Shores of Null – The Loss of Beauty

Shores of Null avait marqué l’année 2020 avec l’album-concept Beyond The Shores (On Death and Dying), œuvre doom singulière, explorant les différentes phases du deuil à travers une unique piste de 38 minutes. Le quintette italien était donc plutôt attendu pour son retour, et poursuit son parcours irréprochable avec la sortie en ce début de printemps de The Loss of Beauty, son quatrième opus.

Shores of Null a en réalité enregistré ce dernier album entre fin 2019 et 2020, en même temps que Beyond the Shores. Mais loin de poursuivre dans le même esprit lent et solennel que pour son prédécesseur, The Loss of Beauty est doté d’une énergie et d’une férocité supplémentaire, avec un format plus classique : onze morceaux, avec deux bonus sur la version digitale et CD, composent ce nouvel opus.

Si les paroles évoquent une invitation à chercher la beauté dans tout ce qui nous entoure, y compris dans l’inattendu ou l’éphémère, les Romains expriment cette fois-ci cette sensibilité et ce goût de la contemplation par des compositions variées, rythmées et bâties autour de mélodies intenses. On est loin du tempo traînant des albums de doom pur, car le spleen de Shores of Null s’élève et prend sa force dans le dynamisme et l’énergie.

À coups d’attaques rythmées, le quintette place une énergie et une certaine rage dans ses compositions, perceptibles notamment par des mélodies puissantes et un certain équilibre entre le chant clair et le growl du talentueux vocaliste Davide Straccione ("My Darkest Years", "Destination Woe", "Old Scars"). Le jeu d’Emiliano Cantiano derrière les fûts est assez dément sur ces morceaux où les émotions portées par le chant se retrouvent amplifiées, comme si une rage contenue se libérait soudain.

The Loss of Beauty se caractérise par la variété des atmosphères, le death tutoie le doom, l’ambiance se fait gothique et l’audacieux combo s’autorise même des incursions dans le black, avec une facilité déconcertante. Les accélérations redoutables dans "A New Death Is Born" préccèdent le retour du groove de la mélodie principale et du chant plus grave et profond. Les screams puissants de l’artiste italien de black metal Selvans, invité sur "A Nature in Disguise", rajoutent à l’intensité générale du morceau caractérisé par de belles lignes de basse signées Matteo Capozucca et des transitions incroyables.

Shores of Null Band 2023
Crédit photo : Arianna Savo

Il est impossible de ne pas souligner la prestation vocale remarquable de Davide Straccione. Porteur de force et maturité, d’une intensité de chaque instant, son timbre grave et riche plein de vécu, comme patiné, est capable de verser dans la distorsion mais également de partir dans des envolées presque théâtrales, comme dans la superbe "Fading as One". L’intensité de l’interprétation vocale y est magnifiée par d’entêtantes boucles de guitares et un superbe jeu de batterie, le tout étant mis en valeur par un mix conférant de la profondeur à l’ensemble.

Cette densité se révèle sur les titres instrumentaux, dont le très beau "The First Son". On peut toutefois regretter un peu trop de compression sur d’autres morceaux, par ailleurs très solides, où l’ampleur des arrangements peine légèrement à se déployer ("Darkness Won’t Take Me", au groove teinté de grunge, ou le dynamique bonus "Underwater Oddity").

La variété des morceaux évite l’effet d’essoufflement, du moins pour les onze premiers titres présents sur la version vinyle. Les deux pistes bonus sont en effet assez dispensables, sans réelle originalité. Mais on pardonne vite ce léger faux pas à Shores of Null, et on s’empresse de réécouter les pépites incroyables figurant sur l’album, portées par la complémentarité et l’ingéniosité du duo de guitaristes-compositeurs Raffaele Colace et Gabriele Giaccari.

C’est le cas de "Nothing Left to Burn" qui, avec son riff superbe, la lenteur pesante et le chant magistral, navigant entre clear et growl, dresse une description poignante de paysages de désolation. Sur "The Last Flower" enfin, se révèle l’art de la mélancolie. Death et doom se mêlent dans les lignes de guitares et dans la force évocatrice du chant de Davide. Des accélérations folles à la rythmique hallucinante, tout révèle une virtuosité insolente dans les transitions et une force indéniable sur ce morceau à la mélodie imparable. Ces deux excellents morceaux devraient en toute logique faire forte impression sur scène lors des prochains concerts du combo italien.

Riche, varié, entre contemplation, rancœur et introspection, The Loss of Beauty devrait faire date dans la discographie du groupe. Cette œuvre sombre et puissante témoigne d’un irrésistible élan du groupe qui franchit là un nouveau palier, en trouvant une forme d’expression artistique et esthétique singulière. Il ne faudra pas attendre trop longtemps pour découvrir sur scène l’univers du combo italien, entre mélancolie et force : Shores of Null sera à l’affiche de la tournée commune de Swallow the Sun et Draconian, qui fera halte à Colmar, Paris, Nantes, Toulouse, Montpellier et Lyon du 17 au 24 avril prochain…

Tracklist :

1. Transitory
2. Destination Woe
3. The Last Flower
4. Darkness Won't Take Me
5. Nothing Left To Burn
6. Old Scars
7. The First Son
8. A Nature In Disguise
9. My Darkest Years
10. Fading As One
11. A New Death Is Born
12. Underwater Oddity (bonus)
13. Blazing Sunlight (bonus)

L'album The Loss of Beauty de Shores of Null est déjà disponible via Spikerot Records.

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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