Motocultor 2025 – J1 : des enfants qui refusent de grandir aux anciens qui refusent de vieillir

Jeudi 14 août, Carhaix

Et c'est reparti pour une nouvelle édition du Motocultor ! Une nouvelle fois, le festival breton se distingue par des couacs d'organisation sur le premier jour, des valeurs sûres de plus en plus impressionnantes et des découvertes toujours aussi renversantes. Le premier jour nous a fait retomber en enfance et confirmé que le talent sur scène ne vieillit pas.

A l’heure du coup d’envoi du Motocultor 2025, les premiers couacs arrivent déjà : il y a une queue phénoménale du côté de la pose des bracelets presse ou VIP (beaucoup plus que du côté festivaliers sans VIP). L’attente en plein soleil n’est pas ce qu’il y a de plus agréable. Le nouvel agencement du site semble plus fluide. Certes la distance entre les scènes est plus grande mais la tribune VIP, elle, est plutôt agréable, ombragée l’après-midi et très bien orientée pour profiter des concerts de la Dave Mustage mais aussi de la Supositor Stage. Le soleil de l’après-midi tape sérieusement, ce n’est que vers 20h que les températures baissent... ou plutôt chutent brutalement, au point de nous faire nous demander si l'automne n'est pas arrivé prématurément.

Nos concerts du jeudi 14 août

Versatile

Supositor Stage, 16h

Suite aux problèmes d'organisation du festival que nous avons déjà abordé, tout particulièrement la longueur de la file d'attente à la pose des bracelets presse, la majorité du concert de Versatile s'est déroulé avant que nous puissions entrer sur le site. Quand nous avons enfin le précieux sésame en poche (plus précisément au poignet) et que nous pouvons enfin nous diriger vers la Supositor, il ne reste déjà qu’une petite quinzaine de minutes avant la fin du set de black indus du groupe suisse.

Et c’est dommage, car l’utilisation de la scène est intéressante ! On y découvre des accoutrements remarquables, du corpse paint ou encore des masques évocateurs, mais aussi de la pyrotechnie. Beaucoup de pyrotechnie. En plus des lance-flammes, ce sont de véritables torches enflammées que le batteur utilise lorsqu’il vient, sur un fût placé au devant de la scène, jouer la rythmique indus de “Alter Ego”, clôture impressionnante d’un set qui semble avoir bien convaincu dans le public. Entre le soleil et toutes ces flammes, il fait chaud cet après-midi à Carhaix.

Helldebert 

Dave Mustage, 16h45

Devant la Dave Mustage on distingue une armée d’enfants sur les épaules de courageux parents qui s’apprêtent à donner de leur personne pour 1h15 sous un soleil de plomb, et de nombreux festivaliers curieux venus (re)découvrir la version metal des concerts d’Aldebert. Sur les deux grands écrans du backdrop, après une intro sur “Thunderstruck” d’AC/DC, s’entame un dialogue entre le « gentil » Guillaume Aldebert et son jumeau maléfique, Helldebert. Cette tournée célèbre en effet le dernier album, Enfantillages 666 (sorti en 2024), sur lequel l’artiste penche du côté électrique et saturé de la force, et où figurent diverses collaborations avec des artistes français et internationaux du monde du metal – ou pas (-M-, Amélie Nothomb). Question du jour : y aura-t-il des invités spéciaux aujourd’hui ? La présence des écrans nous fait douter.

