Amorphis – Circle

En guise d'introduction, je vous dois à toutes et à tous, cher(e)s fidèles de La Grosse Radio, un méa culpa. Oui, j'aime beaucoup Amorphis, j'en suis même plutôt fan et je ne le cache pas à ceux qui me connaissent bien. Je trouve par exemple que Skyforger, sorti en 2009, est l'un des meilleurs opus du genre jamais créé, ce qu'on pourrait appeler un bijou. Et j'avoue que, The Beginning of Times son successeur, m'avait directement beaucoup plus, me plaçant ainsi dans une chronique très positive écrite à l'époque de sa sortie il y a deux ans. Voilà, je le concède cependant, le 9/10 délivré à l'époque fut un poil généreux. Il faut néanmoins rappeler que nous n'avons parfois pas le recul nécessaire car limités dans un certain laps de temps pour écrire nos critiques. J'y croyais fort, à ce 9, lorsque publié l'article fut. Avec le temps, l'album s'est stabilisé à mes oreilles, s'ornant plus d'un 8 fort méritant en attendant ainsi la suite avec impatience.

Cette suite, la voici, sortie prévue ce vendredi 19 avril chez Nuclear Blast. Comme une révolution annoncée par le groupe, entre pochette quasi surnaturelle pour ceux qui connaissent le combo sur le bout des doigt et production menée par un certain Peter Tägtgren bien connu pour ses groupes Pain et Hypocrisy et ses travaux derrière la console pour Sabaton et consorts. Fébrile, le fan que je suis donc doit laisser place au chroniqueur neutre et objectif. Cette fois-ci, le recul nécessaire a été pris, entre écoutes au casque à la maison, sur lecteur MP3, ou dans la voiture - pauses de quelques jours ou relances successives. Et du temps, votre serviteur en a eu, pour près de deux mois de vie commune avec ce nouvel album, une histoire d'amour pas si simple car bercée de hauts et de bas.

Très vite, nous pouvons capter l'atmosphère et le feeling mélodique de disque. Les mélodies se retiennent facilement, ce qui est déjà un bon point mais aussi un certain éceuil pour quelques septiques. Amorphis a-t-il changé ? Oui et non. Pas tant que cela au final. Mais suffisamment pour qu'on commence ici à parler de petite évolution, sans pour autant brandir l'étandard de la révolution.

Le premier point mis en avant sera bien évidemment le chant de Tomi Joutsen, si caractéristique d'Amorphis depuis cinq albums maintenant. Il reste aussi suave et puissant, varié et très caractéristique à la fois, mais pour la première fois sans le guide Marco Hietala à ses côtés. Peter a pris également en main la production vocale et cela s'entend, avec un frontman encore plus en confiance qui tente des choses assez étonnantes. Le trio constitué de l'opening track "Shades of Gray", "Nightbird's Song" et "Enchanted by the Moon" met en relief les growls de notre dreadeux favori, les deux premières retiennent inlassablement notre attention tant la violence se fait ressentir. La seconde nommée se pare ainsi d'un black metal assez pertinent et parfaitement intégré, ce chant de l'oiseau de nuit marquant à lui seul l'envie d'aller de l'avant d'un groupe qui ne veut pas non plus trop s'endormir sur ses confortables lauriers. Alors oui, tout ceci est excellent, mais on sent que cela pourrait aller encore plus loin, Amorphis ne demandant qu'à se "burner" avec plaisir, mais il faut également concéder que l'arrivée du nouveau producteur a certainement dû changer certaines habitudes qui ont peut-être empêché la formation de repousser toutes ses limites.

"Enchanted by the Moon", revenons-y, évoque presque cette mini-frustration. Le morceau, typé dark Paradise Lost comme certaines joutes passées, enfonce le clou dans une noirceur paradoxalement illuminée par un refrain assez léger. La fin en mode doom quasi funéraire s'avère au final presque trop courte, tout comme ce break quelque peu apocalyptique placé en son centre, tant est si bien que ce titre pourtant excellent n'atteint pas le génie escompté. "Shades of Gray", pour d'autres raisons - autrement dit un refrain quelque peu bateau dans sa mélodie bien que diablement efficace - n'atteint pas le paroxysme qui lui était pourtant promis avec cette intro bien spectaculaire en arpèges blackisants. Du triumvirat sus-mentionné, "Nightbird's Song" remporte donc la palme, parfaitement parfaite de bout en bout pour ce qui est certainement le "highlight" de ce Circle.

