Leprous (+ Royal Sorrow + Gåte), Esch sur Alzette, 22.11.25

Après une tournée en format "An Evening With" et un album live tiré de leur live à Tillburg, les Norvégiens de Leprous revenaient en Europe pour une tournée avec deux premières parties : Royal Sorrow et Gåte. C'était l'occasion pour eux de passer par le Luxembourg, pays boudé lors de la première partie de tournée et pourtant cher à leurcœur puisqu'ils s'y étaient déjà produits plusieurs fois auparavant. Avec une formation aussi talentueuse et deux premières parties de qualité, la soirée s'annonçait bien dès le départ.

Royal Sorrow

Il est 19h15 lorsque Royal Sorrow foule les planches de la scène du Rockhal Club, qui ne compte que 1200 places alors que la salle principale, le Main Hall, a une capacité de 6500 places debout. La structure contient également des salles de répétition, une librairie, un vrai lieu pour les fans de musique amplifiée. La salle n'est pas encore remplie lorsque les Finlandais commencent mais il faut dire que généralement, le public luxembourgeois aime prendre son temps. Tant mieux, on peut trouver facilement une place à la barre ou même au balcon, très agréable car proche de la scène avec un bar dédié. Pas de grosse surprise pour ceux qui découvrent Royal Sorrow car le groupe évolue dans le même registre que Leprous : du metal progressif avec un chant clair haut perché, des growls et des ambiances électro mais malheureusement déclenchées à distance et non jouées sur scène.

Les petits nouveaux viennent de sortir leur premier album sur le label Inside Out et le défendent donc avec six morceaux. Ce qui les différencie notamment de la tête d'affiche, c'est une influence bien plus électro et surtout la présence scénique de Markus Hentunen. En effet le leader, à la fois guitariste et chanteur, a une attitude plus punk et alternative et bouge avec cette urgence des jeunes premiers. Les compositions, prog certes, passent à une vitesse folle. On passe du metal au jazz, à l'électro et même aux rythmes assez urbains. Malgré leur jeunesse, on sent une vraie cohésion de l'ensemble des membres et la scène paraît parfois trop petite pour Juha Rapanen, le guitariste. La section rythmique apporte un vrai groove comme sur "Metrograve" qui s'enfonce dans le terrain du djent. Les fans de Leprous qui regrettent les débuts avec les growls sont ravis de voir que Markus utilise ce type de chant plus souvent que son camarade norvégien. Le tout est souligné par un lightshow de qualité entre les lumières rouges de "Bloodflower" et les effets plus hypnotiques. Royal Sorrow termine son set avec un public relativement conquis sans vraiment apporter quelque chose de neuf dans le paysage du prog malgré des compos solides et accrocheuses.

Setlist

Release Your Shadow
Evergreen
Bloodflower
Give In
Metrograve
Innerdeeps

Gåte

Gåte arrive sur scène à 20h00 pile et s'apprête à mettre une belle claque au public de la Rockhal. Dès son entrée, extrêmement sobre, la chanteuse Gunnhild Sundli surprend la salle avec le début de "Skarvane" a cappella, impressionnant dans l'obscurité, vêtue d'un long manteau blanc. Cela fait immédiatement penser aux plaintes aiguës de Heilung mais on n'est pas au bout de nos surprises. La langue norvégienne se prête tellement à l'univers forestier bien retranscrit sur scène : chaque membre à un pied de micro en forme de branche, et le backdrop, certes sobre avec le nom du groupe et l'artwork de l'album, sera éclairé de façon judicieuse pour le mettre en valeur. Les deux premiers titres diffusent une atmosphère sombre et sacrée et les lignes de chant sont incantatoires. La variété des styles de Gunnhild est impressionnante et ses growls contrastent énormément avec la voix lyrique du début.

Ce qui attire aussi l'attention est le magnétisme de John Stenersen dont le principal instrument, la moraharpa, est un mix entre une vielle et un violon. Mais le plus surprenant est la capacité du groupe à surprendre. Si dans le public, quelqu'un était parti se rafraîchir entre le deuxième et le troisième morceau, il aurait pu croire que c'était un autre groupe. En effet, après une petite introduction en anglais assez mutine de la chanteuse, nous expliquant qu'ils vont nous parler de la magie et des contes de fées du Grand Nord, Gunnhild nous fait un "reveal" vestimentaire en troquant son manteau blanc pour un ensemble noir. Et le groupe se met à démarrer "Oskorsreia", beaucoup plus metal que le côté folk du début. Comme si cela ne suffisait pas, elle joue également du violon. Mats Paulsen décide de jouer de sa basse avec son archet, Magnus Robot Børmark le guitariste emprunte la moraharpa pour que John utilise le violon comme une percussion.

C'est un vrai voyage musical et visuel. Comme si cela ne suffisait pas, le groupe sort "Ulveham" avec des rythmes de techno orientale et fait taper la foule dans ses mains. Chaque membre a une vraie personnalité entre un Magnus qui décide d'investir le pit photo et bien sûr Gunnhild qui danse sur scène avec des mouvements proche du tai chi et parfois des miaulements assez lunaires. Le set se finit sur "Bannlyst", un morceau à la gloire de notre troll intérieur, mélange de samba et de rock celtique, le tout souligné par un lightshow millimétré.