Avec ses baskets à roulettes, Aldebert glisse de gauche à droite de la scène et affiche un sourire non feint tout au long du set. Mais il ne faut pas se fier à cette apparente innocence : la bête de scène, rompue à l’exercice du live, sait mener son public, et pas que les enfants. Ça commence avec « Rock’n Roll » et ses paroles qui donnent le mot d’ordre du week-end : « Si c’est trop fort, c’est que t’es trop vieux ! » . Il va en falloir de l’énergie à tous les parents présents, sollicités dès « Seum 51 » avec ses « Jump ! » anti-seum. Aldebert, très en forme, fait la morale aux parents (« Le Temps de Vivre »), clashe gentiment le public sur « Du gros son », monte sur la barrière, chante en tenant la main d’un enfant sur « Pour Louper l’Ecole » avant de demander une ambiance « dance floor de milieu d’après-midi », parfaitement réussie par le public très enthousiaste. Les slams de moins de 12 ans se multiplient sur « Les Derniers Pirates », agrémenté par les growls du viking Johan Hegg de Amon Amarth, présent sur écran.

Côté metal, ça assure du côté d’Helldebert qui exhibe une collection impressionnante de guitares Flying V, et du côté de la brochette de musiciens énergiques qui l’accompagnent sur scène : Hubert Harel à la basse, Christophe Darlot aux claviers, à la batterie l’ex-Dagoba Nicolas Bastos et à la guitare Nicolas Alberny de Gorod. Les riffs pleuvent, et cette version électrique et énervée des gentils tubes d’Aldebert résonne bien fort sur le Motocultor. Le frontman s’essaie sans succès au solo de batterie avant de laisser sa place à Nicolas Bastos. Puis arrive LE moment culte de l’après-midi avec l’arrivée, en chair et en os cette fois, du légendaire Max Cavalera (Sepultura, Soulfly,...) en maillot de foot du Brésil. Visiblement ravi d’être là, l’artiste vient poser son cri puissant sur morceau « Le cartel des cartables », quelques heures avant son set avec Nailbomb sur la scène voisine.

Fin de set, quelques messages d’ouverture d’esprit et d’acceptation de la différence (« La Sorcière », « Hyperactif »), avant de présenter – chose assez rare – tous les techniciens, applaudis par le public. La conclusion aussi festive que l’ensemble du set, paroxysme du concert familial et bienveillant : Aldebert demande si une mamie est présente dans l’assemblée, l’heureuse grand-mère est emmenée en backstage un moment avant de revenir vêtue d’une cape et d’une guitare pour mimer le solo final de « Super Momie », célébration des anciens (avec la participation sur écran de Fetus d’Ultra Vomit, Stéphane Buriez, Mouss de Mass Hysteria,...), théâtre de circle pits et même d’un mini-wall of death réservé aux enfants du Motocultor. Le maître de cérémonie emmène même la super mamie du jour à la barrière pour lui offrir un slam d’anthologie ainsi qu’une guitare pour ses petits enfants ! Palme du capital sympathie et de la bonne humeur pour Helldebert et son orchestre, qui ont su faire slammer, crier et headbanguer petits et grands sous le franc soleil finistérien.

Setlist Helldebert  :

Rock’n Roll
Seum 51
Pour louper l’école
Les derniers pirates
Le temps de vivre
Du gros son
La marche du monde
Le cartel des cartables
La Sorcière
Hyperactif
Croque-Mitaine
Super Momie

Year Of No Light 

Massey Ferguscène, 18h05

Le sextette bordelais de post metal instrumental / sludge aurait certainement mérité un horaire plus tardif pour allier une ambiance nocturne à son univers sombre et entêtant, mais qu’importe. Un lightshow coloré suffit, et si la scénographie est extrêmement dépouillée, la configuration du groupe et la polyvalence des musiciens ne peut que séduire : avec trois guitares, une basse, deux batteries et deux claviers sur scène, on s’attend à un set massif et intense de la part du groupe qui compte déjà une vingtaine d’années d’existence. Deux morceaux longs et denses, “Perséphone (Enna)” et “Perséphone (Coré)” sont enchaînés sans pause, et d’emblée, grâce à un son excellent, la tente se retrouve embarquée dans des montées en puissance intenses avant des ralentissements travaillés.

