Dark Tranquillity – Construct

Passé, présent, futur


Vingt ans de carrière, dixième album. Probablement l'occasion que Dark Tranquillity attendait pour remettre quelques compteurs à zéro, sans oublier son passé. Attendu de pied ferme par les fans du groupe suédois et les aficionados de death-mélodique, Construct met fin à trois ans d'attente. Évolution musicale, nouveau logo et nouvel état d'esprit, l'un des grands noms du genre revient avec un de ses albums les plus maitrisés et, pourquoi pas, l'un de ses meilleurs.

Note: Les citations proviennent de l'entretien accordé par Mikael Stanne à La Grosse Radio publiée plus tôt aujourd'hui ainsi que d'une interview de Mikeal Stanne et Niklas Sundin, diffusée par le label Century Media.

Et bien qu’est-ce qu’on l’aura attendu celui là. Il faut dire que Dark Tranquillity n’a pas été avare en informations : un album annoncé en janvier 2013, une pochette estampillée d’un nouveau logo, ainsi qu’une tracklist, dévoilés en mars et, pour conclure, trois morceaux lâchés sur la toile. Il y a eu largement de quoi saliver.

Des infos auxquelles s’ajoutait une certaine curiosité puisque l’on sentait bien qu’après le trio Damage Done (2002) – Character (2004)  - Fiction (2007), le quintet suédois avait à cœur de se diriger vers quelque chose de nouveau. De cette envie de changement était né en 2010 We Are The Void, un neuvième album qui se voulait radicalement moins violent que ses aînés. Laissant la part belle à un chant plus clair et aux claviers, We Are The Void représentait, un peu comme Projector en son temps, une sorte de transition et a probablement laissé quelques fans sur le carreau. Il était donc légitime que ces derniers soit aux aguets à l'approche de cette nouvelle galette.

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Bien que Dark Tranquillity et son charismatique chanteur, Mikeal Stanne, soient effectivement entrés en studio avec "une envie de rompre une certaine routine et une éventuelle lassitude qui aurait pu s'installer", les fans peuvent se rassurer car ils trouveront leur compte avec Construct. Mais avant de rentrer dans les entrailles de la bête, il convient peut-être de présenter les grandes lignes de sa genèse.

C'est fin 2012, après avoir notamment annulé un passage au Trabendo de Paris, que Dark Tranquillity s'est plongé dans la création de Construct. En ne s'étant mis "aucune pression et laissé une totale liberté", les cinq zikos ont composé et enregistré les dix pistes dans le studio Rogue Music, appartenant au claviériste de la bande, Martin Brändsöm. Mixé par Jens Bogren (Opeth, Katatonia, Kreator), la réalisation de l'album aura pris six mois. Seule véritable contrainte imposée: "que chacun des titres soit aussi bons en live qu'en studio". Concernant la question "mais qui s'est chargé de la basse?", Daniel Antorsson ayant quitté le groupe après quatre ans de collaboration, c'est le guitariste Martin Henriksson qui s'en est chargé. Pour l'anecdote ce dernier a ainsi fait un retour quinze années en arrière, puisque c'est lui qui, à cette époque, officiait à la quatre corde, alors Mikael Stanne gérait chant et guitare ('suivez?).

Voici le résumé de la naissance de Construct, plus de détails à retrouver dans l'interview, qui sent bon le melon, de l'homme à la chevelure de feu. Il est donc temps d'attaquer le très agréable voyage musical que propose Construct.

Dix pistes pour 42 minutes de musique et une pochette sobre, non sans rappeler celle de Fiction. Une œuvre se résumant en un mot: dyptique. Construct est en effet le parfait mélange du passé et du futur de Dark Tranquillity. Un disque montrant une réelle envie de ne pas décevoir ses fans mais également celle de prendre le risque d'innover sans trahir sa personnalité.

Rien de surprenant d'ailleurs lorsque l'on découvre "For Broken Words" qui vient, doucement mais surement, ouvrir le bal. Le chant hurlé de Mikeal Stanne n'a rien perdu de sa superbe, les guitares de Niklas Sundi et Martin Henriksson apportent de la hargne et un côté sombre que viennent éclairer les notes du clavier de Martin Brändström. Anders Jivarp est quant à lui égal à lui même (pour l'instant) et livre un jeu de batterie carré et incisif, sans partir dans des roulements sans fin. Fait amusant concernant le chauve, plus il enregistre d'albums, plus sa batterie s'épure de quelques toms.

