Et Moriemur – Tamashii no Yama

Trois ans après un Epigrammata riche et complexe à la thématique tournant autour de la civilisation grecque ancienne, le groupe de doom metal tchèque Et Moriemur revient avec Tamashii no Yama. Un nouvel album concept, toujours aussi ambitieux, évoquant cette fois-ci une des plus grosses tragédies de l’histoire aérienne survenue au Japon. Avec ses arrangements riches et ses morceaux à tiroirs, la formation risquait le crash. Il n’en n’est rien, ce quatrième disque est une réussite à condition de s’investir pleinement dans son écoute.

Les Tchèques nous avaient laissé en 2018 avec Epigrammata, album concept ambitieux sur la Grèce antique. Ils reviennent en ce printemps 2022 avec Tamashii no Yama, titre qui peut se traduire par Une montagne de galets, quatrième offrande dédiée au doom « existentiel » (style que prétend pratiquer Et Moriemur).

Semblant toujours inspirée par les civilisations, la formation s’attaque ici au Japon en s’inspirant plus exactement d’une des pires catastrophes aériennes de l’histoire : le crash du Boeing 747SR-46 assurant le vol 123 de Japan Airlines entre Tokyo et Osaka. Un accident qui fit cinq-cent-vingt morts parmi les cinq-cent-vingt-quatre passagers à bord et qui ne connut que quatre survivants. Ainsi chaque titre de chanson se réfère à une ville ou un lieu survolé par l’avion, de son départ de l’aéroport d’Haneda à son crash sur le mont Takamagahara, montagne désignée aussi comme lieu de résidence des dieux dans le shintoïsme. Justement à propos de divinité, la pochette de Tamashii no Yama représente Raijin (connu en Occident sous le nom de Raiden, oui le même que l’on retrouve dans Mortal Kombat), dieu du tonnerre et des éclairs. Nous pouvons imaginer que Raiden a prédestiné le vol 747SR-46 à sa triste destinée…

C’est donc une véritable tragédie (au sens théâtral) mise en musique que nous pouvons entendre sur ce quatrième album de Et Moriemur, chaque piste décrivant le dernier trajet mouvementé de l’avion. Dimension tragique qui est aussi exprimée par les samples de boite noire (élément déjà utilisé par Rammstein sur son album Reise Reise) que l’on entend dans « Haneda » et « Takamagahara » ou les cris de détresse sur « Oshima ».

Précisons déjà que si Tamashii no Yama est composé de sept morceaux, il donne cependant l’impression de dérouler une seule piste, d’une durée de quarante minutes, tellement cette œuvre fait preuve d’unité dans son ensemble. Il faut plusieurs auditions pour saisir la profondeur et la finesse de cette œuvre et malgré la complexité des arrangements on ne s’ennuie absolument pas à l’écoute de cette musique riche et envoutante. La durée modeste du disque y est peut-être aussi pour beaucoup.

Les Tchèques ont gardé la lourdeur mélancolique du doom qu’ils ont mariée à des arrangements riches (on y entend des instruments à cordes, de la harpe, des chœurs et de la guitare acoustique) et bien amenés. Retenons notamment l’utilisation du shakuhachi, la traditionnelle flûte en bambou japonaise, instrument que l’on peut entendre notamment sur « Nagoya ».

Si le groupe laissait transparaitre quelques influences sur ses deux premiers albums, Tamashii no Yama voit Et Moriemur donner sa définition personnelle du doom metal. Loin du sous-My Dying Bride ou de l’ennui profond, parfois, provoqué par le funeral, nous sommes ici dans un doom que nous pourrions qualifier de progressif. Non dans le sens complexe et technique, malgré le niveau des musiciens élevé, mais plutôt dans la définition aventureuse du genre. Un aspect progressif qui se retrouve dès l’introductif « Haneda », suite musicale composée de variations au piano avec cordes et guitares acoustiques plutôt typiques du genre.  A ce titre la piste finale de Tamashii no Yama «Takamagahara » répond  très bien à cette définition avec ses treize minutes au compteur et ses nombreux changements de rythme, arrangements et chants différents.

Aventureux, Et Moriemur l’est aussi en employant parfois le japonais dans ses textes chantés. Chant justement qui alterne cri désespéré proche du black metal dans sa forme dépressive, growl et passages en voix claires mélancoliques. Retenons aussi les mélodies orientales très bien amenées sur « Izu » et « Nagaya » ou ces passages au clavecin bienvenus. Cependant le combo reste un groupe de doom metal comme le prouvent les riffs neurasthéniques de « Sagami » et « Izu » ainsi que les chœurs crépusculaires sur « Oshima » ou désespérés sur « Otsuki ».

Avec son concept original et ses idées riches en arrangements, Tamashii no Yama a donc les atouts nécessaires pour séduire les fans de doom metal aventureux qui ne rime pas avec ennuyeux. Un bien beau voyage épique et tragique les attend en tout cas.

Liste des titres :

  1.  Haneda
  2.  Sagami
  3.  Oshima
  4.  Izu
  5.  Nagoya
  6.  Otsuki
  7.  Takamagahara

Sorti le 8 avril 2022 sur Transcending Obscurity Records

Note : 8,5/10

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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