On est tenté de fermer les yeux pour apprécier la force tranquille et la virtuosité qui émane des compositions du groupe, mais l’oeil est irrémédiablement attiré par le ballet hypnotique et fascinant du duo de batteurs qui martyrisent leurs fûts lentement tout en agitant la tête, calés sur les riffs lourds et traînants assénés par leurs camarades à l’avant. En plein morceau, l’un des batteurs se lève et passe à l’avant pour officier au clavier. Après un long passage atmo / space rock, c’est l’autre batteur qui revient pour un interlude étrange au clavier. Puis les deux musiciens repartent derrière leur kit. Au gré des ralentissements et reprises de tempos, la musique claque fort, les riffs des trois guitaristes vrombissent. On voit même une petite fille slammer assez lentement, au gré de la musique, sur un moment suspendu, avant un passage très lourd.

Sous la tente, les têtes s’agitent, les yeux se ferment, on vit la musique tout en se remettant des difficiles heures d’attente en plein soleil. A la fin de l’enchaînement des deux premiers morceaux (soit après une vingtaine de minutes), les musiciens se présentent et décrivent leur joie d’être là.

La mélodie entêtante de “Alètheia”, issue du dernier album de YONL, Consolamentum (2021) virevolte entre des arrêts abrupts et des reprises, sur une construction lente en crescendo, avant des explosions de puissance. Le guitariste Jérôme Alban prend la parole pour remercier le public, le troisième guitariste remplaçant, ainsi que leur cher ingé son, célébré avec une touche d’humour bordelais. Il annonce déjà le dernier morceau, “Stella Retrix” à la longue intro psyché avec le bassiste Johan Sebenne et le batteur aux claviers. Le crescendo et les boucles hypnotiques créent une intensité prenante et semblent emporter le public qui tape des mains lors des passages plus rythmés. Les riffs s’amplifient encore pour le final ultra saturé, avant que les musiciens ne fassent vibrer encore plus la tente en faisant cracher leurs amplis pour un point d’orgue bourdonnant. 

Setlist Year of No Light : 

Perséphone (Ena)
Perséphone (Coré)
Alètheia
Stella Rectrix

Me And That Man

Bruce Dickinscène, 18h55

Nergal est un habitué du Motocultor, lui qui est déjà venu se produire avec Behemoth à quatre reprises - 2022 pour la dernière fois -. Si le groupe de blackened death a sorti un nouvel opus cette année, qui plus est plutôt convaincant malgré son titre ridicule et peu inspiré (The Shit Ov God), c’est pourtant avec son projet alternatif de blues / dark folk qu’Adam Darski (de son vrai nom) foule la Bruce Dickinscène ce jeudi. Et c’est la première fois que le combo Me And That Man se produit au festival ! L’occasion de découvrir (ou redécouvrir) ce groupe et ses compositions qui suintent le blues gras et évoquent le voyage. “Nightride”, “On The Road” ou “Get Outta This Place” en sont de bons exemples, tous tirés du premier opus, Songs of Love and Death, seul album enregistré avec John Porter avant son départ (puis son retour pour notre plus grand plaisir). Sa prestance et son interprétation participent beaucoup au succès de la formule en live : on pense bien sûr à la profondeur de sa voix, mais aussi au livre de prières sataniques qu’il porte lors de “Burning Churches”, un titre qui invite le public à entonner avec joie sur des thématiques sataniques. Ce décalage entre les thématiques et ce style musical très éloigné en apparence de l’image généralement associée à cet univers crée des moments très intéressants. Quelle reprise jouissive du “Black Metal” de Venom, avec ce blues lent lourd et sale qui sied si bien au titre iconique ! Troquer de la vitesse pour de la lourdeur (et gagner au passage un excellent chanteur) : que demander de plus ?