Bon pas de doute, il s'agit bien du Dark tranquillity que l'on connaît. Un sentiment confirmé par le coup de poing dans la gu**** qu'est "The Science of Noise" et qui s'inscrit dans la lignée d'un "The Treason Wall": guitares speeds et blasts soutenus viennent accompagner un chant toujours plus enragé. On note un superbe solo de guitare terriblement efficace et accrocheur et cela malgré une certaine simplicité. Mention spéciale à Anders Jivarp et ses baguettes très inspirées sur ce solo.

Après la tempête glaciale, le calme froid. Non sans rappeler le travail effectué sur We Are The Void, "Uniformity" fait, déjà, souffler l'auditeur à coup de chant clair, de claviers et de tempo lent. Le résultat est certes sombre, mais pas dénué d'émotion.

On repasse la vitesse supérieure avec un "The Silence in Between", beaucoup plus énergique. Aussi puissant que l'était "Monochromatic Stains" en son temps. Des chœurs discrets sont également à relever.  Cette piste fait tout simplement plaisir par son efficacité et annonce la première surprise de cet album: "Apathetic". Composition radicalement thrash (dans ton froc! © Vyuuse), rappelant les musiques violentes, et quelque peu oubliées, que l'on pouvait trouver sur The Gallery. La surprise vient également de l'excellent solo de guitare, aux saveurs orientales, qui est injustement trop court et de l'absence de clavier.

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Petit interlude avant de continuer. Avec ces cinq premiers morceaux, Dark Tranquillity ne fait d'entorse à personne. Cette première moitié peut-être vue comme un concentré de ce que le quintet a su faire de mieux jusqu'à présent. Mais, comme il est dit plus haut, la grande force de Construct vient surtout de ses changements et du rafraichissement d'un genre. Et c'est la que la qu'interviennent les cinq prochaines compos.

"What Only You Know" impressionne d'entrée grâce à la prépondérance de claviers qui apporte une grosse touche d'électro à la musique. Malgré cette surprenante, et radicale, direction, on reste en terrain plus que connu. Peut-être parce que cette "electro touch" est parfaitement dosée. En témoigne le refrain où l'ensemble guitares-synthés-chant trouvent un accord parfait qui ne donne qu'une envie: fermer les yeux, écouter et se laisser transporter par l'émotion. L'un des meilleurs titres de cet album.

On ne s'arrête pas en si bon chemin. "Endtime Hearts" suit la même direction électro-death-mélo avec, en particulier, une excellente intro que l'on ne cesse de se repasser juste pour le plaisir. Beaucoup plus énergique et peut-être moins bouleversante que "What Only You Know", "Endtime Hearts" joue à fond la carte de l'efficacité et précède une petite perle, "State of Trust". Surement le passage le plus perturbant, dans le bon comme dans le mauvais sens, de ce brulot. Avec son intro qui peut curieusement rappeler la musique de certains films comme Halloween, "State of Trust" alterne parties radicalement rocks et parties metal tonitruantes. On est surtout perturbé à l'écoute du refrain où Mikael Stanne part dans des timbres carrément pops. Pourtant, et pour des raisons obscures, ça marche.

Continuant son voyage mélodique où le chant clair marche peut-être un peu trop sur les growls, Dark Tranquillity n'allait pas oublié de se lâcher une dernière fois. Avec ses faux airs de "musiques de combat final" et son côté épique, "Weight of the End" vient, une ultime fois, plonger l'auditeur dans l'euphorie grâce à un parfait dosage d'énergie, de rage et d'émoi. Le death metal mélodique dans toute sa splendeur.

Antithèse de "For Broken Words", "None Becoming" vient clore Construct de la plus belle manière. Principalement instrumentale,  hypnotique, mélancolique, apaisante et particulièrement sombre, "None Becoming" va decrescendo et conclut parfaitement l'expérience. Elle en aurait presque un goût d'adieux.

Côté prod pour finir, il n'y a rien à redire. Le son est excellent même si l'on note une basse un poil en retrait. Les quatre musiciens assurent de bout en bout et peaufinent leur niveau. Et quel plaisir de voir Martin Brändström beaucoup plus mis en avant que par le passé.

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Dark Tranquillity ne peut définitivement pas fêter ses vingt ans d'une plus belle manière. Classique et novateur, court et addictif, audacieux et prudent, émotionnel et percutant, se bonifiant d'écoute en écoute, Construct s'impose comme un album complet et maîtrisé où aucune piste ne se ressemble et où aucune n'est à jeter. Son seul défaut réside peut-être dans la question "est-ce que cette nouvelle direction musicale fera l'unanimité?". À celui qui l'écoute de trancher.

Alors oui certes, la perfection n'est pas de ce monde. Mais lorsqu'un groupe offre un tel plaisir et montre une telle envie de se renouveler sans laisser ses fans de côtés... On fera bien un petit effort.

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 10 / 10



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