave Mustage est pleine à craquer un bon moment avant le début du concert du groupe polonais, tête d’affiche du soir. La patience et l’esprit bon enfant règnent dans la fosse, le léger retard passant presque inaperçu. Un festivalier va même crier « Ça va être tout noir ! », déclenchant un massif et quasi-unanime « Ta gueule ! » de circonstance, qui a dû laisser perplexe les étrangers présents ce soir. La classe à la française.

Le rideau tombe, et le show commence, en une explosion de son et de lumières. Les musiciens costumés haranguent la foule, prennent la pose majeur en l’air face à l’armée de photographes, tout en balançant un death bien brutal accompagné de pyrotechnie, des jeux de lumières travaillés et de fumigènes en tous genres. Le son est fort, net, et laisse entendre toute la puissance des compositions de Behemoth, dans des déchaînements de violence sur les guitares de Seth et Nergal et la batterie d’Inferno ("Wolves ov Siberia") ou dans une ambiance plus martiale ("Bartzabel").

La bande à Nergal joue trois titres du nouvel album Opvs Contra Natvram, l’occasion pour le frontman de multiplier les poses et les variations de costumes (la cape et le masque pour l’accélération redoutable de "The Deathless Sun" saluée par une marée de slammeurs, ou encore l’impressionnante mitre qui fait son effet sur l’intro tribale de "Ov My Hercvlean Exile"). Le vocaliste profite également de l’introduction de "Off to War" pour évoquer la guerre en Ukraine à l’aide de fumigènes bleu et jaune qu’il brandit, seul sur scène.

Mais les titres les plus énergiques et efficaces se révèlent être des compositions plus anciennes, comme l’énergique "Ov Fire and the Void", la rapide "Conquer All", ou sur le titre de plus de 20 ans d’âge "Chant for Eschaton 2000", sur lesquels des confettis sont envoyés sur la foule.

C’est avec deux morceaux de l’album The Satanist, les incroyables "Ora Pro Nobis Lucifer" et "O Father O Satan O Sun!", que Behemoth ouvre et clôt son set magistral. La Dave Mustage, sous le charme, s’agite et acclame le groupe, levant les doigts bien haut lors des appels à Satan sur "Bartzabel" et répondant aux encouragements fréquents du bassiste Orion.

Le combo polonais signe un show marqué par une exécution incroyable, comme avec facilité. Quel son, quelle déferlement de violence, et quel dynamisme pour les musiciens qui, par leurs mouvements presque félins (pour Nergal notamment) et les nombreuses interactions avec le public, font preuve d’une maîtrise scénique indéniable. Behemoth, habitué du Motocultor, offre ce soir du grand spectacle, tout en effets et en puissance, en bref un show très (trop) bien huilé et même très (un peu trop) chorégraphié. Il faut se rendre à l’évidence, le groupe ayant commencé sur la scène underground polonaise est désormais tête d’affiche, une grosse machine qui offre un spectacle propre et impressionnant mais manquant d’authenticité et de spontanéité.

Setlist Behemoth :

- Ora Pro Nobis Lucifer
- Wolves ov Siberia
- Ov Fire and the Void
- The Deathless Sun
- Conquer All
- Off to War !
- Christians and the Lions
- Ov My Herculean Exile
- Bartzabel
- Chant for Eschaton 2000
- O Father O Satan O Sun!

Les lumières se rallument, et l’heure est venue de rendre hommage à tout le personnel de sécurité, acclamé par la foule ("Merci Budo !"). Comme le veut la tradition, les gros bras du public invitent les agents de sécu à slammer à leur tour et l’ambiance bon enfant se poursuit jusqu’à la sortie où l’ensemble des bénévoles du Motocultor sont applaudis par les milliers de festivaliers qui quittent le site de Kerboulard le sourire aux lèvres.

Textes : Aude D, Julie L
Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe. 

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