Le groupe termine sa tournée européenne au Motocultor. Peut-être est-ce la cause d’une dynamique de concert un peu en dents de scie. Tous les titres ne semblent pas joués avec autant d’entrain et le public ne propose qu’occasionnellement du répondant. Me And That Man s’attèle tout de même à interpréter un nouveau titre composé, qui n’a pour le moment pas de nom. Actualité oblige (le festival se déroule un peu plus de trois semaines après le décès d’Ozzy Osbourne) le groupe termine “Losing My Blues” en medley avec “Paranoid”. Il ne s’agit pas tout à fait du premier hommage effectué lors du festival, en tout cas ce n’en est certainement pas le dernier. La fin du set s’organise en crescendo jusqu’au final sur “Blues And Cocaine”, où le public est largement invité à chantonner le thème. Une dernière sortie dans les marécages du Bayou et c’est fini. Pour la dernière date de sa tournée, le groupe a délivré un concert intéressant bien qu’inégal, avec ses temps forts marquants.

Setlist Me And That Man :

Run With The Devil
My Church Is Black
Nightride
On the road
Get Outta this place
Black Metal (Venom)
Burning Churches
Got Your Tongue
A Song Without A Name
White Faces (Roky Erickson And The Aliens)
Losing My Blues / en medley avec Paranoid (Black Sabbath)
Coming Home
Love & Death
Blues And Cocaine

Ne Obliviscaris

Massey Ferguscène, 20h

La bande à Nergal ayant fini en avance, le public a le temps de venir remplir la tente de la Massey Ferguscène pour Ne Obliviscaris. Le sextuor australien avait donné en fin d'année dernière plusieurs concerts magistraux en France, passant par Paris, Nantes, Lille et Lyon.

Les balances de la batterie sont assourdissantes et donnent un avant-goût prometteur du set. Les musiciens entrent finalement un par un et entament « Devour Me, Colossus (Part I): Blackholes », du deuxième album de 2014 Citadel. Le son est relativement brouillon au début, et la belle voix claire de Tim Charles s'entend très mal. Son chant se fait cependant plus audible au fil des morceaux : est-ce que le son s'améliore ou bien le groupe nous embarquant complètement, les problèmes de son ne se font bientôt plus sentir ?

Seulement cinquante minutes de concert pour un groupe pareil, c’est peu. Avec des compositions qui dépassent régulièrement le quart d’heure, la setlist est forcément réduite. Ne Obliviscaris va déployer durant le temps de jeu imparti quatre morceaux, dont le sublime "Equus ", du dernier album en date Exul, sorti en 2023. Sur les quatre disques sortis depuis 2012, le premier, Portal Of I, est ignoré, pour permettre de mettre davantage en avant le dernier né.

Le groupe est généralement décrit comme du « metal progressif extrême », ce qui lui correspond bien. Les parties death impressionnent, entre les blasts du batteur Daniel Presland et le growl du nouveau chanteur James Dorton, tandis que les parties planantes, aériennes prennent aux tripes. En un quart d’heure, il y a évidemment le temps de passer par toutes les émotions, et les morceaux du groupe nous entraînent sans réserve, aussi prenants en live qu’en studio. Ils donnent aussi à entendre des détails variés qui apportent de la richesse à l'ensemble, avec par exemple quelques passages plus groovy, des soli de basse (Martino Garattoni), de guitare (Benjamin Baret et Matt Klavins)... Le violon de Tim Charles, unique cofondateur encore présent, est évidemment très mis en avant, offrant ce son si particulier, enivrant et mélancolique, au quintette.

Au départ, les musiciens sont assez statiques, seul Charles, qui assure également le chant clair, se déplace, interagit avec le public et ses comparses. Cependant, une vraie alchimie, qui s’intensifie au fil des morceaux, s'observe entre les deux chanteurs, qu'ils se répondent ou doublent leurs lignes de chant. Tim Charles explique que le groupe a passé une mauvaise journée, des problèmes de transport - et de van trop petit - ayant compliqué leur accès au festival. Mais l’ensemble des musiciens finit par sortir de sa réserve. Guitaristes et bassiste viendront même tous les trois jouer sur le bord de scène.

