Tears of Martyr – Tales

Vous savez ce qui est parfaitement con ? C'est les groupes qui donnent entièrement raison aux détracteurs d'un genre. Prenez le « metal à chanteuse », qui n'est pas vraiment un style musical à proprement parler, mais autour duquel s'est constitué une certaine communauté et une identité sonore. Sauf que le problème, c'est les ressemblances qui finissent par émerger. D'où quelques (ok, beaucoup) réflexions sur le côté surchargé de cette scène. Ce qui est le plus chiant dans cette histoire, c'est que tu auras beau défendre bec et ongle que non, il reste un semblant d'espoir et que tout n'a pas encore été dit que tes espoirs sont ruinés par des combos comme celui du jour. Tears of Martyr, avec son nouvel opus Tales, fera sourire les plus moqueurs d'entre vous et ne laissera pas sa trace dans le monde du metal. Rien de remarquable. Pas assez mauvais pour qu'on se foute de leur gueule, et pas assez bons pour se faire une place au soleil. Juste commun, la pire situation possible.

Car définitivement rien n'est excellent dans ce défilé de dix pistes qui se succèdent sans aucune passion, ce qui n'aide pas à éveiller un quelconque intérêt chez un auditeur blasé dès les premiers morceaux de la galette. Apparemment, nos amis espagnols ont au moins eu la décence de réviser « le metal gothique pour les nuls », car on ne peut reprocher au disque d'être moisi : au contraire, il est même très propre sur lui et ne prendra aucun risque, se contentant de reprendre ligne par ligne tous les codes déjà établis par d'autres … dix ans plus tôt. Sauf que ceux-là étaient des pionniers, des précurseurs, qui pouvaient se vanter d'avoir laissé une trace indélébile. Theatre of Tragedy, Tristania, voilà des formations qui ont une réputation, un nom historique ! Et ce n'est pas Tears of Martyr qui rejoindra un panthéon symboliquement réservé à une élite. En réalité, on pourrait aussi trouver les influences du combo chez Epica, pour l'aspect parfois plus death des compositions, la présence régulière de Miguel Ángel Marqués aux growls pour contraster avec la voix plus douce et lyrique de Berenice Musa, un enrobage alléchant aux premiers abords mais dont le malheur est, simplement, de n'être que trop classique.

La recette est connue ? C'est ce qui n'aidera pas Tales, où le sentiment de surprise est tout bonnement absent, du début à la fin. Le groupe va même jusqu'à pousser le cliché jusqu'à l'ajout d'un violon qui apparaît aux moments les plus larmoyants, souvent pour accompagner la voix féminine. Et ce qui aurait pu être une bonne idée (regardez Ashes You Leave, par exemple !) devient l'un des facteurs de l'aspect désespérément calibré et terne de Tears of Martyr. L'incorporation même de cet instrument à cordes frottées n'est, en soi, pas une mauvaise idée. C'est plus son utilisation, prévisible, qui pose un gros problème. Car vous voyez, là où certains se disent que c'est sympa de l'utiliser pour renforcer la puissance de leurs atmosphères et dégager une aura, chez nos amis espagnols, on se dit juste que c'est un moyen sympathique de faire pleurer dans les chaumières en le couplant à la douce voix lyrique de madame, ce qui ainsi octroie un bonus de +10 en mièvrerie à la piste « Mermaid and the Loneliness », mid-tempo déjà entachée par son côté mollasson et fade. Mais bon, il faut croire qu'ils avaient besoin d'achever ce titre, pourtant déjà à l'agonie.

Tears of Martyr

Tears of Martyr révisant « le metal gothique pour les nuls ».

Les quelques bonnes idées qui émergent chez Tears of Martyr sont malheureusement bien trop rares pour nous faire tendre l'oreille plus attentivement sur la livraison. On sera même troublé par certains aspects plus dérangeants, comme quelques tics vocaux de Berenice dans « Vampires of the Sunset Street » où le chant de la demoiselle se mue pour se dénuer de toute personnalité et devenir un parfait clone de Tarja Turunen, notamment dans les intonations, mais aussi dans un timbre qui se fond à merveille dans la peau du personnage. Et si cet aspect n'avait pas heurté l'oreille, ce titre serait passé foncièrement inaperçu tant il est commun, un problème qui est bien trop important dans l'ensemble du disque. Et tout comme la musique, les voix aussi souffrent de leur aspect très « déjà vu », notamment le growl de Miguel qui manque à la fois de charisme et de puissance, ne parvenant pas à insuffler le dynamisme nécessaire aux divers morceaux. Au moins, Benerice Musa évite le manque de technique, bien au contraire, on sent que la jeune femme est très expérimentée, pouvant se targuer de faire preuve d'une grande justesse et d'un bon registre. Dommage qu'elle soit encore bien trop influencée par ses idoles pour se démarquer réellement, preuve en est de ses similarités avec la diva finlandaise.

Berenice fait même quelques merveilles, trop limitées mais superbes tout de même. On pense bien sûr à sa prestation sur la ballade « Ancient Pine Awaits », où la chanteuse explore des tonalités plus graves, plus chaudes, montre qu'elle a un registre bien plus étendu qu'on pourrait le penser. C'est de là que naît l'immense frustration de ne pas entendre davantage la belle dans ces notes basses qui lui vont à ravir. Son interprétation est d'une très grande sensibilité, se couplant à ravir avec les sonorités hispanisantes d'une superbe guitare acoustique, offrant une ambiance intimiste au titre. Et voilà, vous avez le meilleur morceau de toute la galette. Une ballade. Mais quelle ballade quand même …

C'est ça qui est incompréhensible. Sur un exercice aussi casse-gueule que la ballade, où il est aisé de tomber dans l'insipide, Tears of Martyr s'en sort avec plus que les honneurs. Et sur le reste, difficile de voir la sauce prendre. Les quelques exceptions que sont « Golem » ou « Of a Raven Born », morceaux au demeurant agréables et remontant la moyenne du disque, sont trop rares. Choisissant d'aligner des riffs sans ingéniosité sur des refrains pauvres, Tales ne se distingue ainsi que par la qualité de sa ballade. Voilà qui est finalement très embêtant. On a envie de blâmer ce quatuor espagnol sautant à pieds joints dans la facilité et dans les poncifs du death / goth / sympho, ne montrant que trop rarement son potentiel. Et pourtant, les deux ou trois titres qui surnagent laissent espérer. Ainsi, on ne peut que leur conseiller de prendre le taureau par les cornes, de se sortir les doigts du cul et d'offrir un prochain opus nettement supérieur à celui-ci. C'est ça, ou être catégorisé à jamais de groupe banal. A eux de voir, car pour le moment, le résultat est trop insuffisant, naviguant dans les douces eaux de la torpeur.
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 4 / 10



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