Autant le groupe n'avait pas forcément marqué les esprits lors de son passage à l'Eurovision (il avait fini dernier), autant, ce soir, on peut dire qu'il a fait fort et ont proposé un spectacle digne d'une tête d'affiche. La soirée se serait arrêtée là, on aurait déjà eu notre dose de plaisir. Mais le meilleur est à venir et Gunnhild, visiblement émue de cette tournée qui s'achève le lendemain, remercie Leprous.

Setlist

Skarvane
Svarteboka
Oskorsreia
Solfager og Ormekongen
Jomfruva Ingebjør
Førnesbrunen
Sannsiger
Ulveham
Bannlyst

Leprous

Après une telle claque, il fallait bien un groupe comme Leprous pour mettre la barre encore plus haut. Le groupe démarre par un extrait de son nouvel album Memories of Atonement, comme lors des autres dates de 2025, le sublime "Silently Walking Alone". Einar Solberg, le chanteur et leader est très en forme et il le faut tant les lignes de chant sont extrêmement lyriques et exigeantes. Cela ne l'empêche pas d'envoyer une énergie tribale dans son jeu de scène et il se tient très souvent, tel un chef d'orchestre, sur le promontoire, les bras ouverts pour commander la foule. Le mixage est excellent au balcon juste au-dessus des ingé sons et met en avant le travail rythmique et mélodique de la basse de Simen Daniel Børven.

D'ailleurs il n'y a pas que le mix qui sublime le bassiste, puisque le lightshow le met en valeur sur l'intro de "Illuminate". Et heureusement car les rythmes syncopés et complexes peuvent être appréciés à leur juste valeur. Autre élément phare du groupe, responsable de ce groove caractéristique : le batteur Baard Kolstad qui met une énergie folle et captive la foule. Capable de douceur ou d'une violence intense sur "Below", il est clairement tentaculaire et polyvalent. Il est à l'image de chaque musicien et on se prend à imager Leprous comme une seule pieuvre, une seule entité. Il n'y a qu'à voir Harrison White, le claviériste, attendre qu'Einar arrive pour lui céder la place à la note près, ou l'unisson qui se dégage lorsque plusieurs membres chantent en chœur. Il y a une vraie cohésion et une vraie joie à jouer ensemble. Chaque membre vient se rencontrer, se parler ou va rendre visite à Harrison et Baard sur leurs promontoires.

L'autre membre du groupe est bien sûr le public et Einar Solberg est passé maître dans la communication avec les fans. Il s'exprime plusieurs fois en anglais, d'abord pour demander les nationalités présentes, puis il raconte également une anecdote spécifique à la salle : lors de la tournée Pitfalls, la Rockhal avait été choisie pour accueillir le premier concert. Le groupe voulait tester une nouvelle production et avait mis les moyens mais lors de cette première date, rien n'a marché comme ils le voulaient et depuis Einar a toujours une petite crainte que le public ne revienne pas lorsque les Norvégiens se produisent au Luxembourg. Mais les fans ont répondu présent et donnent de la voix sur "Like a Sunken Ship", taillé pour le live avec ses "la la la" et même fredonnent les riffs de "The Price". Le grand moment de communion reste cependant lorsque tout le monde reprend le refrain de la reprise de "Take on Me" (de a-ha), avec le groupe et a cappella.

En bon leader, le chanteur se permet aussi de gérer les intros au clavier comme sur "The Cloak" ou "Castaways" et il nous fera même plaisir avec le combo des chansons à growl : "Like a Sunken Ship", "Nighttime Disguise", "Rewind" et "Slave". Sa dernière note gutturale doit encore résonner dans la stratosphère tout comme celle plus lyrique de "Take on Me". Dommage par contre que le groupe ait choisi de zapper les deux premiers albums de sa discographie mais il faut reconnaître que son dernier album passe très bien et a largement été adopté par les fans. Dommage également que le groupe tourne beaucoup sur des classiques déjà entendus lors de la dernière tournée et finisse avec "The Sky is Red". Ce morceau est certes magnifique, notamment avec le lightshow sombre et rouge mais sur seize morceaux, quatre ont déjà été joués à tous les concerts et neuf avaient déjà été proposés lors de la dernière date, il y a deux ans. On aurait aimé un petit "Passing", "I Can Hear the Sirens" ou bien la magnifique version de "Faceless" avec le chœur virtuel.

Mais ne boudons pas notre plaisir, on a eu quand même presque trois heures de prog de haute volée avec trois groupes au sommet de leur forme. Le public repart avec une seule envie : que Leprous revienne au plus vite. Pour ceux qui voudraient voir les Norvégiens en concert, ils repassent en France en février (plus d'infos ici) et pour ceux qui ne peuvent pas attendre, leur live "An Evening of Atonement" est disponible ici. Il contient une bonne partie de la setlist jouée ce soir à Esch-sur-Alzette. A noter que le live a été intégralement streamé sur le Patreon du groupe et est toujours disponible ici.

Crédits photo Royal Sorrow : Prog in Focus. Toute reproduction interdite sans l'autorisation du photographe. 

Crédits photo Gåte et Leprous : Deadly Sexy Carl. Toute reproduction interdite sans l'autorisation du photographe. 



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