Le public semble assez captivé, malgré un slam un peu incongru et de la poussière qui commence à s'élever - ce ne sera que la première fois du festival. Si les conditions n’étaient pas forcément optimales pour apprécier toute la richesse musicale de Ne Obliviscaris, les wallabies ont offert une entame parfaite sous la tente de la Massey Ferguscène.

Mogwai

Dave Mustage, 20h55

Dans cette journée un peu éclectique mais avec une forte empreinte post metal, Mogwai s'intègre tout en se démarquant, le combo anglais étant un des fers de lance du post rock. Les musiciens ont fait déployer un grand drapeau palestinien sur scène, et c'est à peu près la seule mise en scène – il n'en sera cependant pas du tout fait mention durant le concert.

Les cinq musiciens jouent une musique essentiellement instrumentale, même si quelques titres, dont celui d'ouverture, comportent un peu de chant. A part le batteur Martin Bulloch, les musiciens changent régulièrement d'instruments. Ainsi, certains, plus électriques, voient la présence de trois guitares et d'une basse, quand d'autres, plus électroniques, ont droit à deux claviers et une seule guitare.

Globalement, le groupe offre une musique assez planante, avec une certaine diversité et un équilibre relativement bien trouvé entre sonorités rock et électroniques, jusque dans la voix parfois robotisée, particulière et originale, alternant doux arpèges, moments éthérés et plages de guitares un peu saturées. Il joue beaucoup sur les atmosphères et les textures, et certaines ambiances sont assez prenantes, notamment sur le troisième morceau « I’m Jim Morrison, I’m Dead ». Il se dégage de certains passages une certaine mollesse, ou un manque de consistance, mais d'autres s'avèrent plus intenses. Les morceaux avec du chant, notamment, sont souvent ceux qui retiennent le plus l’attention.

Le joli jeu de lumières accompagne bien les titres. Les musiciens jouent parfois entre eux, notamment lorsqu’ils se réunissent autour de la batterie pour frapper sur des toms. Les échanges avec le public restent cependant limités en dehors de quelques remerciements. Cette quasi absence d’interactions couplée à un jeu de scène très limité explique peut-être le set du groupe semble avoir quelque chose d’hermétique, laissant plusieurs d’entre nous à l’extérieur de la prestation. Le froid qui tombe très rapidement durant le set n’aide pas non plus, et un concert sous la tente aurait probablement mieux convenu à la musique des Glasvegians. Les premiers rangs semblent cependant apprécier, même si l’on n’observe pas non plus des débordements d’enthousiasme.

Si cela n'est pas la prestation la plus renversante de la journée, il faut reconnaître que Mogwai propose un set solide, et le concert permet de comprendre pourquoi le groupe est l'un des piliers du post rock, même s’il ne suscite pas une adhésion entière.

Magma

Massey, 22h

Magma est unique. Il ne ressemble à aucun autre groupe, au point où toute une scène s’est créée autour de musiciens et formations jouant dans leur style, la Zeuhl. Voir Magma en concert, c’est toujours un moment fort, mais le temps passe et se rappelle à nous avec un constat fataliste. Avec déjà plus de 55 ans d’existence et alors que Christian Vander - le batteur et architecte du combo - a déjà soufflé 77 bougies, les occasions de pouvoir voir le groupe vont inévitablement se raréfier. Si le Motocultor avait déjà dû se résigner à l’annulation de Magma l’an dernier, sur blessure de Christian, le groupe est bien présent cette année… mais pas au complet. Les problèmes de santé s’enchaînent, et cette fois c’est Stella Vander (chanteuse principale avec Hervé Aknin) qui est absente pour la date. La cause ? Une opération chirurgicale dont les suites lourdes avaient déjà contraint la chanteuse a annuler sa participation à tous les concerts de la tournée de mars/avril. Découvrir que la situation n’est pas encore de retour à la normale en août est douloureux. Espérons que les nouvelles seront bonnes à l’avenir et que le groupe pourra retrouver Stella dans ses rangs.