Quant au reste, c'est beau et subtil, ou hymnesque, ou en mode "prémices d'un futur radieux", c'est au choix. Le gros hymne de l'opus, la très facile mais bougrement accrocheuse "Narrowpath", se fait une place très rapide dans votre esprit via cette introduction celtique à la Gary Moore et un riff typé heavy power bien rythmé. Pas la compo du siècle, mais un temps fort des prochains concerts, à n'en pas douter. Mieux qu'une chanson facile à retenir, "The Wanderer" qui la précède constitue le bijou mélodique de la galette, avec son atmosphère entre mélancolie douce et espoir (les claviers du refrain, un peu à la Dark Tranquillity, renforçant cette impression) qui rappelle que ce Circle raconte une histoire (voir l'interview du chanteur postée plus tôt aujourd'hui), liant d'une certaine cohérence chaque piste et faisant de cet album un tout qui se déroule d'une traite sans mal. Juste avant, "Mission" vous bercera allègrement, tranchant avec le "Shades of Gray" démarrant les hostilités et se liant facilement avec la suite. Bizarrement, nous ressentons là aussi la touche Peter Tägtgren sur la production vocale au niveau des couplets, cette petite voix doublée ainsi que le mixage n'étant pas sans rappeler quelques morceaux doux et épique de Pain.

Peu de reproche donc à faire à ce CD, du moins en substance. Et ce n'est pas sur cette conclusion un peu proggisante dans l'esprit (plus rock folk à la Jethro Tull qu'ultra technique) que nous irons chercher la petite bête. "A New Day" vient en effet refermer les débats sur une touche à la fois aérienne et touchante, quelques riffs potentiellement rapprochables à Dream Theater ("Under a Glass Moon" ? Faisant échos à certains coups de médiator de "The Wanderer" d'ailleurs) complexifiant un brin le tout sans dénaturer une mélodie naturelle, à l'image de chaque composition inspirée d'Amorphis. Et sur cet album, accordons-nous donc sur le fait qu'elles le sont toutes, y compris les deux derniers morceaux qui nous restent à mentionner. Tout d'abord le single "Hopeless Day", soufflant le chaud et le froid dans l'ambiance, au démarrage très sombre et puissant contrasté par des lignes vocales et un refrain bien plus souples à l'oreille, comme si on avait saupoudré d'adoucissant une compo prête à tout décaper... à la plus grande frustration de certains, mais cela fonctionne fort bien au fil des écoutes. Bon, et si on causait du morceau qui nous a, pour le coup, le plus frustré ? "Into the Abyss" avait tout d'une réussite sur le papier, jusqu'au solo tout allait bien malgré quelques redondances du passé, mais celle-ci finit par souffrir d'un effet de répétition lorsque son refrain se voit répété en final sans grande variation et sur une même ligne mélodique devenant quelque peu monotone malgré le beau travail des guitares derrière. Dommage... Dommage aussi ces paroles parfois pas forcément brillantes d'inspiration, attendons tout de même d'avoir les textes sous les yeux mais disons que l'histoire - bien qu'intéressante - parait assez simpliste et moins fouillée que les récits passés basés sur le Kalevala.

Amorphis 2013 band

Nonobstant ces quelques légers repoches, le point fort d'Amorphis est une nouvelle fois cet apport assez discret dans les arrangements et les changements de tonalités - notamment lorsque le refrain est repris en conclusion - qui rend un travail en l'apparence simple et très easy listening bien plus profond qu'il n'y parait. "Hopeless Days" évite peut-être ainsi l'écueil de la facilité par cet effet, de même que "Narrowpath" pour ne citer que celles-ci. La dernière piste bénéficie quant à elle d'intéressants effets claviers "flûte" et "saxophone" (à moins que cela ne soit de vrais instruments en guest ? A vérifier sur le booklet de l'album), l'âme prog de Santeri Kallio se mariant bien à celle des guitaristes Esa Holopainen et Tomi Koivusaari dont les cordes ressortent plutôt fort bien sur cette offrande, Peter Tägtgren ayant eu la bonne idée d'axer le mixage sur les grattes. Au milieu de tout cela, Tomi Joutsen apporte sa fougue plus directe et son émotion d'autant plus intacte qu'on le sent à même d'aller encore plus loin comme les tentatives plus extrêmes repertoriées plus haut.

Circle démarre donc bel et bien une nouvelle ère Amorphis, les changements sont loin d'être brutaux mais l'évolution se lance progressivement et avec parcimonie dans une production à la fois plus fraîche, plus directe et moins lassante que The Beginning of Times. Tant est si bien que, si cet album s'avère donc une franche réussite, on le sent surtout comme le point de départ de quelque chose qui se doit d'être plus grand et plus abouti à l'avenir. A suivre donc, le sextette finlandais semble avoir plus d'un tour dans son sac et n'a certainement pas pour ambition d'éternellement tourner en rond.

Note : 8.5/10

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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