Leprous (+ Monuments + Kalandra) à la Salle Pleyel (Paris) le 12.02.23

Quel programme pour un dimanche soir improvisé ? Peu d'entre vous ont répondu "se faire appeler in extremis pour couvrir un concert de Leprous à la Salle Pleyel", et pourtant ! La Grosse Radio, quand elle se retrouve avec un imprévu de dernière minute, quémande à ses anciens disparus de la rédaction depuis Mathusalem d'écrire sur des groupes qu'ils n'ont encore jamais écouté. Pensée macroniste oblige, on mandate les vieilles croûtes pour leur demander de rattraper les derniers trimestres.

On dégraisse la plume, direction les beaux quartiers de la capitale pour se rappeler la joie des soirées metal, des corps qui suintent devant des tatoués qui s'égosillent. Ça tombe bien, Monuments est d'exactement dans ce ton-là. Mais auparavant, place à la formation norvégienne Kalandra, invitée par Leprous pour assurer l'ouverture de cette tournée.

Kalandra

C’est moins d’un an après son passage à L’Olympia avec Wardruna que Kalandra revient fouler les planches parisiennes. La talentueuse Katrine Stenbekk avait d’ailleurs eu fort à faire sur cette précédente tournée, assurant les chœurs aux côtés d’Einar Selvik et sa bande en tête d’affiche en plus de l’ouverture du concert.

Le timbre aérien de Katrine s’élève sans artifice pour le morceau d’entame "Borders", plongeant la salle dans une ambiance feutrée et mélodique, avant que le groupe n’amène davantage de puissance pour soutenir le chant dès le second titre. Ce "Slow Motion" mêle des influences folk et pop à un côté nordique envoûtant dans le refrain que la vocaliste ponctue de mouvements chorégraphiés inspirés. Malgré ses efforts pendant tout le set pour interagir avec le public, on constate parfois que le groupe peine à occuper l’espace de la (haute) Salle Pleyel.

Le quatuor délivre des compositions intenses et pleines de sensibilité, entre dark pop et tonalités celtiques, bâties autour de la superbe voix de la frontwoman, bien mise en valeur dans le mix malgré une prévalence de la batterie sur le jeu subtil des deux guitaristes. Les morceaux joués ce soir sont essentiellement issus de l’opus The Line sorti en 2020, à l’exception d’un titre inédit introduit à la corne par le guitariste Jogeir Daae Mæland. C’est le single un peu plus rock et balancé "Brave New World" qui vient clore ce moment suspendu et éthéré que Kalandra nous a réservé.

Monuments

Quand on imagine la salle initialement habituée à des concerts moins "électrisés" - vérité bien moins affirmée depuis quelques années - difficile pour le quatuor britannique, le défi acoustique est pourtant étonnement relevé. Le metalcore qui nous est présenté à beau être brut dans son exécution, il se teinte de nombreuses subtilités, incluant au milieu de ses frappes d'accords nombre de courts phrasés mélodiques, qui auraient pu se retrouver étouffés dans le mix global. Il n'en est rien : si l'on aime Monuments, on en retrouve l'essence, et s'il s'agit d'une découverte, on réalise la précision des arrangements, qui cachent derrière la brutalité nombre de surprises.

Venu présenter In Stasis, sorti l'année dernière, par quatre morceaux sur les sept interprétés ce soir, Monuments est animé fièrement par Andy Cizek, qui foule les planches depuis trois ans avec la formation et impressionne par son timbre varié. Quand il n'alterne pas growls ou screams puissants, et surtout précis, son large panel vocal permet aux nouveaux titres de proposer des mélodies riches, où les variations sont nombreuses. Après cette prestation intense, le constat n'est pas unanime, les quelques retours que nous arrivons à capter n'étant pas ultimement convaincus par la musicalité des Anglais. Une chose revient dans les discussions, ce chanteur qui impressionne, mais un groupe qui semble encore avoir quelques preuves à faire pour s'accorder les faveurs du public de Leprous.