Mais parlons du concert. Même sans Stella, la présence vocale reste massive : normal avec dix musiciens sur scène. Laura Guarrato, Sylvie Fisichella, Caroline Indjein et Isabelle Feuillebois assurent en contrepoint d’Hervé un savant travail sur les harmonies vocales et les chœurs. Côté instruments, la formation est également très solide : les grands pianistes Thierry Eliez et Simon Goubert assurent les successions d’accords hypnotiques de l’hymne “Mekanïk Destruktïw Kommandöh”, incontournable des concerts de Magma, notamment en festival face à un public amateur d’autres styles. L’énergie et la fougue de Jimmy Top (basse) et Rudy Blas (guitare) apporte un fort contraste et de l’intensité dans les envolées, nombreuses au sein des compositions à forte dynamique du groupe. Magma est fidèle à lui-même : seulement trois titres arrivent à être calés dans la durée totale du set (un des plus longs de ce premier jour), séparés par des ovations nourries du public. Après l’épique (et particulièrement intense) “M.D.K”, Magma propose “Zombies” dans une version fort énergique, très adaptée au Motocultor. La basse de Jimmy est particulièrement surmenée et Christian se donne à fond sur ses fûts pour entraîner son équipe de choc avec une cadence survitaminée : un autre grand moment du concert. Le plaisir est palpable sur scène, les musiciens jouent ensemble et échangent de nombreux regards. Lors de la section de “M.D.K.” chantée en solo par Christian, les chanteurs et choristes se retirent et Caroline revient filmer le public avec un smartphone, fière de partager le moment sur les réseaux.

Bonbon pour les amateurs : le final du set s’effectue sur “Kohntarkosz Anteria III”, pépite plus rare sur scène. Son côté incantatoire embarque dans un final en apothéose un public clairement réceptif au concert : on n’a pas souvenir d’autant d’adhésion lors du dernier passage du groupe, lors de l’édition 2019 à St-Nolff. Magma semble toujours aussi fort (sinon encore plus) et a assuré un super concert malgré des problèmes de line-up.

Setlist Magma:

Mekanïk Destruktïw Kommandöh
Zombies
Kohntarkosz Anteria III

I Prevail 

Dave Mustage, 23h15

Structures grillagées et podiums sur scène, messages de précautions de sécurité à l’adresse des photographes avant d’entrer dans le pit photo : aucun doute, un show à l’américaine se prépare. Les natifs du Michigan sont attendus de pied ferme par le public très nombreux ce soir, avec leur double actualité qui attise la curiosité des uns et l’impatience des autres. La formation metalcore I Prevail s’apprête en effet à sortir son quatrième album Violent Nature le 19 septembre prochain, et surtout évoluait depuis une dizaine d’années avec deux chanteurs jusqu’au départ il y a quelques mois du vocaliste en chant clair Brian Burkheiser, pour raisons médicales. Un coup de tonnerre qui laisse place à pas mal de questions sur la direction musicale du groupe, qui a pourtant décidé de ne rien changer à ses plans pour 2025, de la sortie de l’album à la tournée des festivals cet été.

Il ne faut pas attendre longtemps pour être rassuré : le guitariste rythmique Dylan Bowman gère à la perfection les passages en voix claire, répondant dès « Bow Down » aux cris puissants du frontman Eric Vanlerbleghe. Les démonstrations de pyro ne se font pas attendre devant la scène, tandis que dans la fosse l’ambiance devient fiévreuse et les pogos se créent très rapidement, jusqu’au circle pit sur la redoutable « Body Bag ». Eric délivre une prestation vocale impressionnante, passant du cri deathcore au chant clair en passant par des passages rappés fédérateurs.

Zelli encourage le public à les suivre dans l’énergie, demande des circle pits ou un énorme wall of death sur la sauvage « Violent Nature », single-titre deathcore du prochain album, déjà connu du public, et entre deux déclarations d’amour en français au public du Motocultor, s’enquiert de son bien-être (« Has someone lost a shoe? »). Le rythme des slams ne faiblit pas pendant tout le set, florilège de brûlots modernes et agressifs (« Self-Destruction », « Rain »), de groove irrésistible (« Visceral ») et de morceaux plus mélodiques comme le tout nouveau « Into Hell ».

Les énergiques musiciens font chanter le public, extrêmement réactif sur des tubes comme « Hurricane » ou l’inévitable reprise de Taylor Swift « Blank Space », qui a propulsé le groupe vers la notoriété en 2014. Les paroles s’affichent sur les grands écrans, et le karaoké géant n’est interrompu que par un breakdown dévastateur. Les musiciens assurent, les riffs modernes et puissants s’enchaînent, et le groupe ne cache pas son enthousiasme devant la réactivité du public. Le bassiste, assurant également aux claviers, se fend d’un sympathique solo sur « Choke », tandis qu’Eric arpente la scène et ne lâche jamais le public du regard, en délivrant des lignes vocales féroces. Les slams se déchaînent, la pyro ne faiblit pas, et la température monte encore d’un cran lorsque I Prevail entame un medley de titres emblématiques du metal alternatif des années 90 / 2000 : Deftones, Alice In Chains et System of a Down, la crème de la crème de la scène grunge et neo metal américaine. Après plus d’une heure de set passée à toute allure, le public est en folie sur « Gasoline », dernière chance de se défouler (comme Eric le rappelle). Un frontman charismatique au possible, un set maîtrisé et efficace, une musique fédératrice et une scénographie spectaculaire, tous les ingrédients sont là : I Prevail signe un vrai gros show de tête d’affiche qui remplit toutes ses promesses et récolte une ovation des amateurs du genre, très nombreux ce soir dans la fosse de la Dave.

Setlist I Prevail :
Bow Down
Body Bag
Self-Destruction
There’s Fear in Letting Go
Violent Nature
Blank Space (Taylor Swift)
Into Hell
Bad Things
Rain
Visceral
Medley : My Own Summer (Stove It) (Deftones), Them Bones (Alice In Chains), Chop Suey (System of A Down)
Choke
Hurricane
Gasoline

Dool

Massey Ferguscène, 00h30

Le dernier concert de la journée était-il le plus renversant ? On est tentés de répondre par l'affirmative, tant le set de Dool semble avoir convaincu les aficionados du combo comme les néophytes. Le groupe, mené par Raven van Dorst, vocaliste guitariste non binaire, a en tout cas offert un set incandescent sous la tente. Après des balances publiques, festival oblige, le quintette de doom néerlandais attaque avec "The Shape Of Fluidity", issu du dernier album du même nom. Le titre attrape l'auditoire avant d'exploser. Cet opus constituera d’ailleurs la majeure partie du set, avec sept chansons sur les dix interprétées ce soir.

Le doom metal du quintette se pare souvent d’éléments progressifs, alterne les ambiances au sein d’un même morceau, allant de passages lents et lourds à des éléments plus éthérés, d’autres plus rapides et explosifs. Avec trois guitares (van Dorst, Nick Polak, Omar Kleiss), le déluge de guitares n’est jamais loin, mais toujours bien dosé, et s’harmonise parfaitement avec la section rythmique (B van der Wal à la basse, Vincent Kreyder à la batterie) pour développer des ambiances prenantes.

La musique donne souvent l’impression d’aller chercher la noirceur pour en faire sortir des aspects plus lumineux. Certains morceaux semblent d’ailleurs pas tout à fait assez lourds pour entrer pleinement dans la catégorie du doom, mais qu’importe l’étiquette, pourvu qu’on ait l’ivresse. La tente est relativement pleine, et le public, au moins dans les premiers rangs, semble globalement absorbé par ce qu’il entend.