Setlist Monuments

I, the Creator
Opiate
Leviathan
Empty Vessels Make the Most Noise
Cardinal Red
False Providence
Lavos
The Cimmerian

Leprous

Quand c'est au tour des Norvégiens d'envahir la scène, on comprend pourquoi, malgré quelques similitudes, Monuments ne pouvait avoir meilleur accueil. Là où quelques envolées alourdissent l'ambiance, cette dernière est plus intime, pour une musique progressive, et surtout bien plus mélodique que ses prédécesseurs. Une lumière tamisée, laissant presque penser que le sextette porte des bas sur le visage, prêt à commettre un crime. Le braquage, c'est celui de notre ouïe, qui si on y est réceptif·ve nous embarque pour des contrées lointaines, abreuvées de mélancolie. En maître de cérémonie, Einar Solberg distille ses mélopées d'une voix douce et légère, qui sied parfaitement au ton du groupe. Souvent lentes - même si Leprous surprend sur d'autres titres vers la fin de son set -, les compositions s'insèrent dans cette mouvance progressive, prenant le temps de développer leur richesse, mais surtout leur rigueur d'exécution, pour des musiciens dont la virtuosité surprend à mesure que le concert avance.

Baard Kolstad, derrière les fûts, se distingue par son jeu toujours très riche, ses ghost notes et ses parties techniquement imparables, pouvant alterner d'une approche très ancrée metal vers des accents pop faisant penser à certaines surproductions actuelles, ici sans effets mais dénotées par son habileté à varier ses frappes. Au violoncelle, et sans jamais être noyé dans le mix tout aussi exemplaire que celui dont nous avons bénéficié sur Monuments, Raphael Weinroth-Browne apporte aux arrangements des nuances parfois classiques, quand il ne se joue pas des mêmes rythmiques que les guitares de Tor Oddmund Suhrke et Robin Ognedal, quant à elles alternant les arpèges flottants et des suites d'accords aux métriques complexes, hantise des lecteur·ices de partitions. Au centre de la scène, le clavier initialement occupé par Solberg devient un lieu de rencontre pour chaque membre, qui se retrouve selon les morceaux à abandonner son instrument de prédilection pour venir tâter les touches blanches et noires.

Seront moins surpris·es les amateur·ices, que l'on entend frémir lorsque les premières notes des morceaux pointent, mais pour qui se retrouve là par hasard, c'est un groupe ayant autant trouvé le son qui le définit que des musiciens qui continuent à chercher des façons de se dépasser qui se déploient.

En fier petit dernier ayant déjà deux ans aux compteur - un album composé pendant le COVID, ce que tout le monde a fait, nous dira Einar, dans l'une de ses invectives humoristiques qui font mouche auprès de l'audience ! -, Aphelion est nettement le plus représenté du set, et les morceaux qui le composent ce soir s'accrochent à l'identité du groupe, en faisant une bonne porte d'entrée pour découvrir leur univers, et ses variations. Des récurrences logiques, mais aucun titre qui ne se ressemble, et surtout la conviction qu'il faudra de nombreuses écoutes pour saisir toutes les nuances de ces compositions dont on sent le défi créatif.

Dans "The Sky Is Red", qui clôt le set, on a terminé d'apprivoiser le monstre Leprous, les parties se distinguent, notamment cette finalité presque atonale, où l'essence tribale accompagne les sonorités pourtant modernes, pour un déluge rythmique malaisant, ô combien envoûtant. Sur scène, le groupe n'est plus qu'un amas d'ombres, évoluant derrière les lumières rouges, très vives. Le temps d'un instant, on se retrouve en plein giallo, ou en plein rite des Sorcières d'Akelarre. La transe est là.

Setlist Leprous

Have You Ever ?
The Price
Illuminate
Running Low
On Hold
Castaway Angels
From the Flame
Alleviate
Out of Here
Slave
The Cloak
Below
Nighttime Disguise

The Sky Is Red

Elle a bien raison, La Grosse Radio, de rappeler ses vieux croûtons de temps à autre. Ça leur permet de découvrir des groupes qu'ils ont laissé de côté - en l'occurrence, un groupe qui a déjà fait un sacré bonhomme de chemin, donc on peut se permettre de traiter le dit croûton de flemmard - et de voir que la scène évolue, toujours. Dans de telles conditions, ça ne se refuse pas !

Texte Kalandra : Julie L

Tous les autres textes sont signés Thierry De Pinsun.  

Crédit photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe. 

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