Car la musique du groupe dégage quelque chose de réellement magnétique. Cela tient en partie à Raven van Dorst, qui vit réellement les morceaux sous nos yeux, finit certains morceaux le regard levé vers le ciel, se déplace avec quelque chose de très théâtral et en même temps très authentique. Certaines chansons sont aussi l’occasion de lancer des messages au public. Ainsi, « House of a Thousand Dreams » est présentée comme « une chanson sur la liberté d’être qui vous voulez être, de boire ce que vous voulez boire, de baiser qui vous voulez baiser, et de la façon que vous voulez. Et sur la liberté de dire à ces enfoirés [qui veulent vous en empêcher] d’aller se faire foutre. C’est à vous qu’il appartient de vivre cette vie, et à vous uniquement ». Le morceau est d’ailleurs particulièrement prenant, débutant lentement avec un chant très grave, avant de s’énerver, et de multiplier les changements de rythme. Les autres musiciens sont beaucoup plus statiques, mais on les sent également investis par la musique. Ils semblent progressivement s’animer vers le milieu du set.

Les jeux de lumière participent aussi beaucoup à l’atmosphère si particulière du set, avec notamment beaucoup de clairs obscurs, qui renvoient à la fois à une certaine noirceur et en même temps à cette sensation que la musique va chercher au plus profond des musiciens pour en faire ressortir la lumière. Certains jeux de projecteurs créent aussi l’illusion que tous les musiciens, sauf van Dorst, disparaissent de la scène, les faisant ensuite brusquement apparaître.

Le concert s’achève sur l’un des titres phares du groupe, « Oweynagat », issu du premier album Here Now, There Then, sorti en 2017. La lumière qui se rallume surprend une partie du public encore hébété par ce à quoi il vient d’assister, frappé par cette force viscérale qui a bousculé le set une heure durant.

Les autres concerts de la journée

En plein milieu d’après-midi, tandis que les metalleux retombent en enfance (qu’ils n’ont probablement jamais tout à fait quitté) aux côtés de Helldebert, le groupe de rock progressif Lazuli a offert un set éthéré et onirique très agréable. De quoi tenter de faire oublier la chaleur. “On se croirait chez nous !” s’amuse le chanteur gardois. Le chant en français, qui monte parfois très haut dans les aigus, retient l’attention, associé à des sonorités parfois orientales. Le groupe recourt également à un xylophone, autour duquel se réunira tout le groupe en fin de set pour un jam original, auquel succède une reprise de Black Sabbath. Ce ne sera pas la dernière du festival, mais probablement la seule avec cet instrument.

En début de soirée le metal progressif moderne des Anglais de TesseracT fait l’unanimité du côté de la Dave Mustage. Un show millimétré, où les riffs déstructurés s’équilibrent avec les refrains ultra mélodiques portés par la prestation vocale impeccable du charismatique Daniel Tompkins. La setlist est essentiellement composée de morceaux des deux derniers albums, Sonder et War of Being, et les compositions du groupe prennent une nouvelle dimension avec la participation de deux choristes, toutes deux membres du collectif vocal britannique Choir Noir.

Petit passage vers la Supositor Stage pour le groupe canadien Kataklysm, qui impose son death metal lourd et impitoyable et fait s’élever, déjà, des nuages de poussière dans la fosse. Il faut dire qu’entre deux morceaux marqués par son puissant borborygme, le vocaliste Maurizio Iacono ne manque pas d’encourager le public à se lancer dans du “bodysurfing” avec de savoureux encouragements au fort accent québécois : “Allez, les Gaulois ! Je veux voir des corps dans les airs !”. Un set redoutable et efficace qui balaie plus de deux décennies de discographie du groupe, depuis Epic (the Poetry of War) jusqu’au plus récent Goliath sorti il y a deux ans.

Textes : 
- Aude D (Ne Obliviscaris, Mogwai, Dool)
- Félix Darricau (Versatile Me And That Man, Magma)
- Julie L (Helldebert, Year Of No Light, I Prevail)

Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe.



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